collage : [kɔlaʒ] n. m. – 1544 ; de coller
1. Procédé par lequel un auteur s’approprie des matériaux textuels préexistants afin de les insérer dans une œuvre de sa propre création. Implique un déplacement de texte d’un lieu A à un lieu B et s’accompagne le plus souvent d’une modification sémantique, du fait que le sens contextuel du passage cité ou plagié est altéré. Pourrait aussi être compris dans une acception plus large désignant un acte de création conçu comme un assemblage d’éléments disparates, une manière de faire de l’homogène avec de l’hétérogène ou de donner au multiple l’apparence de l’un.
2. Translations dans l’espace, dans le temps, entre les genres, qui permettent de recréer des significations et des interprétations à l’infini.
Jusqu’où peut-on retravailler la matière textuelle et imaginaire acquise et parvenir à la faire s’exprimer à nouveau, et de manière toujours nouvelle ? Y a-t-il une limite aux possibilités expressives du collage ? Le texte peut-il être épuisé ? Le copier-coller artistique représente-t-il une méthode d’appauvrissement ou de revalorisation des textes et des images qu’il tresse et reprend ?
3. Action de coller. Assemblage par adhésion.
L’histoire d’un collage est toujours une histoire double ; c’est l’histoire d’une rencontre, d’un mariage ou d’une guerre. C’est la trajectoire du collé, sa métamorphose par déplacement. C’est la révolution de la terre d’accueil, texte, toile, musée, sa transformation par incorporation. Des deux côtés, des sens qui résistent et s’épousent : la nouvelle structure tord le collé pour lui donner un sens nouveau, ordonné par elle, et le collé tord la structure en s’ouvrant, malgré tout, sur son ancienne structure. Ainsi, si le nouveau contexte détourne le collé, le collé en retour infiltre le contexte, et si le collage permet à l’artiste de s’approprier l’œuvre d’un autre, il le dépossède en même temps de la sienne.
4. Addition de colle.
Colle. COUR. Question difficile. Élément liant. En littérature, ce qui permet à l’auteur d’amalgamer le matériel textuel. Opère de multiples façons : d’abord très simplement, en agissant sur les lettres, les mots, les phrases que l’auteur ordonne par l’acte d’écriture. Ensuite de manière plus complexe, par les procédés d’intégration de textes de multiples provenances à un milieu textuel donné, par l’emprunt, ou par l’assemblage de différents morceaux de textes qui s’unissent pour créer une nouvelle cohérence.
Dans le cas de collage de texte à texte, ou de photogramme à photogramme, les éléments à assembler sont de même nature. Mais qu’en est-il lorsque les composantes à coller ne sont pas de même nature, n’utilisent pas le même langage artistique ? Comment alors trouver la colle appropriée ? Comment colle-t-on un air de musique sur un texte, ou un mouvement des bras sur cet air ? Peut-être en prenant pour élément liant un thème, un personnage, une phrase musicale, une image ?
Laquelle de ces définitions permet le mieux de saisir la nature du collage ? Peuvent-elles toutes y prétendre ? C’est parce que nous nous posions toutes ces questions, les croyant importantes, que nous avons décidé de faire du collage le sujet du premier dossier de la revue Chameaux. L’exploration de diverses voies nous a permis d’apporter certaines réponses, certains éclaircissements, et de nouvelles questions. Vous trouverez dans les pages qui suivent des textes essayistiques et critiques, des créations et une entrevue exclusive avec la poète Hélène Dorion, qui cernent notre sujet depuis plusieurs angles, et en permettent, nous l’espérons, l’approfondissement.
Nous vous proposons l’expérience d’un changement de lecture, presque de vision, qui fera prendre aux textes sous vos yeux (et dans votre esprit) les apparences successives d’un entier composé de fractions, d’un énoncé traversé de discours, d’un amoncellement de fragments qui forment un tout grâce à l’acte d’écriture, un enlacement composite, un enchevêtrement réticulaire… un amalgame.