Vie et mort d’une citation : la naissance

Par Nicolas Roy — Amalgames. Les auteurs écrivent au bâton de colle

1. Perspectives

Toute la difficulté vient de ce que la citation s’inscrit dans deux niveaux de description : d’une part, elle obéit à un mode de fonctionnement dont la linguistique, la sémiotique, la pragmatique et la logique ont vocation à rendre compte ; d’autre part elle participe d’un ensemble de pratiques qui peuvent être qualifiées, à défaut d’un terme meilleur, de « culturelles » […]1.

Nous ne sommes ni linguiste, ni sémioticien, ni pragmatiste, ni logicien, ni sociologue. Nous ne voulons pas faire un traité, nous ne voulons pas faire une théorie, nous ne voulons pas faire de la science ; nous ne voulons que tracer une ébauche, nous ne voulons que suivre une histoire. Mais nous voulons tout de même parler de la citation, la peindre, la raconter. Aussi nous ne pouvons que nous excuser pour toutes les interprétations inexactes, toutes les hérésies théoriques et toutes les naïvetés que ceux qui sont sémioticiens, sociologues, linguistes, pragmatistes et autres, nous reprocheront sans doute. Nous ne pouvons, pour rassurer ces spécialistes, que leur affirmer que, ne connaissant pas assez leur dialecte, ce n’est pas à eux que nous nous adressons : nous ne faisons qu’emprunter leurs couleurs et leurs mots, nous ne faisons, comme dirait l’autre, que bricoler avec leurs machins.

1.1 Premier déplacement : intertexte, citation et emprunt

La citation, pour Genette, est l’une des formes de l’intertexte. Ces formes sont reprises, avec un ajout, dans un article d’Annick Bouillaguet qui y constitue une typologie de ce qu’elle rebaptise l’emprunt. Ce changement de terme, comme l’explique Bouillaguet, vient du fait que ce que Genette appelle l’intertexte est plus restreint que ce qui est généralement nommé intertexte. Pour Genette, l’intertexte se manifeste « par une relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes, c’est-à-dire, eidétiquement et le plus souvent, par la présence effective d’un texte dans un autre2 ». Pour Julia Kristeva, qui inventa le terme, l’intertexte désigne « le croisement de la modification réciproque des unités appartenant à différents textes3 ». Pour Rifaterre « l’intertexte est la perception, par le lecteur, de rapports entre une œuvre et d’autres qui l’ont précédée ou suivie4 ». L’intertexte de Genette est un phénomène beaucoup plus local, les relations plus globales que peuvent entretenir les textes entre eux étant réservées à d’autres formes de transtextualité5. La typologie de l’emprunt qu’Annick Bouillaguet établit à partir des différents types de relations intertextuelles qu’identifie Genette est basée sur deux critères : le caractère explicite / implicite de l’emprunt et la littéralité / non-littéralité de l’emprunt. La citation est définie dans ce système comme étant le cas explicite et littéral de l’emprunt. Comme l’indique l’auteure de l’article, il s’agit d’une typologie formelle de l’emprunt et il est permis de s’interroger sur les relations qu’entretiennent les formes qu’elle définit et les possibilités fonctionnelles de l’emprunt. La citation transporte des mots d’un texte à un autre texte. C’est sa forme. Mais de tels transferts sont-ils tous semblables ? Si la théorie littéraire moderne a tendance à minimiser la fonction de transmission du langage, sans doute il arrive, parfois, dans des cas exceptionnels, que les mots servent à dire ce que l’on pense. Il arrive que non. Sans nier l’inextricable interpénétration du sens et de la forme, disons que parfois les mots sont largement contingents et ne sont vraiment qu’un moyen de communiquer un contenu prédéterminé. Dans de tels cas, ce ne sont pas réellement des mots qui sont importés mais autre chose (concept, idée, discours), et les mots d’une citation ne servent que de renvoi à cette autre chose. L’emprunt est alors formellement une citation mais, d’un autre point de vue, fonctionne comme une référence.

Nous allons considérer la citation comme procédé et la redéfinir à partir d’un point de vue que l’on pourrait qualifier de phénoménologique. Notre définition fonctionnant sur un autre plan, elle pourra recouvrir ce qui sur le plan formel est plutôt une référence ou une allusion. Formellement, la citation est littérale et explicite. Elle est littérale, et généralement circonscrite dans des guillemets : elle est reconnue comme autre. Elle est explicite, c’est-à-dire qu’elle est consciente, volontaire : celui qui cite convoque, en toute connaissance de cause, le texte d’un autre dans le sien. Que du texte de l’autre ce soit des mots ou des idées qui soient appelés par le réécriveur, l’appel reste, de notre point de vue, une citation. La citation, comme processus, sera donc pour nous une forme consciente et localisée d’intertexte, par laquelle l’auteur d’un texte second importe un élément reconnu étranger provenant d’un texte premier.

1.2 Second déplacement : citation et citation

Mais avant qu’il y ait acte de citation, il y a la citation : l’acte de citation n’est que le dernier chapitre de la vie cyclique de la citation, d’une vie qui va de l’extraction à la greffe. Le terme citation a « ce privilège parmi tous les mots du lexique de désigner à la fois deux opérations, l’une de prélèvement, l’autre de greffe, et encore l’objet de ces deux opérations, l’objet prélevé et l’objet greffé6 ». Nous voulons raconter le premier chapitre de l’histoire de la citation : sa naissance. Nous ne nous intéresserons pour l’instant ni à l’objet prélevé, tel qu’il est avant d’être prélevé, ni à l’objet greffé, tel qu’il est une fois greffé, mais à l’objet intermédiaire, transitoire, peut-être plus proprement la citation elle-même, qui n’est ni exactement la citation incorporée au texte second, ni la citation, avant qu’elle ne soit citation, dans le texte premier. Après l’extraction et avant la greffe, il y a un bout de papier. Sans doute ce bout de papier est déjà citation puisqu’il n’est plus dans un texte mais dans la main de quelqu’un, l’auteur avant de le coller, le lecteur avant de le rencontrer, prêt à servir ; puisqu’il n’est déjà plus une énonciation originale, même s’il n’est pas encore une énonciation seconde. Qu’est-ce que ce bout de papier ?

2. La naissance de la citation

La future citation, avant d’être extraite et de devenir citation, est une partie indifférenciée d’un énoncé global, d’un tout, par rapport auquel elle se définit, dans lequel et par lequel elle possède un sens (ou fonctionne). Le fragment devient citation par une opération particulière de lecture, c’est-à-dire dans le cadre d’une prise en charge concrète d’un texte par un lecteur. Les ciseaux qui découpent la citation ne coupent pas dans les mots mais dans l’interprétation d’un texte. Peut-être le terme « interprétation » est-il trop fort ; nous ne voulons pas dire que la citation soit toujours retenue comme porteuse d’un sens défini, réfléchi, établi selon une interprétation consciente et explicite du texte qui la contient. Sans doute, beaucoup de passages sont retenus lors de lectures relâchées, discontinues, et moins pour un sens particulier qui leur serait attribué de manière définitive, que pour le charme avec lequel elles convoquent un vague horizon de sens potentiels. Un autre pourrait lire le même texte, retenir la même phrase, mais au cours d’une lecture différente, attentive, visant la production d’un texte critique, et en faire une citation qui serait plutôt un morceau scrupuleusement étudié et soigneusement extrait selon des contours déterminés par une interprétation, voire une compréhension, réfléchie du texte d’origine. Les deux citations auraient les mêmes mots certes, mais ce ne sont pas des mots-objets qui sont cités, ce sont des mots lus, et différentes formes de lectures, différents degrés et modes d’interprétation, importent par les mots des choses différentes. L’acte de naissance de la citation ayant lieu au cours d’une lecture d’un texte, et la citation étant toujours un morceau de cette lecture et non de la séquence de mots qui forme le texte, c’est dans tous les éléments impliqués par un acte de communication que nous devons chercher les possibilités de l’être de la citation. Toute citation provient non d’un texte mais d’une actualisation d’un texte, d’un acte de communication. Qu’est-ce qu’il y a dans une citation ? Qu’est-ce qu’il y a dans un acte de communication ? Prenons comme réponse à cette question, et comme guide d’exploration, le schéma de la communication de Jakobson.

2.1 Des outils et des mots

Avant de procéder il faut, afin d’éviter les malentendus, circonscrire un peu plus clairement notre objet, et nous fixer un vocabulaire. La citation qui nous intéresse ici est la citation potentielle, la citation telle que formée par la lecture d’un individu, existant dans l’esprit de cet individu dans l’attente de sa réutilisation. Nous envisageons cette citation potentielle comme un objet délimité, ponctuel, même si au final, puisqu’il est énoncé, son existence propre s’enfuit et se perd dans la toile infinie de l’intertexte. Nous envisageons ici la citation essentiellement comme signe dont le signifiant serait (en général) un fragment du texte premier et dont le signifié serait formé par et dans une lecture du texte premier. Ainsi, notre approche est inévitablement susceptible à la critique de la différance derridienne et, plus généralement, aux reproches que Bakhtine adresse au modèle de la communication de Jakobson7. Nous croyons que la perspective que nous proposons n’en est pas moins parlante et intéressante, mais nous reconnaissons et acceptons ses faiblesses.

Nous appellerons le contenu en code d’une citation ce qui du code impliqué dans la lecture par laquelle la citation s’est formée fait désormais partie de son sens, ce qui du code a été intégré par le lecteur au signifié du signe qu’est devenue la citation. Similairement pour le contenu en message, le contenu en destinateur, et, en général, le contenu d’une citation en l’un des six facteurs constitutifs de la communication du schéma de Jakobson. Une citation peut avoir un contenu en code plus ou moins élevé, selon que le code est plus ou moins important dans sa définition. Comme nous l’avons déjà mentionné, l’opération de lecture qui mène à l’élaboration du contenu d’une citation peut être plus ou moins contrôlée et plus ou moins orientée vers une réécriture : à un extrême nous avons la citation qui séduit le lecteur au passage, à l’autre nous avons la citation cherchée à seule fin de son intégration dans un texte second déjà partiellement écrit. Ce dernier cas nous sera très utile dans la suite pour deux raisons : l’acte de citation y est plus intentionnel, ou direct, et plus spécifique. Ce qui est mis dans une citation « orientée » est simplement ce que le lecteur veut importer dans son propre texte et la distance entre ce qu’est la citation extraite et la citation greffée se trouve presque annulée ; en d’autres termes le contenu de la citation est dicté par son rôle. Ce rôle est généralement restreint, ce qui permet d’exemplifier relativement clairement un cas de contenu. Ces exemples ne doivent cependant pas donner l’impression que la relation d’équivalence entre contenu et fonction communicationnelle qui les caractérise est généralisable : il n’y a pas de relation simple et linéaire entre l’importance relative des contenus d’une citation et le rôle rhétorique, ou le sens, ou la fonction communicationnelle qu’elle pourra assumer dans un texte second. La citation potentielle est la matière première de l’acte de collage, et l’acte de collage la transforme, la tord ; c’est sa vie, peut-être sa mort, et nous ne parlons pour l’instant que de sa naissance.

En plus de vouloir distinguer les différents contenus possibles d’une citation, et pouvoir parler de leur importance relative, nous voulons pouvoir qualifier ces contenus. Nous voulons pouvoir dire quelle sorte de rapports entretiennent les contenus de la citation avec le texte d’origine de la citation. Nous introduisons à cette fin les couples fidèle / infidèle et transcendant / immanent.

2.2 Fidèle et infidèle

Avec l’opposition de fidèle et d’infidèle nous voulons essentiellement étendre la distinction qu’opère sur le plan matériel celle entre littéralité et non-littéralité dans la typologie de Bouillaguet à tous les aspects de la citation. De la même façon que nous pouvons dire qu’un emprunt est littéral ou non selon qu’il emploie ou non les mots du texte premier, nous voudrions pouvoir dire d’une citation, dans le sens élargi où nous l’utilisons, qu’elle est littérale ou non par rapport au sens, au code, et ainsi de suite. La difficulté vient évidemment de ce que la matérialité du texte est toujours une chose vérifiable, certaine, alors que le véritable sens d’un texte est loin d’être toujours quelque chose de facile, voire de possible, à déterminer. Il n’est possible de dire qu’une citation ne respecte pas le sens qu’elle avait dans le texte premier qu’en opposant une interprétation de son sens dans le texte second à une interprétation de son sens dans le texte premier, et c’est une opération qui n’a véritablement de validité que si les deux textes sont suffisamment univoques. Nous ferons de la fidélité une mesure de l’importance du cotexte dans la détermination du contenu (en un facteur de la communication) d’une citation. Si par exemple un lecteur ouvre un livre au hasard, lit une phrase au hasard, que cette phrase lui plaît, et qu’il la mémorise, elle formera une citation infidèle par rapport à tous les facteurs (et ce, que le sens donné à la citation soit éloigné ou non du sens qu’une lecture complète lui aurait donné). Dans le cas de textes suffisamment univoques pour qu’il soit jugé que toute lecture doive arriver au même sens, une citation utilisée d’une manière qui ne concorde pas avec ce sens doit forcément avoir été formée dans l’ignorance (feinte ou non) du cotexte, et nous rejoignons alors l’idée intuitive de citation déformante. Il ne faut cependant pas oublier que la fidélité ou l’infidélité est une propriété de la citation avant d’être citée, ou si l’on veut du processus de formation de la citation, et non de sa réutilisation dans le texte second. L’infidélité d’une citation ne peut jamais qu’être inférée à partir de contradictions perçues entre le sens donné à la citation dans le texte second et certains éléments du texte premier ; dire d’une citation dans un texte second qu’elle est infidèle, c’est juger qu’elle y est utilisée d’une manière ou dans un sens qui sont impossibles à réconcilier avec une lecture cohérente du texte premier, et de là déduire qu’elle a été formée par une lecture infidèle.

2.3 Immanent et transcendant

Une citation peut être retenue pour son contenu propre (contenu étant ici entendu comme tout ce qui peut être mis dans la citation lors de son interprétation-extraction) ou comme véhicule d’une partie ou de l’ensemble du contenu du texte d’origine. Nous dirons que l’un des contenus d’une citation est transcendant (ou que la citation est transcendante par rapport à l’un des facteurs) si elle agit comme représentante du contenu ou d’une large partie du contenu du texte premier. Qu’entendons-nous, exactement, par représentante ? Il s’agit largement d’une question d’attribution de la part du lecteur. Une citation est transcendante (par rapport à l’un des facteurs) si le lecteur juge qu’elle ne porte pas d’elle-même le sens dont il la charge, que ce sens ne se trouve pas qu’en elle. Nous pourrions dire autrement qu’une citation est transcendante si son sens en tant que signe dépasse tout sens que pourrait livrer son interprétation en tant qu’énoncé (ou que le lecteur juge que son interprétation pourrait livrer). Bien sûr, nous reconnaissons que tout signe porte en puissance, ou débouche, sur tous les autres signes du système dans lequel il fait sens, et que certainement le sens d’une citation implique forcément son cotexte d’origine, ou alors elle est infidèle et nos paramètres se recoupent. Il implique le cotexte et en dépend, certes, mais il ne le porte pas. Une citation est entièrement immanente (par rapport à l’un des facteurs) si le lecteur juge qu’elle signifie d’elle-même le sens qu’il lui attribue. L’immanence d’une citation ne dépend pas de l’importance du cotexte dans la formation du sens du court extrait de texte qui forme la citation, mais de ce que le sens de la citation se limite ou non à celui donné au court extrait. Une citation a une valeur immanente lorsqu’elle est extraite du texte premier comme on extrairait une pierre précieuse du roc (en oubliant ce que la pierre doit de sa formation au roc) et elle a une valeur transcendante lorsqu’elle est extraite du texte premier comme on extrairait un échantillon.

3. La citation potentielle et ses contenus
3.1 Destinateur et destinataire

Le schéma de Jakobson est un schéma de la communication. Il représente une rencontre localisée dans le temps et opérant par le langage entre deux êtres dont l’un occupe le rôle de destinataire et l’autre, le rôle de destinateur. L’identité du destinateur ne se confond, à strictement parler, ni avec celle de l’individu particulier qui en assume le rôle, ni avec les traces qu’il laisse dans le message, et pareillement pour le destinataire. L’existence de l’individu dépasse celle du destinateur ou du destinataire, elle perdure dans le temps au-delà de l’acte de communication qui n’en est qu’un moment. « Tout énoncé possède deux aspects : ce qui lui vient de la langue et qui est réitérable, d’une part ; ce qui lui vient du contexte de l’énonciation, qui est unique, d’autre part8. » Le message est ce qui vient de la langue : il est éternel et n’existe pas dans le temps. Destinateur et destinataire existent entre les êtres de chair et les entités abstraites que sont le destinateur et le destinataire inscrits dans le texte, ils sont le lieu et le produit de leur rencontre, d’une de leurs rencontres particulière et concrète. Dans la communication usuelle, il est généralement supposé que locuteur et allocutaire interagissent avec un certain degré de transparence et d’authenticité. Le rôle qu’ils jouent n’est donc vraiment qu’une fonction qu’ils remplissent afin de communiquer et qui vient se superposer à leur être sans l’altérer et sans fonder un être second. Mais seul devant le texte, pour en faire un énoncé, le lecteur doit se dédoubler et se jouer une sorte de pièce de théâtre dans laquelle il assume à la fois le rôle d’un je passif qui entend et d’un autre je, actif, qui parle. Le destinataire n’est ni le lecteur lui-même ni l’instance fantomatique et muette qu’est le lecteur modèle, mais l’interprétation, au sens théâtral, que le lecteur donne de ce dernier ; ni Peer Gynt, ni Per Tofte, mais le Peer Gynt joué par Per Tofte qui exista en 1998 sur une scène de Vinstra. Dans l’acte de lecture qui donne naissance à la citation, le destinataire est le lecteur jouant le destinataire et le destinateur est le lecteur jouant le destinateur. Gardons ces distinctions en tête pour la suite.

Le destinateur que joue le lecteur lorsqu’il lit et auquel il attribue l’énoncé qui deviendra citation, partage généralement le nom de l’auteur du livre ou de l’un des personnages qui s’y trouvent. Cet autre est quelque chose comme une « vision du monde » ou l’univers subjectif duquel la citation et un ensemble plus ou moins vaste d’énoncés sont issus. D’un autre côté, c’est aussi une voix : le principe de production des énoncés, potentiellement capable d’en produire d’autres. Il pourrait être tentant de renvoyer ce qui du destinateur est un monde subjectif au contenu en référent de la citation, et de ne garder dans le contenu en destinateur que l’aspect voix. Mais ce serait confondre le contenu de la citation et ses fonctions potentielles dans des textes seconds futurs. Le destinateur ne peut devenir référent (ou objet d’un énoncé) que dans un discours second : il faut que l’auteur premier ait parlé avant qu’il lui soit possible de constituer sa parole en discours. Ce n’est similairement qu’une fois la citation insérée dans un texte second que la voix du destinateur d’origine peut être réactivée et, pour répondre à son nouveau contexte, produire, en quelque sorte, de nouveaux énoncés. Le destinataire contenu dans la citation permet potentiellement les deux.

Le contenu en destinateur d’une citation est transcendant dans la mesure où le destinateur porté par la citation se définit par un ensemble relativement vaste d’énoncés qui inclut la citation elle-même. Le contenu en destinateur d’une citation est entièrement immanent si le destinateur porté par la citation se définit par sa seule production de l’énoncé qui forme la citation. Notons que dans les deux cas, en tant que voix, le destinataire porte une infinité potentielle d’énoncés, et que la différence entre destinataires immanent et transcendant concerne les énoncés réalisés recouverts par le destinateur. La fidélité ou l’infidélité du contenu en destinateur est essentiellement une question d’erreur d’attribution. Un lecteur qui lit trois aphorismes pris au hasard dans Le voyageur et son ombre, et qui nomme Nietzsche le destinateur qu’il s’est construit par cette lecture, tout en lui attribuant l’ensemble des écrits du Nietzsche réel, mettra dans ses citations un destinateur transcendant et infidèle.

Le destinataire est le lecteur qui se définit par sa lecture. Alors que la construction du destinateur tend à renforcer l’unité d’un sujet autre, le destinataire au contraire tend à la dissolution de l’unité du je du lecteur. En effet, l’auteur n’a généralement pas, pour le lecteur, d’autre existence concurrente à celle qu’il a par ses textes : la construction du sujet Gide à partir de divers énoncés signés Gide procède de l’hypothèse de la continuité et de l’unité de ce sujet. Le je propre du lecteur n’est pas le produit, mais le lieu de la lecture, la scène sur laquelle s’est produit le destinataire. Le destinataire est le je en proie au texte, un je autre et temporaire qui n’est pas ce qui, stable, reçoit des impressions, mais qui se résume au contraire en une suite particulière d’impressions.

Je puis m’exciter sur un texte, le souligner, le barrer, le découper, le déchirer et le couvrir d’injures, l’ébranlement initial m’est inaccessible, parce qu’il est tout à la fois dans le texte et hors de lui, dans la configuration imaginaire de lecture où, de tout mon corps, je suis une partie prenante et l’ultime référent9.

Le destinataire qui peut être importé dans une citation n’est pas le je du lecteur, mais un je autre qu’il a déjà été, ou par lequel il a déjà été habité, et qui se résume aux impressions, aux pensées, aux sentiments, qui l’ont occupé. En d’autres termes, la citation à fort contenu en destinataire est une madeleine. Le contenu en destinataire est transcendant si l’expérience transportée dépasse l’expérience de lecture de l’énoncé de la citation, que ce soit en atteignant jusqu’à l’expérience de lecture du livre d’où provient la citation ou jusqu’à la jeunesse du lecteur. Une citation est fidèle ou infidèle par rapport au destinataire selon l’importance du cotexte dans la formation de l’expérience qu’elle transporte. Une citation qui transporte le « moi jeune » du lecteur, par exemple, est transcendante et infidèle.

3.2 Le code

En allant au plus direct, il serait tentant de dire ici qu’il s’agit de la langue partagée par l’auteur et le lecteur, et que la conservation ou non de cet élément dans la citation équivaut simplement au fait de traduire ou non la citation. Mais ce qui nous intéresse n’est pas la conservation, c’est l’importation : le fait de transporter, à travers une citation, un code ou un langage utilisé dans un texte vers un autre texte. Il est possible qu’un auteur choisisse de citer dans une langue étrangère par conformation à une norme éditoriale et non spécifiquement pour faire pénétrer la langue en question dans son texte, ou plutôt sans que cette langue soit autre chose que contingente à ce qu’est la citation pour lui10. Cela dit, c’est peut-être d’un point de vue moins global que ce paramètre est le plus intéressant. Une citation peut servir à signaler l’utilisation d’un langage spécialisé ou idiosyncrasique ; elle peut vouloir dire : « Lorsque je dis tel ou tel mot, c’est dans le sens que cet autre lui donne. » Il n’est évidemment pas nécessaire qu’une citation ait pour but spécifique d’introduire un langage particulier pour qu’elle le fasse.

Le contenu en code d’une citation est immanent s’il ne concerne que les mots qui se trouvent dans l’énoncé qui forme la citation. Le contenu en code est transcendant lorsque la citation transporte un code plus étendu, qui définit d’autres termes que ceux présents dans la citation. Une citation sera infidèle par rapport au code si elle ignore, ou ne respecte pas, le code établi dans le texte premier. Il faut noter que le code n’a pas de degré zéro : si le texte premier utilise et définit un code particulier, la citation qui ne l’importe pas n’est pas vide par rapport au code mais infidèle (et probablement immanente).

3.3 Le contact

Il nous semble y avoir deux manières distinctes dont on pourrait envisager de dire qu’une citation importe le contact impliqué dans la lecture, et ce du fait que le contact représente « la combinaison d’un canal physique et d’une connexion psychologique11 ». Il est difficile d’imaginer qu’une citation soit retenue principalement pour le livre ou la page (objet physique) dans lesquels le lecteur l’a rencontrée. Les seuls cas vraiment plausibles sont ceux où la citation porterait, en plus de la simple idée du livre comme objet, quelque chose de l’expérience du contact physique avec celui-ci, mais alors la citation ne représenterait plus le contact mais l’expérience de lecture, et il serait plus juste de dire que la citation porte quelque chose du destinataire (de manière transcendante et fidèle). Il ne semble simplement pas y avoir de pratique qui corresponde à cette possibilité de la citation.

D’un autre côté, l’idée d’une citation qui porterait quelque chose du contact psychologique est beaucoup plus parlante. Il faut ici aussi écarter les cas où la citation serait quelque chose comme le souvenir de l’effet de contact intime avec la voix d’un autre que peut construire la lecture, d’une sorte de dialogue virtuel dans lequel un lecteur peut se sentir engagé avec un auteur : il s’agirait encore de l’expérience de lecture, du destinataire et du destinateur, et non du contact lui-même. Mais il n’est pas impossible non plus d’imaginer une citation qui aurait pour rôle dans un texte de simplement signifier « j’ai lu cet autre texte », sans même que le sens ou la forme de la citation ait vraiment d’importance. Ainsi, c’est une scène relativement fréquente dans les romans français du xixe, où deux personnages citent une maxime quelconque, souvent latine, dont le seul véritable intérêt est d’indiquer qu’ils ont par le passé, généralement au lycée, été en contact avec cette citation, et de témoigner par là d’une expérience commune.

On dira qu’une citation est fidèle par rapport au contact s’il n’y a pas d’erreur d’attribution et infidèle si c’est le cas (par exemple si l’on cite une phrase des Nourritures terrestres pour indiquer la fréquentation de La recherche du temps perdu). On dira qu’une citation est immanente par rapport au contact si elle n’indique que la familiarité avec elle-même (par exemple une maxime) et qu’elle est transcendante si elle indique plutôt la fréquentation d’un livre ou d’un auteur particulier. Le cas d’une citation réellement immanente étant plutôt difficile à imaginer (en effet, une maxime indique généralement la fréquentation d’un ensemble d’énoncés dont elle fait partie, d’une culture ou d’une éducation, et non d’elle seule), on pourrait plutôt dire immanentes par rapport au contact les citations qui indiquent le contact avec un livre (ou un passage relativement autonome ; un poème, un essai, une digression philosophique). Les citations transcendantes par rapport au contact seraient alors celles qui indiquent le contact avec un auteur, un discours, une école de pensée.

3.4 Le référent

Il nous semble y avoir une certaine schizophrénie dans la délimitation de ce qui appartient au signifié et de ce qui appartient au référent ; ces derniers ne recouvrent pas exactement les mêmes choses selon que l’on parle de mots ou d’énoncés, et le trio signifié / signifiant / référent ne fonctionne pas exactement de la même façon que l’opposition du référent au couple signifié / signifiant qui forme le message dans le schéma de Jakobson. Une sphère est une « réalité conceptuelle » et un « objet intérieur » ; elle est le signifié du mot sphère, mais elle est aussi le référent des théorèmes et des formules qui parlent des sphères. Une sphère est-elle définie comme « l’ensemble des points équidistants d’un centre » ou bien est-ce « les points d’une sphère sont équidistants de son centre» qui est un énoncé sur les sphères ? Est-ce que l’énoncé parle de la sphère, décrit la sphère, ou est-ce que l’énoncé construit le concept de sphère ? Ou est-ce plutôt l’ensemble de tous les énoncés vrais sur la sphère qui en constituent la « paraphrase définitoire » ?

Il faut ici encore garder bien en tête la différence entre le rôle de la citation dans le texte second et ce qu’elle porte. Il s’agit encore une fois d’une question d’attribution. Le référent est la réalité à laquelle le lecteur juge que le texte premier réfère. La délimitation exacte de ce qui appartient au référent, au message et au destinateur dépend largement des convictions cognitives du lecteur (vous et l’autre). Si le lecteur juge qu’une structure, causale ou logique, appartient en propre à la réalité dont il est question dans le texte premier, alors cette structure fait partie du référent. Si au contraire cette structure est plutôt considérée comme une façon de parler d’une réalité à laquelle elle est surimpimée, dans laquelle elle n’est pas inscrite, alors cette structure appartient plutôt au message. Similairement pour les jugements concernant cette réalité (s’ils sont jugés vrais, ils appartiennent à la réalité, s’ils sont plutôt considérés comme des opinions, ils appartiennent au destinateur). Idées, concepts et autres sont des référents lorsqu’ils sont traités en référents (et acceptés tels par le lecteur).

Le contenu en référent de la citation sera transcendant si la citation porte pour le lecteur une réalité (un concept, un système, une idée) plus large que celle à laquelle réfère directement l’énoncé qui forme la citation. Une citation sélectionnée spécifiquement parce qu’elle résume une section d’un livre, et dans le but de convoquer dans un texte second l’idée ou le système développé dans la section en question, agit comme représentante du texte d’origine. Inversement, une phrase du même chapitre peut être citée, ou retenue, pour l’idée qu’elle contient en elle-même sans référence à son système d’origine, ou plus exactement pour la seule idée qu’elle est, même si elle n’est d’abord devenue cette idée que par sa lecture dans le système. La fidélité et l’infidélité du référent peuvent prendre plusieurs formes. Il est possible par exemple que le lecteur, au cours d’une lecture plus relâchée, tombe sur une phrase qui, assez indépendamment du cotexte, lui semble traduire à merveille une idée particulière très différente de ce qu’une lecture plus réfléchie de la phrase dans son cotexte aurait pu livrer. Un autre type d’infidélité serait commis par un lecteur qui prendrait directement pour référent une idée qui n’est qu’un outil servant à parler d’une réalité dans le texte premier : ce lecteur ignorerait alors le rôle ou la place de l’idée dans le texte global (message et non référent). Encore une fois, rien n’empêche le lecteur de prendre pour référent dans un texte second ce qui dans le texte premier appartient au message (ou au destinateur, comme nous l’avons déjà mentionné) ; l’infidélité vient du fait que l’idée n’est pas reconnue comme message dans le texte premier, et non du fait que le lecteur décide plus tard de faire du message l’objet de son discours.

3.5 Le message

Le message est le domaine de ce qui ne dénote pas12. Les concepts, les idées, les modèles n’entreront pour nous dans cette catégorie que s’ils sont jugés par le lecteur comme n’étant que des manières de parler d’une réalité à laquelle ils ne participent pas réellement et qui forme le véritable référent de l’énoncé du texte d’origine. La Grammaire méthodique du français nous dit de la fonction poétique :

[La fonction poétique] se manifeste chaque fois que le locuteur « travaille » son discours en exploitant :

  • les virtualités évocatrices des signifiants (onomatopées, allitérations, assonances, rimes et effets rythmiques […]) ;
  • la disposition des mots et des groupes de mots (parallélismes, antithèses, chiasmes, gradations, etc.) ;
  • les affinités et les analogies entre signifiés pour produire des figures de contenu (hyperboles, métaphores, métonymies, etc.)13.

Du message le lecteur retiendra ainsi plusieurs choses. D’abord des mots. Ensuite, quelque chose comme un réseau de sèmes. Autour de chaque mot tourne une sorte de nuage de sèmes potentiels. À la lecture, les sèmes s’activent et s’entractivent : certains des sèmes des différents mots s’appellent les uns les autres et forment progressivement le relief signifiant de l’énoncé pour le lecteur. La formation de ce réseau, le choix de sèmes activés par la lecture, dépend plus ou moins des autres mots et des autres sèmes qui entourent le fragment qui formera la citation (celle-ci étant alors plus ou moins fidèle). Finalement, le lecteur peut importer la structure signifiante de l’énoncé : la charpente logique de l’énoncé et les figures de contenu que l’énoncé utilise.

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Après la naissance

La citation est morte ! Vive la citation !

En parlant de l’acquisition de la citation et de sa formation au cours d’une lecture, nous avons donné l’image d’un événement ponctuel, fixé dans le temps, qui forme de manière définitive la citation potentielle. Nous n’avons jamais parlé que d’un texte premier et d’un texte second, et encore jamais réellement du texte second. Mais il est évident que les citations ne prennent pas toujours tout leur sens lors d’une unique lecture, et que la trajectoire qui mène une citation du texte premier au texte second est rarement directe, bien au contraire. Que ce soit par ses multiples relectures dans un même texte apprécié, ou par sa rencontre dans plusieurs lectures de plusieurs textes seconds, ou par son apposition à des situations du monde réel, à des expériences, ou par son frottement inévitable avec toutes les autres entités qui peuplent la tête de celui qui l’accueille, la citation vit une existence riche et qui la transforme sans cesse. Presque toujours elle est déjà autre dans le premier des textes seconds ; toujours elle devient autre par le texte second, et pour tous ceux qui suivront.

Je travaille la citation comme une matière qui m’habite ; et, m’occupant, elle me travaille ; non que je sois gros de citations ni tourmenté par elles, mais elles m’ébranlent et me provoquent, elles déplacent une force […]14.

La naissance de la citation potentielle est l’apparition d’un signe de plus parmi tous les autres qui peuplent la tête du lecteur. C’est un signe-enfant, un nouveau mot appris dans un lexique, dont l’étrange définition vient tout juste d’être apprise par le lecteur. État de virginité qui ne dure pas ; comme tous les signes, la citation se charge de chacune de ses utilisations, de chaque chose qui l’appelle, et ce qui l’appelle est complexe. La naissance d’une citation est la mort d’un énoncé ; c’est un processus par lequel les signes d’une séquence de signes sont annihilés individuellement pour former un nouveau signe. Ce qui des signes sublimés survit dans la citation, c’est ce que nous avons tenté de discerner tout au long de cet article. Les signes eux-mêmes sont morts, ils ne fonctionnent plus comme signes : ils sont figés dans une interprétation, dans un sens. Mais voilà, c’est une mort temporaire, c’est une bataille perdue et pas la guerre. Introduite dans un nouveau texte, comme signe la citation fonctionne de manière linéaire : c’est une unité dans la séquence, il faut la lire d’un trait, comme un tout. Mais les guillemets ne sont pas étanches, c’est imparfaitement qu’ils protègent l’unité de la citation ; les mots du texte second appellent ceux de la citation, réactivent des sèmes endormis et ressuscitent les mots comme mots. Le nouveau texte tire les mots à lui, les tord à sa fantaisie et tord la citation ; la citation résiste, tire à elle ses mots, et tire à travers eux sur les mots ennemis qui les appellent ; par les mots se prennent à bras-le-corps citation et texte. L’ancienne voix contre la nouvelle voix, l’ancien code contre le nouveau code, l’ancienne expérience contre la nouvelle expérience… Que ce soit dans des textes ou dans l’esprit, la citation est appelée à la fois pour elle-même et pour ses mots. Chaque appel est une lutte dont sort en compromis une nouvelle citation. La biographie d’une citation est formée d’une suite de réactivations et de renaissances et les mécanismes de ces réactivations sont le mode de vie de la citation.

Bibliographie

  • BOUILLAGUET, Annick, « Une typologie de l’emprunt », dans Poétique, Paris, Éditions du Seuil, nº 80, 1989, p. 489-497.
  • COMPAGNON, Antoine, La seconde main ou le travail de la citation, Paris, Éditions du Seuil, 1979, 414 p.
  • GENETTE, Gérard, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Éditions du Seuil (Coll. Poétique), 1982, 467 p.
  • RIEGEL, Martin, Jean-Christophe PELLAT et René RIOUL, Grammaire méthodique du français, 3e édition, Paris, Presses Universitaires de France, 2004, 646 p.
  • TODOROV, Tzvetan, Mikhaïl Bakhtine, le principe dialogique, Paris, Éditions du Seuil (Coll. Poétique), 1981, 315 p.
  • VOUILLOUX, Bernard, « La citation et ses autres », dans Marie-Dominique Popelard et Anthony Wall, Citer l’autre, Paris, Presses de la Sorbonne, 2005, p. 39-54.

Notes de bas de page

  1. Bernard Vouilloux, « La citation et ses autres », dans Marie-Dominique Popelard et Anthony Wall, Citer l’autre, Paris, Presses de la Sorbonne, 2005, p. 41.
  2. Gérard Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Éditions du Seuil (Coll. Poétique), 1982, p. 8.
  3. Julia Kristeva citée dans Annick Bouillaguet, « Une typologie de l’emprunt », dans Poétique, Paris, Éditions du Seuil, nº 80, 1989, p. 489.
  4. Cité dans Gérard Genette, op.cit., p. 8.
  5. La transtextualité d’un texte est « tout ce qui le met en relation, manifeste ou secrète, avec d’autres textes ». Ibid., p. 7.
  6. Antoine Compagnon, La seconde main ou le travail de la citation, Paris, Éditions du Seuil, 1979, p. 29.
  7.  « La sémiotique s’occupe de préférence de la transmission d’un message tout fait à l’aide d’un code tout fait. Or, dans la parole vivante, les messages sont, à strictement parler, créés pour la première fois dans le processus de transmission, et au fond il n’existe pas de code. » Mikhaïl Bakhtine, cité dans Tzvetan Todorov, Mikhaïl Bakhtine, le principe dialogique, Paris, Éditions du Seuil, (Coll. Poétique), 1981, p. 88.
  8. Tzvetan Todorov, op.cit., p. 80.
  9. Antoine Compagnon, op.cit., p. 77.
  10. Si l’inverse direct, celui d’un auteur qui traduirait une citation dont il voudrait faire jouer la langue d’origine dans son texte soit un peu absurde, il est possible d’imaginer un lecteur pour lequel une citation qu’il connaîtrait dans sa langue d’origine viendrait faire jouer cette langue dans le texte second de la citation, même si elle s’y trouve traduite.
  11. Martin Riegel, Jean-Christophe Pellat et René Rioul, Grammaire méthodique du français, 3e édition, Paris, Presses Universitaires de France, 2004, p. 3.
  12. Nous évitons ici d’opposer connotatif et dénotatif à cause de l’association du premier terme à la fonction expressive chez Jakobson. Le lecteur n’attribue pas nécessairement les échos sémantiques des mots d’un énoncé à l’auteur ou à un narrateur ou à un sujet quelconque. Il les entend, voilà tout. Il peut certes ensuite décider de les attribuer au destinateur et de construire, progressivement, la voix du destinateur à partir de ce qui devient alors un univers connotatif, mais ce n’est pas forcé et c’est autre chose.
  13. Ibid., p. 4.
  14. Antoine Compagnon, op.cit., p. 4.