Dans son ouvrage intitulé L’ironie, Vladimir Jankélévitch définit ainsi cette notion : « L’ironie […] pense une chose et, à sa manière, en dit une autre1 ». Notre étude s’intéresse à l’ironie comme dialogue permettant à l’identité et à l’expérience migrantes de s’inscrire dans la littérature québécoise, notamment dans une pièce de théâtre de Pan Bouyoucas et un scénario de Dany Laferrière. Plusieurs œuvres québécoises ont exploré la question de l’immigration en utilisant l’ironie pour souligner la séparation et la déchirure provoquées par cette expérience. Il faut d’abord définir ce que l’on veut dire par ironie pour étudier ensuite les indices qui laissent entrevoir sa présence.
Dans les œuvres que nous examinons, l’ironie permet de souligner discrètement la position des protagonistes immigrants, qui se caractérise par l’ambivalence, l’« entre-deux ». À cet égard, l’ironie comme stratégie discursive est bien adaptée à la littérature migrante2, parce qu’elle est elle-même un procédé de l’entre-deux, où sens implicite et sens explicite ne correspondent pas, mais vont de pair. L’ironie consiste essentiellement en un écart entre ce qui est dit et ce qui est pensé. Linda Hutcheon part de cette définition traditionnelle de l’ironie comme antiphrase (dire le contraire de ce qu’on pense), et constate qu’il s’agit plutôt d’un discours bi-vocal, donc qui implique un décryptage et un dialogue, « a kind of verbal […] play in which the said and the unsaid come together in a certain way in order to become ‘irony’ […]3 ». Elle propose par ailleurs que l’ironie fonctionne à l’intérieur de ce qu’elle appelle des « communautés discursives ». Selon Hutcheon, l’ironie n’existe pas en tant que telle ; c’est surtout une entente qui se conclut entre celui qui parle et celui qui écoute, où la responsabilité d’interprétation repose sur ce dernier. L’ironie consiste pour l’ironiste à retransmettre intentionnellement des informations et des opinions autres que celles qu’il présente explicitement. La théorie de Hutcheon privilégie la perspective de l’interprète (c’est-à-dire de celui qui entend ou qui lit) au lieu de l’intention de l’ironiste. Bouyoucas, dans Le cerf-volant4, et Laferrière, dans Comment conquérir l’Amérique en une nuit5, utilisent l’ironie comme une arme pour pousser le spectateur à réfléchir à ses propres idées reçues et à la façon dont elles affectent l’expérience de l’immigrant.
Grâce à la présence physique des personnages, à leurs gestes et au regard direct que porte sur eux le spectateur, le théâtre se différencie des autres genres littéraires. Dans ce médium, l’auteur s’exprime à travers les personnages et leurs dialogues et les didascalies – les informations relatives au lieu de l’action, aux gestes ou déplacements des personnages, aux intonations, etc. – facilitent la communication entre l’auteur et son spectateur. Pour Hutcheon, l’ironie tire son pouvoir du fait qu’elle oblige le lecteur – ou, dans le cas du théâtre, le spectateur – à travailler, qu’elle l’invite donc à être actif, à réfléchir et à prendre position par rapport à l’énoncé, de façon à lui faire percevoir le ridicule de certains enjeux ou dynamiques. À cet égard, l’ironie fonctionne grâce à la contradiction ou au dysfonctionnement entre l’énoncé et l’énonciation, pouvant ainsi donner lieu à des difficultés d’interprétation, comme nous le verrons chez Bouyoucas et chez Laferrière. Elle joue également sur les limites entre la réalité et l’apparence. Hutcheon constate : « Irony is an interpretive and intentional move : it is the making or inferring of meaning in addition to […] what is stated, together with an attitude toward both the said and the unsaid6 ». Elle souligne en outre l’importance des gestes et des indications phoniques qui signalent l’ironie dans les œuvres dramatiques, qui visent un public immédiat et présent physiquement. En ce qui a trait au film, s’il implique certes un spectateur, celui-ci n’est cependant pas mis en présence d’acteurs immédiats. La communication cinématographique est donc différée, au même titre que la communication littéraire.
Chez Bouyoucas et Laferrière, l’ironie est convoquée dans le texte de théâtre ou de cinéma afin de représenter la rencontre entre les cultures dans un champ ou un espace où des enjeux identitaires sont abordés. Au cours des dernières années, on a pu remarquer un renouveau de l’intérêt pour l’ironie, puisqu’elle permet de traiter de sujets très difficiles tels que la xénophobie ou les difficultés d’intégration, en allégeant la lourdeur du propos. Dans cet article, nous montrerons comment l’ironie est utilisée comme instrument pour se dire par les écrivains québécois dits migrants. L’ironie s’emploie dans un contexte où le locuteur souhaite communiquer une attitude critique à l’égard d’une situation, et le théâtre et le cinéma permettent la distance critique, le dialogue hybride et l’humour nécessaires à cette communication. Selon Adam Carter, « Canadians share an ironic sense of identity, an identity characterized by doubleness and an awareness of the plural, differential, discursive and hence unstable nature of identity7 ». Les écrivains qui nous intéressent, par le biais de leurs narrateurs, traitent de sujets délicats et, en même temps, nous font découvrir la vie quotidienne des immigrés au Québec et la façon dont ils surmontent leur expérience parfois difficile. En exagérant, par exemple, les stéréotypes que la société d’accueil véhicule sur l’immigrant, des écrivains comme Bouyoucas et Laferrière représentent la rencontre entre les cultures sur un ton ironique, ce que nous allons maintenant étudier plus spécifiquement en considérant quelques exemples.
Le cerf-volant de Pan Bouyoucas
Pan Bouyoucas, d’origine grecque, publie des romans et des pièces de théâtre depuis 1975. Le cerf-volant est une comédie au sujet d’un épicier immigrant en pleine crise de la cinquantaine. Toute la pièce se passe sur le toit de sa maison montréalaise. Dimitri, le protagoniste, marié avec Stella depuis trente ans, a toujours travaillé dans son épicerie. Malgré le fait qu’il a réalisé le rêve immigrant (le succès économique), il n’est pas heureux. Cette pièce explore le thème de l’altérité et de l’intégration problématique, puisque Dimitri et son frère déplorent le fait qu’ils se sentent toujours invisibles aux yeux des Québécois. Dimitri confie à son frère : « J’ai même commandé mon café en anglais, pour voir […] si la serveuse dirait quelque chose. […] C’était comme si je n’avais pas été là. Comme si je n’avais pas existé8 ». Quand Dimitri sort, pour une fois, de son magasin, il se sent exclu de la société, et, lorsqu’il parle en anglais, il se trouve dans une position de double minorité à Montréal. L’œuvre de Bouyoucas représente la place secondaire accordée à l’immigrant dans la société québécoise, « comme pour signifier qu’il n’existe que pour servir de contrepied à une vision ethnocentrique9 ». Chez Bouyoucas, un thème clef est la marginalisation du protagoniste à cause de son incapacité de communiquer en français ou en anglais. Ce qui distingue ses pièces comme Le cerf-volant du corpus québécois et qui les y assimile en même temps, c’est l’emploi de l’ironie pour dissiper la tension.
L’exploration littéraire de Bouyoucas touche aux territoires intérieurs, notamment ceux de la famille et de l’enfance, avec une réflexion sur la langue comme outil, jeu, enjeu, et espace de confrontations. L’auteur affirme d’ailleurs que ces thèmes de l’intériorité ne sont qu’un prétexte pour traiter de l’expérience de l’immigration. Son protagoniste, Dimitri, doit faire le deuil inévitable de l’immigré, celui du temps et de l’espace de son enfance, qu’évoque le souvenir du cerf-volant qu’il avait fabriqué avec son frère quand ils étaient petits. Mais le cerf-volant est perdu depuis longtemps. Ici, l’objet métaphorise la jeunesse de Dimitri, et la prise de conscience qu’on ne peut pas défaire les années pour la retrouver. La dimension symbolique attachée au cerf-volant entraîne un effet d’ironie dans le titre même de la pièce. De prime abord, le « cerf-volant » fait référence à un jeu d’enfant, ce qui évoque l’enfance du protagoniste en Grèce, mais le « cerf-volant » représente plus profondément le vol, la liberté de s’envoler, en vrai ou par l’imagination, et l’idée de ne pas être bien attaché à la terre, comme l’exprime le fils de Dimitri, en disant : « Je me sentais comme ce cerf-volant. Avec plus rien pour me retenir sur terre qu’un fil10 ». Le « cerf-volant », que désigne en langue grecque le mot « αετóς », aussi utilisé pour faire référence à l’ « aigle », représente ici une certaine capacité de fuite, liée à l’envol. Puisque le cerf-volant de Dimitri et de son frère est perdu, on peut en déduire que la fuite n’est plus possible, qu’ils sont coincés dans leur situation précaire d’immigrés.
La représentation de la langue maternelle est un aspect particulier du corpus de l’écriture migrante. En effet, immigrer, c’est souvent sortir de la langue première. Bouyoucas, pourtant, utilise fréquemment la langue grecque dans son écriture. C’est par nostalgie de cette langue maternelle qu’il joue sur le niveau de langue ou sur l’accent pour faire comprendre au lecteur ou au spectateur qu’un personnage est en train de s’exprimer tantôt en grec, tantôt en français avec un accent grec, procédé dont l’auteur parle en entrevue : « Finalement, j’ai accepté la langue que j’ai. Je ne sais pas ce que c’est. C’est un mélange. Je me suis rendu compte qu’elle contenait une musicalité11 ».
Chez Bouyoucas, l’écriture relate des commentaires amers faits par des Québécois au sujet des immigrants et, souvent, les personnages immigrés exploitent eux aussi des stéréotypes pour désigner les Québécois. Par exemple, Céline, la locataire de l’appartement situé dans l’immeuble où se trouve l’épicerie, exprime des sentiments anti-immigrés à l’adresse de Dimitri. Grâce à l’emploi de l’ironie, les personnages finissent par se comprendre quand la locataire, qui vient du Saguenay-Lac-Saint-Jean, leur confie qu’elle a également été traitée d’« étrangère12 » en arrivant dans la ville de Québec. La jeune Céline, qui était combattive au début (« Je connais la loi. C’est mon pays, vous savez. Et si vous vous intéressiez à nos lois, au lieu de venir ici juste pour vous remplir les poches…13 »), finit par critiquer elle aussi la société québécoise en parlant de sa ville natale : « J’étais tannée des maladies génétiques. Tu vois, c’est une société tellement fermée depuis trois cents ans…14 ». Ici, l’auteur fait passer son message par l’emploi de l’ironie dans les échanges entre les personnages, ce qui mène à l’humour – comme le note Jane Moss qui dit que, dans Le cerf-volant, « Bouyoucas chooses laughter rather than righteous indignation in this potentially tense situation15 ». Dans cette scène, Céline est forcée de reconnaître qu’elle reproduit un comportement xénophobe dont elle-même a été victime et qu’elle dénonce, incitant par là le spectateur à remettre en question ses réflexes d’exclusion éventuels.
Dimitri a du mal à se faire comprendre de Céline, en partie à cause de la langue, mais aussi parce qu’ils ne partagent pas les mêmes repères : « Quels problèmes ? Toi zeune, parle français, pas guerre, beaucoup pain, beaucoup libre, beaucoup édoucation. […] Pourquoi toi rire de moi16 ? » ; et, ensuite : « Pourquoi ? Parce que moi stupid immigrant17 ? ». Dans cet échange ironique, Dimitri pense que Céline se moque de lui parce qu’il est un immigré, alors qu’en vérité, à ses yeux à elle, Dimitri a tout ce qu’on peut espérer dans la vie (la stabilité financière). Elle n’arrive donc pas à saisir la source de son malheur. Elle lui demande : « Qu’est-ce qui vous manque18 ? ». Ici encore, le dramaturge utilise l’ironie pour explorer les sentiments d’exclusion et d’inclusion, puisque chacun des personnages fait l’expérience de l’exclusion (Dimitri pour des raisons linguistiques et culturelles ; Céline pour des raisons économiques) tout en enviant l’inclusion supposée de son vis-à-vis (Dimitri jalouse la québécité « simple » de Céline, alors que celle-ci envie la sécurité économique de son propriétaire). À travers le personnage de Dimitri, Bouyoucas nous montre les difficultés constantes de l’immigration : quoi qu’il fasse, Dimitri ne sera jamais « suffisamment québécois » et ne parviendra pas à masquer sa différence. Le frère du protagoniste, Andréa, a du mal à s’exprimer lui aussi. Il essaye de bien paraître devant Céline, en rejetant son accusation selon laquelle les immigrés ne sont là que pour profiter de l’argent : « You see ? Loui pas vouloir même mention arzent. […] Même moi ze dis à loui : ‘Dzimmy, Dzimmy, toi trop dzénérous […]19 ».
Les chevauchements de langues et d’accents représentent la complexité de la vie des immigrés et de leurs luttes, tout en donnant à voir le quotidien des personnages et de leur famille. Il faut insister sur l’humour dans la parole, notamment sur les jeux de mots, qui occupent une place très importante dans la pièce. Stella, par exemple, exprime sa frustration face au manque de communication avec son mari en lui disant : « […] des fois, je me dis qu’on aurait eu plus à se dire si on ne parlait pas la même langue20 ». Ici, l’ironie de Bouyoucas s’appuie sur le fait que tout le monde, mis à part Céline, parle la même langue (le grec) mais que personne ne comprend Dimitri lorsqu’il se vide le cœur. La communication va bien au-delà du simple fait de parler la même langue et, clairement, on ne peut pas attribuer tous les problèmes des personnages à la question linguistique. La pièce se clôt sur une double réconciliation : la première entre Dimitri et sa femme, la deuxième entre le couple et leur vie québécoise. Selon Alexandre Lazaridès, « [l]a famille est le lieu dramatique par excellence du théâtre multiculturel ; cette dramaturgie est proche en cela du théâtre québécois, qui a privilégié la cellule familiale comme forge et figure du destin21 ». Dans Le cerf-volant, Bouyoucas utilise l’ironie avant tout comme technique de distanciation et comme stratégie subversive pour remettre en question les valeurs québécoises. L’auteur lui-même le soutient : « [J]e vois peut-être certaines choses d’une façon différente de celle des Québécois de souche. […] C’est un regard différent, […] un peu plus ironique22 ». Sa force est de mettre en valeur le côté humain de l’expérience. De ce fait, le spectateur s’identifie facilement aux personnages, pour qui il éprouve très vite de l’affection en raison de leur vulnérabilité. Tous, en fin de compte, se rejoignent par une expérience de l’exclusion.
La communauté discursive migrante
Dans Irony’s Edge, Hutcheon parle de « communautés discursives » en rapport avec la configuration complexe du savoir et des mœurs partagés ; nous constatons que la littérature migrante du Québec fonctionne à l’intérieur de sa propre communauté discursive, car la comprendre présuppose qu’on en connaisse le contexte. La bonne communication est basée sur l’appartenance à une même communauté ou à un même contexte social, et c’est souvent la raison pour laquelle les gens restent dans des communautés fermées, qu’elles soient des communautés culturelles, linguistiques ou socio-économiques. La notion de communauté discursive est complexe et renvoie à la connaissance, à la croyance et aux valeurs partagées. Les ethnologues soulignent avec raison le lien entre la langue, la culture et la pensée, parce que maîtriser une langue, c’est maîtriser en même temps la culture dont cette langue est porteuse. Parler deux langues, comme c’est le cas de la plupart des migrants, c’est appartenir à au moins deux univers culturels différents ayant chacun sa vision du monde et ses représentations du réel ; c’est donc un terrain fertile pour l’ironie. Alexandre Lazaridès constate que « le cheminement qui conduit un auteur dramatique à créer dans une autre langue que sa langue maternelle, […] peut s’expliquer […] par la nécessité d’être joué et compris23 ». Beaucoup d’écrivains migrants au Québec créent en français, mais utilisent une histoire personnelle pour en montrer la dimension universelle et pour souligner la difficulté du métissage transculturel du monde moderne. La culture est quelque chose de vivant et se transforme continuellement au contact des autres univers culturels. Les œuvres de Bouyoucas et de Laferrière explorent les malentendus causés par l’ignorance des codes linguistiques et sociaux. Clément Moisan et Renate Hildebrand constatent que l’ironie joue un rôle important dans cette écriture « à l’intérieur du système complexe de la littérature québécoise24 ». Le spectateur se rend compte que de nombreux effets ironiques sont en fait dérivés des relations parodiques entre ce qui représente la culture québécoise ou « américaine » et ce qui relève de l’univers de l’immigrant. Les croisements entre les cultures et les origines des littératures migrantes nous permettent de nous ouvrir aux interrogations actuelles dans ce champ littéraire où l’on explore la question de l’identité plurielle et du concept du même et de l’Autre.
Lise Gauvin observe que l’écriture des écrivains minoritaires devient significative sur l’ensemble de la scène littéraire contemporaine : « À partir d’expériences de déterritorialisation […] [les écrivains] ont su par le biais de l’humour, de l’ironie, du grossissement ludique et parodique, transgresser les frontières25 » ethniques, culturelles et linguistiques. Gauvin cite à ce propos France Daigle, qui suggère que la raison d’être de l’écriture migrante, ou, dans son propre cas, de l’écriture minoritaire, est d’établir la « [l]égitimité de ce que nous sommes aux yeux du monde et à nos propres yeux26 ». Si les écrivains se servent de l’ironie afin de souligner l’écart entre le rêve immigrant (d’inclusion et de succès économique) et le monde réel, où les choses se passent souvent autrement, nous pourrions avancer que les œuvres de Bouyoucas et de Laferrière sont également motivées par cette question de la légitimation. Depuis les années 1980, le théâtre engagé et d’autres médiums connexes donnent la parole aux immigrants qui parlent d’autres langues, qui partagent différentes mémoires collectives, et qui portent un regard critique sur la société québécoise à partir de la perspective de leur communauté ethnique. Moisan et Hildebrand affirment que les œuvres néo-québécoises sont « une composante nécessaire de la littérature québécoise, qui n’aurait plus le même visage sans cet apport qui lui a donné une autre nature…27 ». L’ironie est une stratégie discursive particulièrement adaptée à la littérature migrante, parce que le protagoniste migrant se caractérise souvent par l’ambivalence. Il n’appartient plus à l’ancien pays, mais il n’appartient pas tout à fait au nouveau non plus. Il se trouve quelque part « entre les deux ». Ces œuvres permettent à l’auteur d’interroger à la fois les enjeux ethniques, sociaux, économiques et politiques de l’immigration, comme Laferrière le reconnaît lorsqu’il dit : « L’exil m’a aidé à dire ce que je pense, et m’a donné la possibilité de parler à un autre pays28 ».
Comment conquérir l’Amérique en une nuit de Dany Laferrière
Dany Laferrière offre dans son œuvre Comment conquérir l’Amérique en une nuit une représentation de la société québécoise, telle qu’elle peut être perçue par un nouvel arrivant. Né à Haïti en 1953, Laferrière a dû s’exiler en 1976 parce que sa vie était menacée en raison de ses écrits journalistiques. Dans le film écrit et réalisé par l’auteur en 2004, on retrouve toute l’histoire de l’exil : le départ et le retour, ainsi que les illusions que ces déplacements suscitent. Laferrière est l’une des figures emblématiques de ceux qu’on a identifiés au Québec sous le nom d’écrivains migrants, qui ont renouvelé le discours de la société d’accueil (le Québec) et celui qui porte sur elle. Ursula Mathis-Moser constate que l’œuvre de Laferrière porte « sur le pourquoi et le comment de l’écriture29 » ; ce qui nous occupera ici est la façon dont cette œuvre met en scène le choc entre le rêve de l’immigrant (c’est-à-dire les fantasmes qu’il projette sur la société d’accueil) et la réalité qui l’attend à son arrivée, contraste favorisant grandement le déploiement de l’ironie.
Dans Comment conquérir l’Amérique en une nuit, Gégé, un jeune Haïtien, débarque à Montréal chez son oncle Fanfan, qu’il n’a pas vu depuis vingt ans. L’objectif de Gégé, en arrivant à Montréal, est de séduire une femme blonde qu’il a aperçue dans un magazine à Haïti et, à travers elle, de conquérir l’Amérique. En parlant avec un copain avant de quitter Port-au-Prince, Gégé dit d’une voix excitée : « La Blonde n’est pas un être humain, mon vieux, c’est une métaphore de l’Amérique30 ». Pour lui, conquérir l’Amérique revient surtout à conquérir ce qui l’incarne le plus à ses yeux, c’est-à-dire la femme blonde. La femme blonde représente un objet à posséder et Laferrière exploite les stéréotypes du dragueur noir et de la blanche obsédée par le sexe de l’homme noir – comme il l’avait fait dans son célèbre premier roman auquel le titre du scénario fait allusion : Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer31. Les trois catégories sémantiques de l’ironie proposées par Hutcheon – relationnelle, inclusive et différentielle – sont mises à profit à l’intérieur de ce scénario.
Par contraste avec le jeune homme idéaliste, l’oncle Fanfan, rêve de retourner au pays natal, désir que Gégé commente ainsi : « Tu es sûr, Fanfan, que ce n’est pas ta jeunesse que tu veux retrouver ?32 ». Cette question de l’exploration de la nostalgie de l’enfance vécue dans un pays dont on doit faire le deuil est une constante dans la littérature migrante – comme nous l’avons vu avec Le cerf-volant de Bouyoucas. Quand Gégé arrive chez Fanfan, les deux hommes partagent un repas pendant que la télévision diffuse une émission sur le contexte sociopolitique nord-américain. Un écrivain célèbre, qui n’est autre que Dany Laferrière, s’y livre à une critique de l’Amérique du Nord. L’ironie de ce passage, bien sûr, réside dans l’autoréférentialité de Laferrière, et dans le fait qu’un homme immédiatement reconnaissable comme immigré est présenté comme « expert » en ce qui concerne l’Amérique.
Dans une autre scène, un ministre du gouvernement canadien se fait interroger à la télévision, et affirme ceci : « […] le Canada n’est pas un pays raciste. De plus, nous sommes très respectés dans le monde pour notre sens de l’équité. Cela dit, il faut une politique d’immigration33 ». Cette citation du ministre est contradictoire, puisqu’il commence par montrer une grande ouverture sur la question raciale, mais qu’il sous-entend du même souffle que l’Autre est une menace potentielle qu’il faut s’assurer de contrôler ; par là, Laferrière critique le double discours des politiciens sur le multiculturalisme et ridiculise la politique d’immigration canadienne ec n employant l’ironie. En outre, Laferrière rappelle en s’en moquant la menace omniprésente de la déportation, par le biais d’une conversation très banale où un autre immigré haïtien, Dieuseul, parle à Fanfan du froid : « C’est le ministère de l’Immigration qui gère la question d’hiver, ici. […] C’est une façon légale de nous déporter34 ». Plusieurs fois dans le film, Laferrière aborde la question de la politique québécoise et, de biais, celle de la politique haïtienne, par exemple quand Dieuseul donne des indications à Gégé, le nouvel arrivant, sur les Québécois : « [Mais] ce qu’il faut surtout savoir, c’est que ce peuple a été colonisé comme nous, mais eux ils n’ont pas fait l’indépendance. Résultat : leur situation matérielle est mille fois supérieure à la nôtre, mais ils ont encore quelques problèmes psychologiques35 ». Derrière la légèreté apparente du discours de Laferrière, on sent que l’ironie lui confère sa portée politique ; ici, l’ironie permet au locuteur de n’endosser qu’à moitié la responsabilité de sa parole face à des enjeux tels que l’échec des référendums au Québec et les conséquences de l’indépendance haïtienne, qui sont délicats et que la rectitude politique interdit d’énoncer en principe.
Ailleurs dans le scénario, Laferrière met en contraste la perception des Québécois et celle du nouvel immigré dans un échange où Gégé, mal à l’aise de se trouver dans un quartier vide le soir, demande à son oncle : « C’est pas dangereux ici ? ». Celui-ci lui répond : « Deux nègres ensemble, tu parles ! C’est plutôt de nous qu’ils auraient peur !36 ». Laferrière met l’accent sur un contexte énonciatif racial où la portée sémantique et axiologique de la « race » repose au moins en partie sur celui qui regarde et interprète la scène. Dans celle-ci, Laferrière utilise le personnage de Fanfan pour réinscrire l’importance de la différence raciale dans l’expérience que l’on peut avoir du Québec : avec le mot injurieux « nègre », l’oncle ramène Gégé à ce qu’il sera toujours aux yeux de la société d’accueil : un Autre potentiellement dangereux. Manipuler les stéréotypes consiste dans le cas présent à les répéter tout en les contestant, comme l’indique Piotr Sadkowski : « La stratégie ironique de Laferrière qui vise les clichés consiste à les confirmer et infirmer parallèlement. De cette manière [l’œuvre] déstabilise des visions figées de la réalité sociale et culturelle […]37 ».
Un autre moment marquant du scénario est l’échange entre Gégé et le propriétaire du dépanneur faisant allusion au référendum. Lorsque le propriétaire lui souhaite la bienvenue au Québec, Gégé répond innocemment : « Merci… Je sens déjà que je vais aimer le Canada38 ». Tout de suite, le propriétaire change d’humeur et lui répond : « Encore un aut’ qui va voter NON, s’tie39 !» Gégé ne comprend pas la réaction du propriétaire, qui se sent vexé à l’idée que le nouvel arrivant s’identifie au Canada plutôt qu’au Québec. Dans cette scène, la personne venue d’ailleurs se montre plus ouverte à l’unité canadienne que celle « de souche », parce que son ignorance du contexte sociopolitique québécois l’empêche d’avoir des idées fixées. Ici, Laferrière met de nouveau en scène le sentiment d’étrangeté qui accompagne l’immigrant dans sa vie quotidienne. Dans un autre échange, lorsque Fanfan se plaint de ne pas être capable de se faire comprendre, son neveu (le nouvel arrivant) lui répond d’une voix étonnée : « C’est pourtant la même langue. Un problème d’accent40 ? » À l’oral, une simple intonation de voix suffit parfois à manifester l’ironie du locuteur en marquant une distanciation de ce dernier avec son énoncé. Ici, l’ironie permet une révélation discrète – on n’entend l’accent que chez les autres – forçant le public à réfléchir.
Quant au titre du film, Comment conquérir l’Amérique en une nuit, il est ironique à plusieurs points de vue. D’abord, dans le texte, l’Amérique ne se laisse pas conquérir. Laferrière y présente le mythe du rêve américain, selon lequel l’immigré a les mêmes opportunités que le reste de la société, s’il se montre suffisamment entreprenant. L’ironie se révèle dans le renversement par lequel un personnage venant d’Haïti, pays souffrant de son histoire coloniale, devient celui qui cherche d’une certaine façon à conquérir l’ancienne puissance coloniale. L’idée qui sous-tend cette œuvre est la suivante : c’est l’Amérique qui conquiert l’individu et non le contraire. Dans une entrevue, Laferrière remarque avec humour que « c’est très difficile de ne pas être un immigrant. C’est presque impossible.41 ». La représentation des tiraillements des personnages montre que les immigrés sont toujours conscients d’être venus d’ailleurs, parce qu’on le leur rappelle constamment. Laferrière ajoute : « les gens qui vous poussent dans ce couloir le plus possible, ce sont précisément les autres immigrants. “Comment, vous n’allez pas faire différemment de nous !”42 » Lise Gauvin constate que Laferrière transgresse les frontières par le biais de l’ironie et elle rappelle le sentiment de celui qui est « né physiquement en Haïti, mais […] né comme écrivain à Montréal43 », un fait que Laferrière reconnaît dans la même entrevue, en admettant : « On change, c’est vrai, mais pour rester soi-même. Et pour moi, c’est la seule conquête qui vaille la peine44 ».
En conclusion, notre contribution s’est intéressée particulièrement au fait que Pan Bouyoucas et Dany Laferrière ont utilisé, dans les œuvres examinées, l’ironie comme stratégie pour transmettre le mal-être de l’immigrant. Ce message profite des spécificités de l’écriture dramatique et scénaristique, qui joue sur la frontière entre les apparences et la réalité. Pour ces auteurs, le théâtre et le cinéma servent de forum public pour dépeindre l’angoisse et les défis de l’expérience d’être étranger dans la société d’accueil québécoise. L’ironie est utilisée par Bouyoucas et Laferrière comme une pratique stratégique qui vise une réaction immédiate, puisque leur travail théâtral ou filmique est vivant. Maïr Verthuy soutient que « Bouyoucas avance à grands pas et annonce […] une société et une littérature à venir où toutes et tous ont leur place45 ». Bouyoucas reconnaît l’importance spécifique du théâtre, qui se différencie des autres genres littéraires par ses dialogues qui permettent une interaction avec le public : « […] je suis revenu au théâtre parce que j’avais besoin de la langue parlée, criée, chantée, pour m’exprimer. J’avais besoin d’une confrontation, qu’elle soit joyeuse, triste ou dramatique. C’est quelque chose d’atavique, quasiment de naturel, ça vient plus facilement au théâtre46 ». Par l’emploi de l’ironie, Bouyoucas et Laferrière nous forcent à contempler l’expérience de l’immigré, au moyen d’un « cortège de personnages […] qui, dans et par l’exil, ont reconstruit leur identité au contact des Québécois et de leur culture47 ». Ainsi, le problème de l’immigration et de l’adaptation se résout dans cette production littéraire contemporaine qui insiste sur la nécessité du dialogue entre les cultures, à l’heure de la mondialisation et de la dénationalisation.
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Notes de bas de page
- Vladimir Jankélévitch, L’ironie, Paris, Flammarion, 1964, p. 42.
- Nous entendons par « littérature migrante » l’écriture de personnes ayant quitté leur pays d’origine pour s’établir dans d’autres pays ou d’autres communautés culturelles qui leur sont étrangères.
- Linda Hutcheon, Irony’s Edge: The Theory and Politics of Irony, New York, Routledge, 1994, p. 143.
- Pan Bouyoucas, Le cerf-volant, Montréal, Éditions Trait d’union, 2000.
- Dany Laferrière, Comment conquérir l’Amérique en une nuit, Montréal, Les Éditions du Boréal, [2004] 2010.
- Linda Hutcheon, op. cit., p. 11.
- Adam Carter, « Namelessness, Irony, and National Character in Contemporary Canadian Criticism and the Critical Tradition », Studies in Canadian Literature / Études en littérature canadienne, [en ligne]. journals.lib.unb.ca/index.php/SCL/article/view/12779, p. 6 [Site consulté le 20 mai 2015].
- Pan Bouyoucas, op. cit., p. 57.
- Clément Moisan et Renate Hildebrand, Ces Étrangers du dedans, Montréal, Éditions Nota bene, 2001, p. 228.
- Pan Bouyoucas, op. cit., p.127.
- Michel Vaïs et Philip Wickham, « Le brassage des cultures : table ronde », Jeu : revue de théâtre, n° 72 (1994), p. 24.
- Référence
- Pan Bouyoucas, op. cit., p. 93.
- Ibid., p. 129.
- Jane Moss, « Immigrant Theater : Traumatic Departures and Unsettling Arrivals », dans Susan Ireland et Patrice J. Proulx [dir.],Textualizing the Immigrant Experience in Contemporary Quebec, Westport, Praeger, 2004, p. 74.
- Pan Bouyoucas, op. cit., p. 106.
- Ibid., p. 108.
- Ibid., p. 118.
- Pan Bouyoucas, op. cit., p. 92-93.
- Ibid., p. 150.
- Alexandre Lazaridès, « Écriture(s) de l’exil », Jeu : revue du théâtre, n° 72 (1994), p. 58.
- Michel Vaïs et Philip Wickham, art. cit., p. 31.
- Alexandre Lazaridès, art. cit., p. 54.
- Clément Moisan et Renate Hildebrand, op. cit., p. 11.
- Le mot est de Lise Gauvin, Écrire pour qui ? L’écrivain francophone et ses publics, Paris, Éditions Karthala, 2007, p. 144.
- France Daigle, « citer l’ouvrage ou l’article duquel Lise Gauvin a tiré cette citation de France Daigle », citée par Lise Gauvin, op. cit., p. 127.
- Clément Moisan et Renate Hildebrand, op. cit., p. 209.
- Dany Laferrière, « citer l’œuvre ou l’article duquel Gauvin a tiré cette citation », cité par Lise Gauvin, op. cit., p. 130.
- Ursula Mathis-Moser « indiquer ici la référence du texte cité par Gauvin », citée par Lise Gauvin, op. cit., p. 136.
- Dany Laferrière, Comment conquérir l’Amérique en une nuit, op. cit. , p. 14.
- Dany Laferrière, Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer, Montréal, VLB éditeur, 1985.
- Dany Laferrière, Comment conquérir l’Amérique en une nuit, op. cit., ., p. 125.
- Ibid., p. 54.
- Ibid., p. 16-17.
- Ibid., p. 99-100.
- Ibid., p. 37.
- Piotr Sadkowski, « L’écrivain « transaméricain » se met en scène québécoise ou Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer de Dany Laferrière », dans Pierre Morel [dir.], Parcours québécois : Introduction à la littérature du Québec, Chişnău, Éditions Cartier, 2007, p. 162.
- Dany Laferrière, Comment conquérir l’Amérique en une nuit, op. cit.., p. 74. Il est important de mentionner le titre, puisque vous avez fait référence à deux œuvres de Dany Laferrière dans votre texte.
- Idem.
- Ibid., p. 39.
- Michel Vaïs et Philip Wickham, art. cit., p. 10-11.
- Dany Laferrière et Nom de l’interviewer, « Titre de l’entrevue le cas échéant », Titre du site, [en ligne]. http://www.collections.banq.qc.ca:8008/lapresse/src/pages/2004/09/04/K/82812_20040904CPK11.pdf. [Site consulté le 24 août 2015].
- Référence
- Id.
- Maïr Verthuy, « Pan Bouyoucas : le principe des vases communicants ou de la nécessité de « sortir de l’ethnicité » », dans Christl Verduyn [dir.], Literary Pluralities, , Guelph, Broadview Press, 1998, p. 181.
- Michel Vaïs et Philip Wickham, art. cit., p. 10-11.
- Clément Moisan et Renate Hildebrand, op. cit., p. 39-40.