Comment se fier à la parole criminelle ? Les récits troubles des « narratueurs » chez Ellroy, Banville et Ellis

Par Alice Jacquelin — Mensonge et littérature

Introduction : La parole criminelle, au cœur des débats narratologiques

Qui sont les « narratueurs » ?

L’expression-valise « narratueur » est tirée de l’ouvrage de Charlotte Lacoste Séductions du bourreau1. Dans son essai, Lacoste s’intéresse aux fictions littéraires qui donnent la parole à des criminels de guerre ou des bourreaux ayant perpétré des crimes de masse. Selon elle, de telles fictions, comme Les Bienveillantes de Jonathan Littell, sont des œuvres à la posture morale intenable puisqu’elles donnent la parole à des monstres au détriment des victimes de l’Histoire. Nos trois œuvres policières ne relèvent pas du témoignage historique et ne recouvrent pas les mêmes enjeux de mémoire, mais elles jouent néanmoins sur le même ressort narratologique : celui de donner la parole à des tueurs, de droit commun dans notre cas, et de laisser ces narrateurs monstrueux relater l’étendue de leurs crimes. Nos trois narrateurs sont Patrick Bateman, narrateur d’American Psycho2 de Bret Easton Ellis, Frédérick Montgomery qui se confesse dans le Livre des Aveux3 de John Banville et Martin Plunkett qui raconte ses pérégrinations dans Un Tueur sur la route4 de James Ellroy. Nos trois œuvres, dans la mesure où elles sont des œuvres de genre, policier ou judiciaire, peuvent-elles plus légitimement libérer la parole criminelle ? L’impact moral est-il plus acceptable que dans le cas des fictions historiques auxquelles s’intéresse Lacoste ? C’est en partie ce que nous essayerons de déterminer dans cet article.

Non seulement nos trois narratueurs sont très différents de ceux décrits par Lacoste, mais ils ne sont même pas tout à fait identiques entre eux. D’une part, il est intéressant de constater que ces personnages n’évoluent pas exactement sur le même plan criminel puisque Patrick Bateman et Martin Plunkett partagent l’étiquette de tueur en série, contrairement à Frédérick Montgomery. La définition du serial killer, telle qu’elle a été établie par l’agent du FBI Robert Ressler5 spécialisé dans le profiling, suppose un nombre de victimes supérieur à trois et un mode opératoire ritualisé. Bateman, le jeune yuppie de Manhattan, et Plunkett, le vagabond marginal, peuvent donc entrer dans cette catégorie formelle alors que Frédérick Montgomery, le dilettante esthète et égotiste de Banville, n’a qu’une seule victime à son actif : la jeune servante qui l’a surpris en train de voler un tableau. D’autre part, ces trois récits ne fonctionnent pas exactement selon les mêmes modalités : dans les cas d’Un Tueur sur la route et du Livre des Aveux, il s’agit de récits rétrospectifs écrits a posteriori au moment où les deux tueurs, Martin Plunkett et Frédérick Montgomery, ont déjà été capturés et incarcérés. Plunkett et Montgomery ont donc écrit leurs textes après les meurtres et les crimes, à partir de leurs cellules respectives. American Psycho fonctionne selon une organisation moins traditionnelle et qui ne semble pas relever du régime de la confession puisque le roman est écrit au présent de l’indicatif selon le point de vue interne du narrateur : le lecteur assiste ainsi aux pensées, faits, gestes et interactions dialogiques de Patrick Bateman en temps réel.

Une cohérence de focalisation, de chronologie et de choix esthétiques

La cohérence du corpus ne se trouve donc pas plus dans la personnalité des narratueurs, qui ne partagent finalement ni la même fréquence de crime, ni les mêmes fantasmes, ni les mêmes motivations, que dans les constructions narratives, très différentes d’une œuvre à l’autre. La cohérence se trouve plutôt dans la focalisation adoptée par les trois œuvres, qui se placent toutes les trois du point de vue du tueur. Cette technique narrative n’est pas novatrice puisqu’elle connaît d’illustres prédécesseurs : que l’on pense au Meursault de L’Étranger de Camus et au Humbert Humbert du Lolita de Nabokov pour le XXe siècle, ou même si l’on remonte aux récits des picaros, la focalisation particulière sur la psyché criminelle existe depuis longtemps en littérature. Cependant, la parole criminelle semble connaître un regain d’intérêt à la fin des années 80. Il est en effet remarquable de constater que nos trois œuvres, Un Tueur sur la route, Le Livre des Aveux et American Psycho, ont été publiées sur une période de cinq ans : James Ellroy ouvre la marche en 1986, suivi par John Banville en 1989 et Bret Easton Ellis en 1991.

Cette nouvelle vague de littérature criminelle semble avoir émergé à un moment où la culture américaine et anglo-saxonne s’est trouvée fascinée par la figure du serial killer. Dans son ouvrage intitulé Le Complexe du loup-garou, la fascination de la violence dans la culture américaine, Denis Duclos pose la question suivante : « On se demandera pourquoi la culture américaine est passionnée par le meurtre et la violence ; pourquoi elle semble envoûtée par les crimes multipliés, évoqués à foison sur les écrans et dans le roman fantastique6 ». Pour Duclos, l’Amérique des années 80-90 a été un terreau favorable au développement de ces fictions criminelles ultra-violentes, comme nous allons le constater dans cet article. Le lien finalement entre les trois œuvres tient sans doute à l’importance de la mise en scène de la violence. Là encore, nos romans n’ont pas exactement les mêmes stratégies d’exposition de cette violence, qu’elle soit ponctuelle ou répétée, médiatisée ou racontée dans le vif de l’action, mais elle n’en est pas moins la clé de compréhension de ces ouvrages. Dans les trois cas, le narrateur-tueur décrit son ou ses crimes avec une complaisance et un luxe de détails qui ne peuvent pas laisser le lecteur indifférent. Nos œuvres pourraient donc en ce sens relever de ce que Maud Granger Rémy appelle une « poétique du scandale7 ».

La remise en cause de la faillibilité narratoriale

Tout comme le Lolita de Nabokov, nos romans ont fait grand bruit au moment de leurs publications respectives, en particulier Un Tueur sur la route et American Psycho, précisément à cause de la mise en scène de la violence extrême. Leurs auteurs, James Ellroy et Bret Easton Ellis, ont d’ailleurs souvent été amenés à se justifier lors d’interviews dans la presse8. Si ces procès intentés à la fiction littéraire ne sont ni très nouveaux ni très passionnants, ils mettent tout de même l’accent sur un malaise dans la lecture et la réception de ces œuvres qui posent une question importante : faut-il laisser agir cette parole des narratueurs, qui oscille sans cesse entre séduction et rationalisation ? Dans la mesure où elles sont construites pour choquer et scandaliser, sans doute serait-il naïf de penser que ces œuvres polémiques n’ont pas d’impact sur le lecteur et qu’elles restent cantonnées à l’univers fictionnel. Pour autant, faut-il adopter la posture de Charlotte Lacoste et pointer leurs travers moraux ? Ou peut-être les œuvres posent-elles les jalons de leur possibilité et un cadre de lecture tolérable pour le lecteur ?

Car, l’angle éthique de la question – la littérature doit-elle libérer la parole criminelle ? – se heurte finalement à une question narratologique de taille : si ces narrateurs sont d’abjects meurtriers, quelle pourrait bien être la valeur de leur parole empoisonnée ? S’ils sont capables de tuer, ils sont tout aussi bien capable de mentir. Dès lors, le doute s’installe et le lecteur se trouve confronté à une narration faillible telle que l’ont définie les nombreux travaux effectués sur l’ « unreliable narrativity9 » (que l’on pourrait traduire en français par « narration faillible »). Dès lors, nous tenterons, dans cet article, de surmonter l’analyse uniquement descriptive de ce type de littérature, associée à la polémique et au scandale, pour observer plus finement les procédés de distanciation à l’œuvre dans nos trois romans. Nous essayerons de décaler un peu la question en nous demandant plutôt si ces œuvres ne pointent pas délibérément vers la mise en scène de la faillibilité narratoriale. Cette représentation du narrateur faillible permettrait une mise à distance immédiate même du lecteur le plus naïf et pourrait ainsi renvoyer la fiction à son propre caractère fictionnel. Cette évidence du caractère factice des textes pourrait finalement fonctionner comme la condition même de la possibilité des récits de la violence extrême, dont nous verrons dans un dernier moment qu’elle n’est pas totalement gratuite.

I. Des narrations crédibles pour lecteurs crédules ?

Nos trois romans ont ceci de commun de donner à entendre une parole criminelle scandaleuse, et qui vise évidemment à choquer le lecteur naïf. Et cependant, les ethê de ces narrateurs haïssables ajoutés aux scènes d’une grande violence dans Le Livre des Aveux et Un Tueur sur la route, poussant jusqu’au tabou de la pornographie dans American Psycho, semblent empêcher toute identification et mettre immédiatement ces récits atroces à distance raisonnable même du lecteur le plus crédule.

La « faillibilité distanciatrice » des narratueurs

Ce phénomène immédiat de distanciation est visible dès le début des romans : l’incipit d’Un Tueur sur la route est précédé de trois coupures de journaux relatant la capture de Martin Plunkett, surnommé le « sextueur » par les journalistes. Ces articles proposent des analyses et des entretiens avec les principaux acteurs de cette capture. La présentation initiale du tueur monstrueux passe donc dans un premier moment par une approche journalistique et médiatisée. D’emblée, la présentation d’un criminel nommé par les journaux « sextueur » ou « tueur en série intelligent » opère une première distanciation. La figure du monstre et le décompte de ses crimes à travers les articles de journaux créent un mouvement de recul immédiat de la part du lecteur qui n’a pas le temps de s’attacher ni d’entrer dans une quelconque forme d’identification ou d’empathie. Comme le note justement Jean-Louis Backès dans son analyse sur Le Roman du crime : « Quand le personnage est un criminel, le lecteur, d’une manière générale, ne se sent pas facilement disposé à jouer l’identification. Il n’a guère envie de partager les maximes de l’assassin10 », surtout quand il est présenté comme tel dès le début du roman par un biais médiatique extérieur.

Cette distanciation première s’accompagne d’une distanciation seconde produite par l’ethos antipathique que se construit le personnage de Martin Plunkett, qui prend immédiatement la parole comme narrateur principal dès le commencement du premier chapitre. Dans ce passage, Plunkett commence par commenter ironiquement les meurtres qu’il a perpétrés et qu’il assume, puis il dévoile une sorte de pacte de lecture, et même une forme d’art poétique sur la manière dont il va mener sa confession :

Il existe une dynamique dans la mise en œuvre marchande de l’horreur : servez-là garnie d’hyperboles fleuries, et la distance s’installe, même si la terreur est présente ; puis branchez tous les feux du cliché littéral ou figuratif, et vous ferez naître un sentiment de gratitude parce que le cauchemar prendra fin, un cauchemar au premier abord trop horrible pour être vrai. Je n’obéirai pas à cette dynamique. Je ne vous laisserai pas me prendre en pitié, Charles Manson, qui déblatère dans sa cellule, mérite, lui, la pitié ; Ted Bundy, qui proteste de son innocence pour que des femmes solitaires lui écrivent, mérite le mépris. Je mérite crainte et respect pour être demeuré inviolé jusqu’au bout du voyage que je vais décrire, et puisque la force de mon cauchemar interdit qu’il prenne un jour fin, vous me les offrirez11.

Dans cet « art poétique », Plunkett affirme plusieurs axiomes préliminaires. Sur le plan de l’écriture d’abord, il refuse l’exagération (« hyperboles fleuries ») et décide de s’en tenir à un style factuel, une sorte de style « neutre » et « chirurgical » que l’on retrouvera effectivement tout au long du roman, tout comme dans American Psycho d’ailleurs. Il refuse ensuite toute forme de pathos, d’empathie ou d’identification de la part du lecteur : il établit donc lui-même une forme de mise à distance vis-à-vis de la réception de son récit. Puis Plunkett dévoile ici son ego surdimensionné lorsqu’il se compare à de célèbres tueurs en série réels (Manson et Bundy) et dont il se moque ouvertement. L’annonce prophétique finale formulée au futur ressemble à un ordre donné au lecteur, et donc provoque un mouvement de rejet à première lecture. Plunkett se révèle ainsi très antipathique au lecteur. C’est ce que James Phelan appelle l’« estranging unreliability12 » des narrateurs, que l’on pourrait traduire en français par « faillibilité distanciatrice ». Par cette expression, qu’il applique au Humbert Humbert de Lolita, Phelan désigne en fait les éléments de subjectivité présents dans la narration qui fonctionnent comme des repoussoirs pour le lecteur. Frédérick Montgomery apparaîtra lui aussi ironique, vaniteux et éloigné de la gravité de son crime dès le début du roman. Il est étonnant de constater à quel point nos trois narrateurs n’essayent à aucun moment de se faire apprécier du lecteur, ne recherchant jamais son empathie et ne proposant jamais de justification.

Stratégies de neutralisation

Contrairement à d’autres types de narrations coupables qui multiplient les procédés de persuasion et de séduction, nous avons plutôt ici affaire à des stratégies de neutralisation des crimes, ce qui peut sembler paradoxal à l’aune de la violence et du sadisme dont font preuve Plunkett, Bateman et Montgomery. Dans l’extrait présenté, Plunkett, à défaut de vouloir s’excuser ou se justifier, se réclame d’une entreprise sincère et authentique : il fera une relation exacte des faits comme en témoigne d’ailleurs le style froid et très descriptif d’Un Tueur sur la route. Cette démarche de sincérité est cependant une stratégie classique du régime de la confession, mais ici Plunkett joue un jeu ironique avec ce régime puisque, s’il se contente effectivement de transcrire la vérité, en revanche, il ne manque pas d’intégrer et de commenter des articles de journaux qui, eux, relatent ses exploits et font jouer tous les ressorts de l’emphase et de l’horrifique (« le théâtre d’un drame de vie et de mort13 »). La suite du roman confirme d’ailleurs cette alternance entre le récit circonstancié de Plunkett et l’intégration de matériaux étrangers : articles ou gros titres de journaux (« Extrait du Philadelphia Equirer du 7 juin 1982 : UN FRÈRE ET UNE SOEUR SAUVAGEMENT MASSACRÉS DANS UN APPARTEMENT DE SHARON !14 »). Ainsi la véracité et la neutralité des faits prônées par Plunkett contrastent avec l’emballement médiatique et minimisent l’apparente stratégie de Plunkett.

Tout comme Martin Plunkett, Patrick Bateman et Frédérick Montgomery se réclament d’une sincérité et d’une authenticité typiques du régime de la confession. Par exemple, juste après le meurtre de la servante, Frédérick Montgomery dit : « Non, non, non, je ne mentirai pas. Je ne me rappelle pas avoir ressenti quoi que ce soit sinon que j’avais bizarrement15 l’impression de me retrouver dans un lieu que je connaissais, mais ne parvenais pas à reconnaître16 ». Cette phrase est signifiante par deux aspects puisqu’elle affirme non seulement la volonté d’honnêteté de Freddie, qui se refuse le mensonge (tout comme Plunkett refusait d’être « malhonnête17 »), mais elle montre aussi à quel point Freddie se tient à distance de son propre meurtre. Le texte original utilise le terme de « strangeness », traduit ici par « bizarrement », pour décrire le sentiment du meurtrier face à son crime. L’emploi de ce terme ainsi que l’attitude de Montgomery et, enfin, le style lapidaire de la description rappellent évidemment L’Étranger de Camus. Comme Meursault lorsqu’il tue l’Arabe, le meurtre de la servante semble immotivé, il est d’ailleurs présenté par Freddie comme un réflexe nécessaire, à un moment précis. Comme dans L’Étranger, les conditions du crime sont longuement décrites avec une attention particulière aux détails et au corps de la victime. Ici, l’étrangeté est évidemment celle du meurtrier qui se met à distance d’abord de sa victime qu’il objectifie et découpe en pensée, il se désolidarise aussi de son crime, et enfin se tient à distance de lui-même comme un esprit passif qui observe les événements sans pouvoir agir sur leur issue.

American Psycho ne fonctionne pas exactement sur le même modèle que les deux autres textes car il n’est pas écrit a posteriori et ne peut donc pas réellement jouer d’effets de manipulation ou de reconfiguration des événements. De fait, le style descriptif ou behavioriste est assez proche de celui D’un Tueur sur la route. Le récit de Patrick Bateman alterne sans cesse entre des descriptions au présent et des conversations dialoguées entre les personnages, laissant finalement très peu de place à l’introspection et aux pensées profondes de Bateman. Comme le note Sophie Rabau dans un article sur les narrations coupables, le « ton monotone18 » avec lequel Bateman relate ses propres crimes, tous plus atroces et violents les uns que les autres, permet d’insérer le crime dans une certaine norme sociale. American Psycho pousse la logique non pas vers la rationalisation mais vers une absence totale d’analyse, Patrick Bateman ne fonctionnant que comme un enregistreur des événements, sans aucun recul. Cette distanciation généralisée des tueurs à eux-mêmes, l’absence de recul, de remords, de considérations psychologiques ou d’explications mettent bien évidemment le lecteur à distance et évitent tout mouvement d’empathie.

Des dispositifs péritextuels ambigus

Cette distance instaurée par le caractère froid des personnages et le style lapidaire des descriptions induit donc une lecture peu empathique et distanciée de la part du lecteur. Cette antipathie première permet donc au lecteur de se tenir quelque peu en recul par rapport aux narrateurs, et ce premier mouvement de dégoût s’accompagne rapidement d’un mouvement de méfiance vis-à-vis du récit qu’ils nous livrent. Cette méfiance est induite par les dispositifs péritextuels dans les cas d’Un Tueur sur la route et American Psycho, qui fonctionnent en effet comme des leurres, des signes qui dénoncent immédiatement la fiction comme telle. Comme nous l’avons étudié plus haut, Un Tueur sur la route commence par la présentation des faits à travers trois articles de journaux. On pourrait penser qu’ils ont été insérés par un narrateur omniscient, ou même par l’éditeur de la confession, mais le lecteur se rend rapidement compte que c’est Plunkett lui-même qui a choisi d’intégrer ces articles au récit. Dès lors, tout n’est qu’orchestration de Plunkett, ce qui inspire nécessairement la méfiance au lecteur quant au statut de ces documents : comment faire la différence entre des articles « réels19 » ou des articles, sinon rédigés par Plunkett lui-même, du moins sélectionnés avec attention ?

American Psycho ne propose pas un dispositif péritextuel aussi élaboré qu’Un Tueur sur la route, mais le roman est tout de même précédé de trois citations qui dénoncent la fictionnalité du récit. La première citation est extraite du Sous-sol20 de Dostoïevski et fait elle aussi immédiatement signe vers la fiction : « L’auteur de ce journal et le journal lui-même appartiennent évidemment au domaine de la fiction21 ». Cette référence est d’autant plus intéressante que Le Sous-sol est constitué d’un monologue d’un vitupérateur qui vomit sa paranoïa et son humiliation contre un monde d’aliénation, et qui s’amuse à tromper sans arrêt son lecteur. De plus, la catégorie générique de « journal » est trompeuse quand on l’associe à l’organisation d’American Psycho : si le texte se présente effectivement comme un journal constitué de courtes entrées dont les titres marquent des lieux et des moments de la journée, le présent de la narration ne rend pas possible une telle écriture diariste. Pour ce faire, il faudrait que Bateman puisse agir et retranscrire simultanément les événements. Là encore, le texte fait signe vers sa propre impossibilité et sa propre fictionnalité.

Enfin, Le Livre des Aveux ne propose, lui, aucun cadrage péritextuel : on entre directement dans la plaidoirie de Frédérick Montgomery adressée à la cour et à ses juges. Cette entrée in medias res semble plus traditionnelle, plus proche des récits de confession tels qu’ils existent au moins depuis Jean-Jacques Rousseau. Et cependant, ce texte ne propose aucune preuve d’authenticité et semble, là encore, peu crédible. Si un tel texte se voulait « réaliste », l’auteur n’aurait sans doute pas manqué d’ajouter un prologue explicatif ou justificatif (comme on le faisait au début des romans épistolaires au XVIIIe siècle ou comme on en trouve au début de Lolita et au début D’Un Tueur sur la route).

II. Faillibilité des récits de l’assassin

Certains éléments fondateurs de nos trois récits, les ethê des narrateurs, les stratégies narratives et les dispositifs péritextuels, permettent donc, même à la première lecture, de désamorcer une réception naïve et empathique. De prime abord, ces récits inspirent la méfiance. Une seconde lecture plus précise renforce encore ce sentiment premier et dévoile des éléments révélateurs de l’évidente faillibilité narratoriale. La fiction semble sans cesse s’auto-dénoncer par différents moyens : par la narration discordante et réflexive d’une part et par l’hypothèse de la folie des narrateurs d’autre part. Cette possibilité de défaillance mentale porte la méfiance du lecteur à son plus haut degré et tire dès lors l’interprétation de ces trois textes vers le régime de la confession inutile.

Réflexivité et cas de narration discordante

Le Livre des Aveux est encadré, au début et à la fin du monologue de Frédérick Montgomery, par des mentions qui mettent largement en doute la parole du narrateur. Dès le début, Frédérick Montgomery orchestre une fiction de procès, jouant à la fois le rôle des juges et celui de l’accusé : « Jurez-vous de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ? Ne me faîtes pas rire22 ». Dans cette phrase, Montgomery, formulant lui-même la question et la réponse ironique, affirme ainsi la non-fiabilité de son témoignage. Cette remise en cause de la véracité du texte est d’ailleurs confirmée par une tierce personne dans l’excipit du roman. On retrouve Frédérick Montgomery dans sa cellule, à la veille de son procès :

J’ai demandé au divisionnaire Haslet de les ranger dans mon dossier, avec les autres écrits, la littérature officielle. Il est venu me voir aujourd’hui, ici, dans ma cellule. Il s’est emparé de tous ces feuillets, les a soupesés dans sa main. Ce devait être ma plaidoirie, lui ai-je expliqué. […] Et en entendant ça, il a éclaté de rire. Allez, Freddie, qu’est-ce qu’il y a de vrai dans tout ça ? C’est la première fois qu’il m’appelait par mon prénom. De vrai ? dis-je. Tout est vrai, rien ne l’est, sauf la honte23.

Dans cet extrait, Frédérick Montgomery réévalue la valeur de son manuscrit : ce qui devait être le cœur de sa défense face à ses juges ne devient qu’une pièce du dossier parmi d’autres. De plus, et dans la mesure où Frédérick décide finalement de ne pas se défendre et de plaider coupable, cette plaidoirie perd toute sa force de persuasion. Le texte n’a plus aucune valeur juridique ni rhétorique, et le narrateur semble s’y accrocher comme aux vestiges d’une version rêvée et fantasmée des faits. D’ailleurs, cette fiction de Montgomery est immédiatement tournée en ridicule par le divisionnaire qui dénonce son caractère factice et mensonger. Dans cet excipit, Banville, dont le divisionnaire pourrait être un avatar, offre donc une clé de relecture distanciée de la confession de Montgomery. Ce type de narration s’apparente au phénomène de « discordant narration » que décrit Dorrit Cohn : il s’agit d’une narration qui suppose immédiatement une lecture au-delà de ce que raconte le narrateur, « against the grain of the narrator’s discourse24 ». Le texte opère ainsi une mise à distance interne. Dorrit Cohn précise d’ailleurs : « We might, moreover note at this point that the diagnosis of discordance can apply only to a fictionnal narrative25 ». Ce type de dispositif ne peut donc advenir que dans la fiction, qui fait tomber le masque et se désigne ainsi telle quelle.

Ces signes de réflexivité de la fiction faisant retour sur elle-même sont aussi présents dans les références à d’autres formes d’art, et au cinéma en particulier. Dans cet extrait d’American Psycho, Patrick Bateman retourne sur les lieux d’un de ses crimes les plus atroces :

Et par un matin pluvieux, un mardi, après mon entraînement à Xclusive, je m’arrête à l’appartement de Paul Owen, dans l’Upper East Side. Cent soixante et un jours se sont écoulés depuis la nuit que j’ai passée avec les deux escortes. Dans aucun des quatre journaux de la ville il n’a été question de cadavres découverts, ni dans les nouvelles locales ; pas l’ombre d’une rumeur à ce sujet. J’ai été jusqu’à demander aux gens – les filles avec qui je sortais, des relations de travail –, au cours des dîners ou dans le hall de Pierce & Pierce, s’ils avaient par hasard entendu parlé de deux prostituées retrouvées mutilées dans l’appartement de Paul Owen. Mais, comme dans les films, personne n’avait entendu parler de rien, personne ne voyait ce dont je voulais parler26.

Ce passage inverse tous les codes du roman policier puisque c’est ici le tueur lui-même qui est à la recherche de traces de son propre crime. Toute l’absurdité de la situation réside dans le fait que Bateman n’essaye pas de cacher mais, au contraire, de rendre son crime public. Il semble même frustré que ce ne soit pas le cas, et que personne ne reconnaisse ses crimes. Le narrateur lui-même a l’impression d’évoluer dans un univers irréel : la mention « comme dans un film » pointe donc le jeu de la fiction avec ses propres codes. On retrouve cette référence au cinéma dans Un Tueur sur la route lorsque Martin Plunkett évoque ce qu’il appelle son « cinéma mental », processus qui se met en marche avant de perpétrer ses crimes. Cependant, les rouages psychologiques de Bateman et Plunkett ne sont pas exactement les mêmes : dans le cas de Plunkett, la référence au cinéma permet une déréalisation avant le passage à l’action, alors que dans le cas de Bateman c’est la violence, représentée comme dans un film, qui devient en elle-même l’objet des fantasmes du narrateur. Dans un cas comme dans l’autre, il devient difficile pour le lecteur de départager les visions fantasmatiques des meurtres avérés.

Folie et troubles dans l’identité

Le passage d’American Psycho cité plus haut ne révèle pas seulement la réflexivité de la fiction, il est aussi symptomatique de la faillibilité narratoriale de Bateman puisque, lorsqu’il se rend effectivement dans l’appartement de Paul Owen, les corps démembrés et entreposés ont miraculeusement disparu et l’appartement a repris son aspect initial sans que Bateman ne puisse comprendre pourquoi. Deux possibilités sont alors à envisager : soit Bateman se trompe d’appartement, soit il n’a jamais commis ces meurtres. Dans ces deux cas, le doute plane sur la rationalité du narrateur. Bateman lui-même ne cesse d’auto-évaluer la perte progressive de sa santé mentale tout au long du roman :

À quoi bon le nier : la semaine a été mauvaise. Je me suis mis à boire ma propre urine. Je ris pour rien tout à coup. Parfois je dors sous le lit japonais. Je me déchaîne sur le fil dentaire, jusqu’à avoir mal aux gencives, et un goût de sang dans la bouche27.

La succession de phrases très courtes accentue l’absurdité des actions de Bateman. Chaque phrase semble décrire un symptôme concret, un signe tangible de l’avancée de la folie. Cependant, Bateman garde tout de même une distance sur la dégradation de son état : la question rhétorique initiale, qui fonctionne comme une auto-exhortation au discernement, ainsi que l’humour noir, qui perce dans la litote « la semaine a été mauvaise », sont autant de marqueurs de la lucidité du narrateur sur ses propres dérives irrationnelles. Mais alors se présente au lecteur un paradoxe insoluble : comment un dément pourrait-il avoir un discours rationnel et clairvoyant sur sa propre folie ? Que croire ? Les événements racontés au présent par Patrick Bateman tout comme les dialogues qu’il entend et auxquels il participe deviennent dès lors, s’ils ne l’étaient pas déjà, sujets à caution.

Contrairement à American Psycho, Un Tueur sur la route et le Livre des Aveux sont écrits de façon rétrospective lors de la période d’emprisonnement de Montgomery et Plunkett. Leur construction narrative alterne donc entre deux temporalités : celle du présent de l’écriture et celle du passé de la relation des crimes. Ce dispositif permet une réévaluation a posteriori des événements, jusqu’à parfois remettre en cause leur degré de réalité. C’est ce qui se passe lorsque Plunkett raconte les fantasmes de son enfance dans le quatrième chapitre et qu’il dit : « Je sais aujourd’hui que je devenais fou28 ». Ce jugement, qui se veut une preuve de lucidité rétrospective, contribue en fait à miner de l’intérieur la vraisemblance de la narration.

Le régime de la confession inutile

Face à l’évidence de la non véracité de ces récits, et face à une parole narratoriale mensongère, le lecteur peut légitimement s’interroger quant à l’utilité de ces récits. Dans la confession finale de Patrick Bateman, qui est sans doute l’un des passages les plus célèbres d’American Psycho, le narrateur revient sur lui-même dans une sorte de stream of consciousness auto-évaluateur pour finalement ne constater que le vide que constitue son intériorité :

… il existe une idée de Patrick Bateman, une espèce d’abstraction, mais il n’existe pas de moi réel, juste une entité, une chose illusoire, et bien que je puisse dissimuler mon regard glacé, mon regard fixe, bien que vous puissiez me serrer la main et sentir une chair qui étreint la vôtre, et peut-être même considérer que nous avons des styles de vie comparables, je ne suis tout simplement pas là. […] Le mal, est-ce une chose que l’on est ? Ou bien est-ce une chose que l’on fait ? Ma douleur est constante, aiguë, je n’ai plus d’espoir en un monde meilleur. En réalité, je veux que ma douleur rejaillisse sur les autres. Je veux que personne n’y échappe. Mais une fois ceci avoué – ce que j’ai fait des milliers de fois, presque à chaque crime – une fois face à face avec cette vérité, pas de rédemption pour moi. Aucune connaissance plus profonde de moi-même, aucune compréhension nouvelle à tirer de cet aveu. Je n’avais aucune raison de vous raconter tout cela. Cette confession ne veut rien dire...29

Dans cette confession, l’adresse au lecteur (« bien que vous puissiez »), assez rare pour être remarquée, ménage une pause réflexive dans le récit. Ce passage d’American Psycho constitue le point d’orgue de l’introspection et réintègre tardivement le récit dans le régime confessionnel, au même titre que les deux autres romans, comme le souligne le terme d’« aveu ». Dès lors, la cohérence du corpus ne réside plus uniquement dans la focalisation mais aussi dans l’unité générique de la confession. En témoigne la traduction en français du titre du roman de John Banville dont le titre original est The Book of Evidence, qui signifie littéralement « le livre des preuves », mais qui a été traduit en français par « le livre des aveux ». Cette traduction permet d’insister sur l’appartenance générique du récit à la confession judiciaire. De même, le récit de Plunkett est qualifié dès le début d’ « autobiographie criminelle » et de « mémoire autobiographique30 » par les journalistes, dans les articles qui ouvrent le roman.

Cependant, cette catégorisation générique de « confession » apparaît purement formelle car elle ne révèle en fait aucun secret, ne mène à aucune forme de rédemption religieuse, à aucun pardon moral, ni même à aucune requalification judiciaire. Comme le précise le narrateur d’American Psycho, cette confession ne revêt aucun sens pour lui. Frédérick Montgomery lui aussi revendique, dès le début du roman, l’inutilité de sa confession et l’absence de sens de ses paroles :

Pardonnez-moi cet éclat, monsieur le juge. C’est seulement que je ne crois pas que de tels moments – ou n’importe quel autre, en l’occurrence – signifie quoi que ce soit. Ils ont un sens en apparence. Peut-être même ont-ils une certaine valeur. Mais ils ne signifient rien du tout. Voilà ma profession de foi31 !

On peut alors légitimement se demander : à quoi servent ces confessions qui ne révèlent rien, d’autant plus qu’elles sont prononcées par des narrateurs peu crédibles ? Les constructions narratives de ces textes ne suggèrent-elles qu’un « constat gratuit32 » et impuissant face à l’évidence du mal, comme le suggère Sophie Rabau ? Ou peut-être cette parole disqualifiée ne permet-elle que le jaillissement de la violence et la mise en scène scandaleuse du crime ?

III. Des récits de la violence pure ?

La première lecture distanciée tout comme la seconde lecture réflexive de ces trois romans induisent une réception méfiante et suspicieuse. La parole douteuse de ces trois narratueurs, dans la mesure où elle ne peut prétendre à une quelconque valeur de témoignage, semble donc totalement gratuite, inutile voire polémique. Nos œuvres valoriseraient-elles « la fascination du mal33 » et l’écoute complaisante de « bourreaux bavards34 » et immoraux, comme l’entend Charlotte Lacoste ? C’est en tout cas ce que peut sembler suggérer la parole logorrhéique qui caractérise nos trois œuvres. Mais cette parole surabondante et mensongère ne serait-elle pas finalement la condition nécessaire à une représentation outrancière de la violence et à une critique sociale de fond ?

Mise en scène et maîtrise du discours

Alors que l’on entendait assez peu les pensées de Bateman dans le reste du récit, sa parole semble se libérer au moment de la confession finale. Les points de suspension au début et à la fin du paragraphe confessionnel témoignent d’une entrée in medias res dans la conscience du narrateur. Cette confession s’insère, de fait, de manière intempestive au milieu d’un dialogue entre Bateman et sa secrétaire, comme un surgissement lucide et désabusé. De plus, elle arrive à la fin du récit, comme si toute l’économie du texte ne devait mener qu’à la libération de cette parole qui surgit et devient alors surabondante. Dans le même mouvement allant du silence à l’épanchement, Plunkett, au début d’Un Tueur sur la route, choisit d’appliquer ce qu’il appelle lui-même une « économie du silence35 ». Lors de sa capture, il se refuse à tout commentaire et exige de rédiger lui-même ses aveux. Frédérick Montgomery quant à lui n’est pas aussi parcimonieux dans son usage de la parole et dans la publicisation de son intériorité. La logorrhée verbale devient dès lors l’un des signes constitutifs de nos trois romans, qui ménagent une grande place à l’oralité. C’est bien le statut de la parole qui est sans cesse questionné dans nos trois œuvres, quoique selon des modalités divergentes.

Dans Le Livre des aveux, le statut du narrateur est assez traditionnel : il s’offre ici une posture de plaideur et d’orateur très classique de ce type de récits qui ressortissent du régime de la confession. L’adresse initiale aux juges est d’ailleurs une variation évidente sur les Confessions de Rousseau. Dans ce texte, la place de la parole n’est donc pas vraiment problématique. Néanmoins, elle est au centre d’un processus de création de la part de Freddie, qui essaye de transformer sa vie en œuvre de fiction dans un ultime geste d’esthète. L’oralité lui permet de reconstruire un passé qui, d’après lui, « semble tout entier n’avoir été qu’une fiction vivante36 ». La parole s’avère au contraire beaucoup plus problématique dans American Psycho notamment à cause de l’utilisation des dialogues. Les nombreuses séquences dialoguées qui scandent le roman ont tendance à mêler les paroles des différentes protagonistes, parfois jusqu’à l’absurde. Le dialogue final du roman est d’ailleurs symptomatique : les phrases sont entrecoupées et l’on ne sait plus qui parle. Bateman lui-même perd le fil, quand il énonce : « – … J’ai des cassettes vidéo à rapporter. Je crois que c’est moi qui ai dit cela37 ». L’incertitude quant à l’attribution de la parole est significative des troubles identitaires à l’œuvre dans un roman où chacun des personnages est confondu avec un autre et Bateman lui-même n’est qu’un narrateur vide, un simple enregistreur des événements. La parole est mise en scène mais semble échapper au contrôle de Bateman.

Au contraire, la maîtrise de la parole constitue pour Plunkett un enjeu fondamental et est au cœur d’un rapport de force très tendu, comme on peut le constater dans ce dialogue qu’il mène avec Dusenberry lors que son arrestation :

— Je ferai une déclaration officielle, dis-je, alors vous saurez. Et je ne ferai cette déclaration qu’à la condition qu’elle soit diffusée au grand public, mot pour mot. Comprenez-vous ?

— Vous vous êtes exprimé très clairement.

— Je me suis exprimé très clairement parce que je sais que vous voulez savoir, et à moins que vous ne me laissiez conduire mes aveux à ma manière, vous ne saurez jamais38.

L’agent Dusenberry se trouve donc soumis à la volonté de Plunkett qui lui refuse toute explication. Comme le montre Sophie Rabau, Plunkett échappe à « l’emprise des discours39 » des autres et les manipule à ses propres fins. D’ailleurs, à la fin du roman, l’agent Dusenberry se suicide et lègue son journal intime à l’éditeur de Plunkett pour qu’il l’intègre à l’ouvrage final des mémoires de l’assassin. C’est la raison pour laquelle on trouve à la fin du roman des passages en italique qui constituent en fait des extraits du journal intime de Dusenberry, intégrés au récit par Plunkett lui-même. On assiste ainsi à une « inversion du pouvoir narratif40 » par rapport au roman policier traditionnel. Ce n’est pas le criminel qui livre ses aveux au détective, mais ce dernier qui remet ses écrits intimes à l’assassin : la dialectique de la parole en est ainsi renversée. Le mystère du crime est ici enseveli sous un flot de paroles diverses, et, comme le remarque encore Sophie Rabau : « Le mystère qui entoure le mal est moins inquiétant, peut-être, que l’évidence du crime41 ».

Représentations de la scène de crime

Cette dernière hypothèse rejoint les propos de Jean-Louis Backès, pour qui les romans du crime mettent « en évidence, au premier plan, les impressions et les réactions du criminel42 ». Ces romans ont ceci de commun qu’ils mettent tous en scène le crime du point de vue de l’assassin, avec une précision toute chirurgicale et une dilatation temporelle très marquée. Dans Le Livre des Aveux, le passage à l’acte du meurtre constitue pour Montgomery une expérience presque phénoménologique :

J’avais le marteau à la main. Je le regardais, surpris. Le silence qui s’élevait nous cernait comme une marée montante. Ne faîtes pas ça, dit-elle. Elle était recroquevillée comme auparavant, les bras fléchis, et le dos plaqué contre l’un des coins de l’habitacle. Je n’arrivais pas à dire un mot, j’étais rempli d’une sorte d’émerveillement. Je n’avais jamais ressenti la présence de quelqu’un avec autant d’immédiateté, avec autant de force brute43.

Le silence et la décomposition des mouvements de la victime font l’effet d’une scène au ralenti et en suspens. La comparaison avec la marée suggère un sentiment de calme et de plénitude. Le paradoxe de cette scène réside à la fois dans le détachement du narrateur vis-à-vis de son crime – il se déclare lui-même « surpris » par ses propres actes – et le caractère sensuel d’une scène intime entre le bourreau et sa victime. Cette proximité du tueur et de sa victime ne relève pas exactement d’un traitement traditionnel de la jouissance sadique mais sans doute plus d’une expérience phénoménologique. La jouissance est plus nettement sexuelle lors du premier « vrai » meurtre de Martin Plunkett (le tout premier étant le suicide assisté de sa mère) :

Je dégrafai ma hache – auto-affutable, acier brossé et revêtement de Téflon – et la balançai en direction de son cou. La tête fut sectionnée d’un coup net, le sang jaillit, et les bras et les jambes s’agitèrent de soubresauts spasmodiques ; puis son corps tout entier s’effondra en tas sur le sol. La force du coup que j’avais donné me fit tournoyer, et pendant une seconde j’englobais dans ma vision la scène dans son entier : les murs éclaboussés de sang, le reste du coup d’où jaillissait un geyser artériel, le cœur continuant à pomper par réflexe ; Steve, pétrifié, se colorant d’un bleu de catalepsie. […] Puis je déchargeai, et toutes les couleurs que j’avais vues vinrent se fondre pour me projeter au sol où je reconstituai ma triade44.

Là encore, la description précise des différentes phases successives de la décomposition du corps, ainsi que l’attention portée aux moindres détails étirent la temporalité et confèrent à la scène une forme de lenteur. Martin se tient lui aussi à distance de la scène qu’il englobe du regard. La dimension éminemment sexuelle de cette scène est, au contraire, totalement absente du chapitre « Canicide », qui relate le premier meurtre de Bateman. Dans ce passage, Bateman tue d’abord un chien, puis son maître, un passant homosexuel qui lui aurait fait des avances :

[…] Le laissant souffrir et agoniser au bout de sa laisse, je me retourne d’un coup vers son maître, le repoussant brutalement avec mon gant ensanglanté, et me mets à le poignarder à l’aveuglette, au visage, à la tête, lui ouvrant finalement la gorge en deux brefs coups de lame ; un arc de sang rouge éclabousse la BMW 320 i blanche garée le long du trottoir déclenchant l’alarme. Quatre fontaines de sang jaillissent de sous son cou. Bruit cristallin du sang qui gicle. Il tombe sur le trottoir, agité de soubresauts, pissant toujours le sang, et après avoir essuyé la lame du couteau sur le devant de sa veste, je le fourre dans mon attaché-case et commence à m’éloigner, mais, pour m’assurer que la vieille tante est bien morte, et ne fait pas semblant (ce qui arrive), je reviens et lui tire deux balles en pleine figure, avec un silencieux, avant de partir, manquant de glisser dans la flaque de sang qui s’étale à côté de sa tête, et me voilà au bout de la rue, sortant de l’ombre et, comme dans un film, je me retrouve devant chez d’Agostino45 […]

Cette scène est sans doute la plus originale des trois car, si elle commence de façon tout aussi descriptive et précise que les deux autres, elle se conclue cependant, non pas sur la jouissance, mais sur un épisode presque comique. Le titre du chapitre « Canicide » crée immédiatement un décalage en mettant l’accent sur le moins grave des deux meurtres. Ce décalage humoristique se prolonge dans l’aspect brouillon du meurtre du passant homosexuel, puisque Bateman doit s’y reprendre à deux fois et manque de tomber en repartant, mention assez burlesque. Le coup de grâce est apporté par la parenthèse « ce qui arrive », qui suggère une volonté de pragmatisme et de contrôle de la part de Bateman, alors qu’il agit visiblement de façon totalement compulsive et désordonnée. Là encore nous assistons à une discordance entre les faits décrits et le discours du narrateur.

La critique de la violence sociale

Pourquoi Ellis, Ellroy et Banville font-ils le choix de narrateurs immoraux, bavards, fous et peu crédibles ? Est-ce uniquement par « opportunisme46 », comme le suggère Alexandre Lacroix ? Sans doute un peu car la parole scandaleuse permet en effet d’attirer les regards et les lecteurs mais, comme nous l’avons vu précédemment, il serait absurde de proposer une lecture naïve et moralisatrice de ces textes. Les nombreuses balises que nous avons pointées plus haut permettent de miner la vraisemblance des récits et la véracité des déblatérations des narratueurs. Ces balises peuvent précisément être envisagées comme des précautions à l’encontre d’une lecture scandalisée et moralisatrice. Ces trois confessions n’appellent aucun pardon, exagèrent leur propre fictionnalisation et libèrent ainsi l’outrance de la description vécue du point de vue du narrateur, en évacuant ainsi les jugements de valeur. Libérée de ce risque de lecture naïve, la parole criminelle peut faire advenir les fantasmes violents et les représentations gores des scènes de crime. Quand bien même nos textes ne relèveraient pas d’enjeux aussi sensibles que la réécriture de l’Histoire, d’une valeur testimoniale ou de problématiques mémorielles, d’aucun pourrait tout de même critiquer cette littérature scandaleuse et dénoncer une violence gratuite et racoleuse. Ce serait cependant sans compter sur la marginalité de ces discours de criminels, qui dévoilent, sous une parole égotiste et manipulatrice, les soubassements d’une réalité sociale faite de rapports de force violents, de frustrations ancrées et d’idéologies néfastes.

Ces paroles se font le reflet d’une société en crise et la critique sociale apparaît très violente dans nos textes. Comme nous l’avions précisé en introduction, ces trois romans ont été publiés sur une très courte période de cinq années, entre 1986 et 1991. Cette concomitance n’est pas un hasard puisqu’elle correspond à l’avènement de la figure du tueur en série comme antihéros prédominant dans la culture populaire, américaine en particulier. Comme le remarque Denis Duclos : dès le début des années 80, « la décade des serial killers commençait47 ». La fin des années 70 met un terme au mouvement hippie contestataire, et ce n’est pas un hasard si Un Tueur sur la route est le premier de nos trois textes à être publié car Martin Plunkett représente la figure déchue du vagabond américain de la beat generation, il en est la variation criminelle et dégradée. Dans la société américaine post-hippie, le marginal errant n’est plus un poète ou un troubadour mais un serial killer. Dans la suite logique, après l’idéologie hippie déchue, Patrick Bateman incarne, quant à lui, une nouvelle figure de réussite sociale dans un contexte de capitalisme triomphant : celle du yuppie new-yorkais obsédé par la puissance et le consumérisme. Les mentions obsessionnelles des marques de vêtements, mais aussi l’attention délirante portée par Bateman aux accessoires (le fameux épisode de la carte de visite) ainsi qu’aux codes sociaux (les réservations dans les restaurants chics de la ville) ne sont que les symptômes d’une névrose bien plus profonde. Comme le note d’ailleurs Megan Bedard dans sa comparaison des voix narratives du film Fight Club de Bryan Singer et d’American Psycho : « La psychose qui provoque le dédoublement des personnages-narrateurs est intrinsèquement liée au consumérisme48 ». Nos textes, et en particulier nos deux textes américains, reposent donc sur un rapport à la négativité et à la production collective de la folie et du mal. Comme le souligne là encore Denis Duclos : « C’est dans la culture partagée que se trouve le secret des psychologies les plus sauvages49 ».

À ce titre, Le Livre des Aveux ne peut pas être étudié de la même manière que les deux œuvres américaines car il ne porte pas du tout le même type de charge critique contre le capitalisme décomplexé. Le Livre des aveux est un texte qui s’apparente à une confession plus conventionnelle sur le plan littéraire. Là où Un Tueur sur la route et American Psycho expérimentent des tentatives formelles, en intégrant des matériaux exogènes au pur texte littéraire (articles de journaux pour l’un, critiques de mode et de musique pour l’autre), Le Livre des Aveux est formellement beaucoup plus classique. Le personnage de Frédérick Montgomery est lui aussi un personnage plus conventionnel que les deux autres. Ce n’est pas un tueur en série, mais un assassin occasionnel qui se rêve en gentleman cambrioleur lorsqu’il essaye de voler le Portrait de la femme aux gants. Il ne se rend pas compte qu’il commet en fait un crime de classe en tuant une servante qui l’a surpris, dévoyant ainsi l’image romantique du criminel telle qu’elle a pu exister au début du XXe siècle. Le dandy n’est finalement qu’un bourgeois conservateur et arrogant. D’ailleurs, la fin du roman achève de ternir cette fiction que Frédérick Montgomery se crée de lui-même puisque le divisionnaire Haslet suggère un mobile bien plus crapuleux : « Il m’a jeté un regard en coin. Vous avez raconté là-dedans que vous étiez un savant, que vous connaissiez la fille Behrens, que vous aviez des dettes, et tout le bataclan ? Je souris. C’est mon histoire, répondis-je, et je m’y tiens50 ». L’auto-persuasion ainsi que l’usurpation d’identité sont là aussi symptomatiques du dédoublement du discours du narrateur, qui finalement ne semble écrire cette confession que dans le but de se peindre en héros aristocratique à la manière d’un Arsène Lupin.

Conclusion

Les deux romans américains, Un Tueur sur la route de James Ellroy et American Psycho de Bret Easton Ellis, sont donc porteurs d’une critique sociale beaucoup plus puissante que Le Livre des Aveux de John Banville, qui se situerait plutôt dans la lignée esthétisante d’un Nabokov. Il faut évidemment replacer ces trois romans dans leurs contextes socio-économiques respectifs : les États-Unis et l’Irlande des années 80/90 ne se développent pas du tout de la même manière, ni au même rythme. On peut néanmoins se demander si la différence de contestation et de transgression qui existe entre le roman irlandais de Banville et les romans américains n’est pas aussi le résultat de deux histoires littéraires différentes : Le Livre des Aveux se place dans un milieu très aristocratique et se rapproche en cela du crime bourgeois du roman policier à l’anglaise, alors que les visions très pessimistes et violentes d’Un Tueur sur la route et d’American Psycho se rapprocheraient bien plus du roman noir dans la plus grande tradition américaine. Comme le notait d’ailleurs très justement Benoît Tadié dans Le roman noir américain, la modernité et le mal51, il faut lire l’émergence du polar américain comme mouvement de rejet de la langue du colonisateur britannique.

Tout comme le harboiled des années 20/30 naissait en réaction aux vagues de crimes de l’époque de la Prohibition aux États-Unis, à un moment où le rêve américain s’écroulait et où la société était en perte de repères, nos deux romans des assassins portent une grande réflexion sur la société américaine capitaliste et consumériste des années 80/90. Si Denis Duclos voit dans l’Amérique des années 80 un « terreau52 » fertile à l’éclosion de ces romans ultra-violents, je me rapprocherais plus de l’analyse de Megan Bédard qui voit dans l’« ambiguïté postmoderne qui se développe avec la fragmentation du personnage de Patrick Bateman » une image de « la dualité de la société américaine, entre sa surface consumériste et l’aliénation qui en découle53 ». On comprend à travers les propos de Bédard que le personnage de Bateman n’est pas seulement apparu parce que la mode de l’époque était au serial killer, il est lui-même une incarnation de cette société de consommation dont il découle. On pourrait presque dire qu’il en est une allégorie. Ces fictions ultra-violentes envisagées du point de vue du criminel ne sont d’ailleurs pas uniquement présentes en littérature mais se développent sur tous les supports de culture populaire : on aurait pu à cet égard considérer quelques films tels que Fight Club de David Fincher (lui-même adapté du roman éponyme de Chuck Palahniuk sorti en 1994), Usual Suspects de Bryan Singer ou encore Memento de Christopher Nolan54 qui s’appuient tous les trois sur le même ressort narratif du narrateur affabulateur.

L’utilisation de cette technique narrative permet donc de créer une lecture distanciée et critique de ces textes et de libérer ainsi la violence de la parole criminelle dans un espace contrôlé par le doute et la méfiance du lecteur. Dans nos deux œuvres américaines, l’utilisation des dialogues et le statut problématique de la voix engendrent, de plus, des jeux de dédoublements posant avec acuité la question de l’identité dans l’ère postmoderne ainsi qu’une critique virulente de la société capitaliste faite de rapports sociaux violents et de consumérisme à outrance.

Références bibliographiques

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Notes de bas de page

  1. Charlotte Lacoste, Séductions du bourreau. Négation des victimes, Paris, PUF (coll. « Intervention philosophique »), 2010, p. 441.
  2. Bret Easton Ellis, American Psycho, trad. Alain Defossé, Paris, Seuil (coll. « Points »), 1998.
  3. John Banville, Le Livre des Aveux, trad. Michèle Albaret-Maascht, Paris, Actes Sud (coll. « Babel »), 1996.
  4. James Ellroy, Un Tueur sur la route, trad. Freddy Michalski, Paris, Payot (coll. « Rivages Noirs »), 2001.
  5. Une définition que l’on trouve dans l’ouvrage de Robert Ressler intitulé Whoever fights monsters et publié en 1992, comme l’explique Serge Chazal dans son article « Meurtre et sérialité, l’émergence du serial killer dans la culture médiatique américaine », Études littéraires, vol. 30, n° 1 (1997), p. 71-79.
  6. Denis Duclos, Le Complexe du loup-garou, la fascination de la violence dans la culture américaine, Paris, La Découverte (coll. « Essais »), 2005, p. 13.
  7. Maud Granger Rémy, « Le Roman posthumain », thèse de doctorat co-dirigée par Jean Bessière et Richard Sieburth, New York University et Paris Sorbonne-Nouvelle, 2007, p. 6.
  8. Interview avec James Ellroy dans le New York Times du 6 mars 1991, cité par Maud Granger Rémy dans Ibid., p. 14 : « Patrick Bateman is a monster. I am not ».
  9. Sur cette question de la narration faillible, voir en particulier les articles de Dorrit Cohn, « Discordant narration », Style, vol. 34, n° 2 (été 2000), p. 307-316 et James Phelan, « Estranging Unreliability, Bonding Unreliability and the Ethics of Lolita », Narrative Unreliability in the Twentieth-Century First-Person Novel, Berlin, De Gruyter, 2008, p. 222-238.
  10. Jean-Louis Backès, « Le roman de la violence obscure », Le Roman du crime, Paris, Didier Erudition, 1998, p. 37.
  11. James Ellroy, Un Tueur sur la route, op. cit., p. 14-15.
  12. James Phelan, « Estranging Unreliability, Bonding Unreliability and the Ethics of Lolita », art. cit.
  13. James Ellroy, Un Tueur sur la route, op. cit., p. 7.
  14. Ibid., p. 274.
  15. Je souligne. Tous les passages soulignés dans les extraits suivants seront aussi de mon fait.
  16. John Banville, Le Livre des Aveux, op. cit., p. 71.
  17. James Ellroy, Un Tueur sur la route, op. cit., p. 14.
  18. Sophie Rabau, « Coupables narrations ou l’évidence du crime : modèle policier et récit de l’assassin dans le roman contemporain », dans Denis Mellier et Gilles Menegaldo [dir.], Formes policières du roman contemporain, UFR Langues Littératures Poitiers (coll. « La Licorne »), 1998, p. 176.
  19. J’utilise ce terme dans le cadre de l’univers fictionnel, et non dans un contexte référentiel.
  20. Cette œuvre de Fiodor Dostoïevski publiée en Russie en 1864 est éditée sous plusieurs titres en France : Les Carnets du sous-sol, ou bien Le Sous-sol, Mémoires écrites dans un souterrain, ou encore Notes d’un souterrain ou enfin Le Souterrain.
  21. Breat Easton Ellis, American Psycho, op. cit., p. 7.
  22. John Banville, Le Livre des Aveux, op. cit., p. 15.
  23. Ibid. p. 313. Je souligne.
  24. Dorrit Cohn, « Discordant narration », art. cit., p. 307. Traduction personnelle : « à l’encontre du discours du narrateur »
  25. Id. Traduction personnelle : « De plus, nous pourrions ajouter ici que le diagnostic de narration discordante ne peut s’appliquer qu’à des récits fictifs ».
  26. Breat Easton Ellis, American Psycho, op. cit., p. 471. Je souligne.
  27. Ibid., p. 491.
  28. James Ellroy, Un Tueur sur la route, op. cit., p. 27.
  29. Breat Easton Ellis, American Psycho, op. cit., p. 484. Je souligne.
  30. James Ellroy, Un Tueur sur la route, op. cit., p. 10.
  31. John Banville, Le Livre des Aveux, op. cit., p. 38.
  32. Sophie Rabau, « Coupables narrations ou l’évidence du crime : modèle policier et récit de l’assassin dans le roman contemporain », loc. cit., p. 178.
  33. Charlotte Lacoste, « La fascination du mal : une nouvelle mode littéraire », Cités, n° 45, Paris, PUF, 2011, p. 171.
  34. Ibid., p. 172
  35. James Ellroy, Un Tueur sur la route, op. cit., p. 30 : cette « économie du silence » apparaît comme une stratégie de défense dès le début du roman et devient un automatisme de Plunkett dès la page 82.
  36. John Banville, Le Livre des Aveux, op. cit., p. 150.
  37. Bret Easton Ellis, American Psycho, op. cit., p. 512.
  38. Ibid., p. 335.
  39. Sophie Rabau, « Coupables narrations ou l’évidence du crime : modèle policier et récit de l’assassin dans le roman contemporain », loc. cit., p. 175.
  40. Ibid., p. 175.
  41. Ibid., p. 180.
  42. Jean-Louis Backès, « Le roman de la violence obscure », art. cit., p. 30.
  43. John Banville, Le Livre des Aveux, op. cit. p. 164.
  44. James Ellroy, Un Tueur sur la route, op. cit., p. 129-130.
  45. Breat Easton Ellis, American Psycho, op. cit. p. 217.
  46. Alexandre Lacroix, La grâce du criminel, Paris, PUF, 2005, p. 15.
  47. Denis Duclos, Le Complexe du loup-garou, la fascination de la violence dans la culture américaine, op. cit., p. 12.
  48. Megan Bédard, « American Psycho vs. Fight Club : dédoublements psychotiques et narratifs », dans Pop en Stock, [en ligne], http://popenstock.ca/dossier/article/american-psycho-vs-fight-club-dedoublements-psychotiques-et-narratifs, [publié le 14/01/2014]
  49. Denis Duclos, Le Complexe du loup-garou, la fascination de la violence dans la culture américaine, op. cit., p. 13.
  50. John Banville, Le Livre des Aveux, op. cit., p. 314.
  51. Benoît Tadié, Le polar américain, la modernité et le mal : 1920-1960, Paris, PUF, 2006.
  52. Denis Duclos, Le Complexe du loup-garou, la fascination de la violence dans la culture américaine, op. cit., p. 20.
  53. Megan Bédard, « American Psycho vs. Fight Club : dédoublements psychotiques et narratifs », art. cit.
  54. Il faut noter que ces trois films apparaissent cependant un peu plus tardivement que les romans : respectivement en 1994, 1995 et 2000. Pour une étude comparée du narrateur non-fiable dans Fight Club, American Psycho et Memento, voir l’article de Volker Ferenz, « Fight Clubs, American Psychos and Mementos: the scope of unreliable narration in film », New Review of Film and Television Studies, vol. 3, n° 2 (2005), p. 133-159.