Miroir ou anti-miroir : Le genre littéraire chez Marguerite Porete.

Par Ariane Lefebvre — Magie, sorcellerie et surnaturel en littérature

La notion de « miroir » au Moyen Âge : l’exemple de Marguerite Porete

À partir du XIIIe siècle et de l’immense succès du Roman de la Rose, l’allégorie occupe dans la littérature médiévale vernaculaire une place de choix1. Tantôt figure de rhétorique dans un discours moral, tantôt presque un « genre » littéraire, l’allégorie peut désigner un mode de discours, mais peut devenir, dans la littérature médiévale, le discours lui-même et s’inscrit dans une pensée chrétienne qui va au-delà des simples métaphores ou personnifications. En fait, elle permet de construire une senefiance particulière qui témoigne d’une conception chrétienne et morale de l’écriture littéraire. Cependant, il faut noter que bien loin d’être facilement appréhendée, l’allégorie constitue un mode d’expression complet qui se distingue par son caractère à la fois fuyant et évident, par la diversité de son traitement et de ses modalités et enfin par son ubiquité2. Sa capacité à être présente partout à la fois rappelle la présence constante du Dieu omnipotent au nom duquel sont réalisées certaines de ces entreprises d’allégorisation.

Nous proposons dans le présent article un survol d’un des éléments allégoriques de l’ouvrage de Marguerite Porete, Le Mirouer des simples ames anienties, produit autour de 1306 et pour lequel son auteure a été brûlée pour hérésie en 1310. Cet élément est précisément celui du « miroir », qui donne son titre à l’œuvre. Le Mirouer propose un parcours spirituel de l’âme à travers sept étapes qui ont pour objectif d’anéantir3 l’âme et la raison dans l’Amour véritable du Dieu unique. Ainsi, Amour conseille une relation directe avec le divin, sans l’intermédiaire ni de l’Église ni d’aucune autre communauté : ultimement, il lui faut renoncer à toutes ses connaissances, et même au Mirouer, intermédiaire imparfait, pour s’anéantir et finalement contempler la « face » divine. Pour exprimer ce long parcours, le livre de Marguerite Porete procède par anagogie, forme allégorique qui propose d’élever l’âme progressivement vers les choses célestes. Pour ce faire, elle utilise notamment la personnification et la métaphore pour développer une pensée théologique qui se veut parallèle à l’Écriture biblique, mais qui vise à dépouiller l’âme de sa complexité pour en faire une âme « simple », capable de contempler Dieu. Comme il est suggéré que le livre est écrit par l’âme, qui prend la parole sous la commande d’Amour4, incarnation de l’amour divin, Marguerite se présente en prophète, écrivant une nouvelle parole de Dieu, qui se substitue à la Bible elle-même. Le Mirouer en lui-même devient donc une sorte de grande allégorie où la mise en abyme reflète une relation d’abord imperméable à l’Amour véritable, et qui progressivement évolue en abolissant, notamment par la mort de Raison, les voiles qui séparent l’âme de Dieu.

Pour développer cette pensée théologique complexe, le Mirouer se construit autour d’une rhétorique, d’un mode discursif et d’un usage du français qui rappellent le roman et sa conception de la fin’amor5. En effet, Marguerite Porete est profondément immergée dans cette littérature vernaculaire dont les sources d’inspirations proviennent du Roman de la Rose ou des œuvres de Chrétien de Troyes6. Le Mirouer représente donc à la fois ce verre flou qui sépare l’homme du monde céleste, mais également ce cristal transparent qui rappelle que l’homme est produit à la semblance de Dieu et qu’il est donc non seulement son image, mais le reflet de ce Dernier, comme le microcosme est le reflet d’un macrocosme. Enfin, il faut noter que la part allégorique du texte ne tient pas qu’à un discours anagogique ou qu’aux influences courtoises, mais également au titre lui-même, Le Mirouer, qui rappelle l’objet matériel réflexif, à la fois objet de représentation et objet de confusion.

Matérialité du miroir

Pour bien comprendre le traitement métaphorique et symbolique du miroir dans les textes à caractère allégorique, il faut bien sûr revenir sur l’objet lui-même et son aspect au Moyen Âge. Sabine Melchior-Bonnet a déjà largement exploré l’histoire du miroir, notamment en ce qui a trait à sa matérialité et à sa conception7. Elle souligne que les miroirs, généralement de petite taille, soit entre quinze et vingt centimètres de diamètre, sont extrêmement coûteux, rares et précieux, et se présentent comme des instruments non seulement essentiels à la parure et à l’image, mais également à la connaissance de soi, permettant de comprendre une nouvelle « géographie du corps », une image jusqu’alors inconnue de soi8. Comme aujourd’hui, le miroir prend d’ailleurs différentes formes, il peut être rond ou carré, concave ou convexe. Il peut par ailleurs être maniable, de poche, sur un pied ou avec un manche. Dans la seconde moitié du XIVe siècle, Evrard de Conty distingue les différentes caractéristiques physiques du miroir en sept espèces, et, dans son Livre des échecs amoureux moralisés, il propose une explication scientifique et optique pour chaque déformation spécifique à ses différentes formes :

Pour declairier aussi aucune chose du miroer concave dont cel paonnet ot en son escu l’ensaigne et la samblance, sy come l’acteur faint, nous devons cy noter, selon les anciens sages de perspective, que on treuve .vij. manieres de miroers qui sont de diverses natures, desquielx les uns sont appellés sperique, non pas neccessité qu’il soit ainsy, maiz il convient qu’ilz soient une porcion de elle9.

En effet, les premiers miroirs, et durant presque tout le Moyen Âge, étaient composés d’un alliage de cuivre et d’étain, en tôle assez fine afin d’éviter le plus possible l’oxydation. Certains d’entre eux pouvaient également être constitués d’argent ou d’or, quoique ces cas étaient plus rares. Dans tous les cas, ils étaient bombés et diminuaient donc la taille ou la grossissaient selon qu’ils soient concave ou convexe10. Par ailleurs, avant l’époque de Marguerite Porete, nous trouvons dans le Roman de la Rose, chez Jean de Meun, l’énumération de ces illusions que peuvent causer les angles variables du miroir :

Encore ont miroer, dist ele, / Maint autre force grant et bele, / Car choses grnaz et grosses mises / Tres pres, samblent si loing assises, / Fust neïs la plus grant montaingne / Qui soit entre France et Sardaigne / Qu’eles pueent estre veües / Si petites et si menues / K’enviz les porroit on choisir, / Tant i gardast on a loisir / Autre mirauz, par veritez, / Moustrent les propres quantitez / Des choses que l’en regarde, / S’il est qui bien i preigne garde. / Autre miroer sont, qui ardent / Les choses quant il les regardent, / Qui les set a droit compasser / Pour les rais ensamble amasser / Quant li soleuls resflambaianz / Est seur les miroers raianz…11

Bien que le XIIIe siècle soit marqué par l’avènement des miroirs de cristal ou de verre, grâce à l’essor de l’optique, le miroir métallique demeure le plus commun, entre autres parce qu’il est plus abordable.

On comprend donc que le miroir métallique puisse avoir été la source d’inspiration des productions allégoriques, bien plus que le miroir de cristal. En fait, c’est que le miroir métallique, de moindre qualité, est généralement constellé de taches de rouille dues à l’oxydation du matériel, et il renvoie donc une image déformée, voire déformante de la personne qui s’y mire. « Taché, il renvoie à l’imperfection ou à la souillure du péché originel » et est, par conséquent, associé à la tromperie12. Également, le miroir renvoie à la femme, au corps et au désir. Il est en ce sens associé à la luxure, à la richesse et à la beauté, autant de caractéristiques qui peuvent être traitées de manière positive ou négative13. Quelques miroirs littéraires célèbres, par exemple la fameuse fontaine dans laquelle Narcisse se noie après être tombé amoureux de son reflet si beau, projettent en effet ces images déformantes, créatrices d’illusions, qui se prêtent parfaitement aux jeux allégoriques :

Et por faire la chose entendre, / Un essemple vos vueil apprendre : / Ausis comme li mireors mostre / Les choses qui sont a l’ancontre / Et i veoit on sanz coverture / Et la color et la figure, / Trestout ausi vos di de voir, / Que li cristaus sanz decevoir / Tout l’estre dou vergier encuse / A ceaus qui dedanz l’eaue musent /Car touz jorz quel que part qu’il soient, / L’une moitie dou vergier voient / Et s’il se torne maintenant, / Puent veoir le remenant. / Si n’i a si petite chose, / Tant soit repote ne enclose, / Dont demonstrance ne soit faite, / Com s’ele ere ou cristal portraite. / C’est li miroers perilleus / Ou Narcisus li orgueilleus / Mira sa face et ses yauz vers, / Dont il jut puis morz toz envers. / Qui enz ou miroer se mire, / Ne puet avoir garant ne mire / Que tel chose a ses ieulz ne voie / Qui d’amors l’a tout mis an voie. / Maint vaillant home a mis a glaive / Cil miroers, car li plus saive, / Li plus preu, li plus afaitie / I sont tost pris et agaitie. / Si sort as genz novele rage; / Ici se changent li corage, / Ci n’a mestier sens ne mesure, / Ci est d’amer volantez pure, / Ci ne se set conseillier nus, / Car cupido li filz venus / Sema ici d’amors la graine, / Qui toute a teinte la fontaine, / Et fist les laz en milieu tendre / Et ses engins i mist por prendre / Damoiseles et damoisiaus, / Qu’amors ne viaut autres oissiaus14.

Le miroir permet en effet de voir ce qu’on ne pourrait pas normalement voir, soi-même entre autres, mais il est indirect et déformant. Finalement, l’une de ses caractéristiques physiques majeure est qu’il reflète le monde extérieur, et sa capacité de totalisation lui permet de réduire, d’enclore, de synthétiser une réalité en l’enfermant dans l’espace restreint de son unité15. Le miroir a donc une pluralité d’attributs matériels, il oscille entre la perfection propre à la connaissance qu’il peut fournir et l’imperfection dont il fait souffrir les images qu’il renvoie, entre connaissance et illusion16.

Le miroir comme outil de connaissance

Cet objet du quotidien est au cœur de la pensée identitaire et des réflexions sur la connaissance de soi et de l’autre, qu’il s’agisse de son prochain ou encore de Dieu. La connaissance de soi passe préalablement par une connaissance visuelle, c’est à dire par la vue de son propre corps qui, au Moyen Âge, est plutôt partielle. C’est dans le reflet qu’il projette que le miroir peut joindre l’identité et la différence dans un principe analogique qui permet d’une part de penser l’homme, mais également le monde ou encore les arts17. Le miroir pose donc un problème identitaire, en soulignant l’inadéquation entre l’être et la représentation : il partage un espace réel avec l’être, tout en jouant sur la distance qu’il opère entre l’ici et l’ailleurs représenté par le reflet du réel. On peut donc soulever la question de l’éloignement physique entre la personne et son reflet, et de la même manière, se questionner sur l’unité du miroir ou encore sur le désir d’en rompre la surface pour détruire la médiation entre l’homme et son image, comme en témoigne le prologue de Marguerite Porete. Elle utilise la fin’amor comme image de l’amour lointain entre l’âme et Dieu en prenant pour exemple le cas de Candace, une dame qui était amoureuse du roi Alexandre18, mais qui ne pouvait le voir : « Adonc fist elle paindre ung ymage qui representoit la semblance du roy, qu’elle aimoit, au plus pres qu’elle peut de la presentacion dont elle l’amoit et en l’affection de l’amour dont elle estoit sourprinse, et par le moyen de ceste ymage avec ses autres usages songa le roy mesmes19 ». Dans ce prologue, Marguerite nous fait bien entendre que l’image peinte du roi Alexandre est comme son livre, qui est une figuration de son amour pour Dieu. Le livre, à la manière d’un miroir, reflète ce même amour : Dieu apparaît tellement loin de l’âme qu’elle reçoit ce livre en souvenir de lui, tout comme Candace avait fait faire le portrait d’Alexandre en souvenir de lui : « je oÿ parler d’ung roy de grant puissance, qui estoit par courtoisie et par tres grant courtoisie de noblece et largesse ung noble Alixandre; mais si loing estoit de moy et moy de luy, que je ne savoie prandre confort de moy mesmes, et pour moy souvenir de lui me donna ce livre qui represente en aucuns usages l’amour de lui mesmes20 ».

De plus, pour qui sait le lire, le miroir devient un objet de connaissance : d’abord, il permet à l’Âme de se connaître elle-même dans les premières étapes du traité : soit une âme qui doit apprendre à se simplifier pour perdre sa volonté propre. Puis, plus largement, il permet de connaître le visage divin. Dieu étant fait à l’image de l’homme, à sa semblance, le miroir permet de renvoyer un reflet, même lointain, même inaccessible, mais un reflet tout de même de Dieu. Chez Marguerite, l’âme anéantie en Dieu parvient à le connaître par ailleurs dans toutes ses subtilités : « C’est verité, dit Amour, car ceste Ame a Dieu par divine grace, et qui a Dieu il a tout […] Ce croire, ce dire, ce penser est vraie contemplacion; c’est ung povoir, ung savoir, et une volonté; ung seul Dieu en trois personnes; trois personnes et ung seul Dieu21 ».

L’homme et le monde se lisent donc comme un reflet de Dieu et le miroir fonde un « modèle d’amendement et de salut22 » dans une contemplation et un cheminement moral et spirituel. Inaugurant la quête et le récit, comme les sept étapes de l’anéantissement dans l’ouvrage de Marguerite Porete, le miroir génère une parole, un dialogue entre le regardant et le regardé. Il induit donc à la réflexion, non pas seulement à la réflexion physique, mais également à la réflexion intellectuelle23. Ce dialogue est parfaitement visible dans le 118 chapitre de l’œuvre. Là y sont décrites, de manière concise, les étapes où l’âme, devient progressivement Dieu. Une grande partie du parcours passe par des étapes associées à la vue et à la vision : « le siziesme estat est, que l’Ame ne se voit point, pour quelconque abysme d’umilité que elle ait en elle; ne Dieu, pour quelconque haultiesme bonté qu’il ait. Mais Dieu se voit en elle de sa majesté divine, qui clarifie de luy ceste Ame, si que elle ne voit que nul soit, fors Dieu mesme24 ». Il y a donc un véritable échange, un dialogue qui s’introduit entre l’âme, soit le regardant, et Dieu, c’est-à-dire le regardé, et qui produit un renversement des fonctions miroitantes du miroir, où Dieu devient le regardant et l’âme le regardé. Ce n’est qu’au septième état, celui où l’âme est parfaitement anéantie en Dieu, que le miroir se brise, que les voiles se lèvent. Dès lors, il n’est plus question de connaissance, mais de fusion complète, opérée grâce aux étapes précédentes ; l’âme cesse de se connaître elle-même pour ne faire qu’un avec Dieu : Dieu ne se voit qu’en lui-même, l’âme est « clariffiee », elle ne se voit plus, elle ne voit plus le Seigneur, elle fait dorénavant partie de Lui :

[…] car le glorifiement est ou septiesme estat, que nous aurons en gloire, dont nul ne sçait parler. Mais ceste Ame, ainsi pure et clariffiee, ne voit ne Dieu ne elle, mais Dieu se voit de luy en elle, pour elle, sans elle ; lequel (c’est assavoir Dieu) luy monstre, que il n’est fors que lui. Et pour ne cognoist ceste Ame sinon luy, et si n’ayme sinon luy, ne ne loue sinon luy, car il n’est fors que luy25.

Ce projet d’anéantissement de l’âme n’est possible que par l’anéantissement de la Raison et de la science, projet que Marguerite Porete annonce dès le début de son ouvrage, dans un court poème qui pose les conditions de la lecture de l’œuvre : « Humiliez dont voz sciences/Qui sont de Raison fondees,/Et mettez toutes vos fiances/En celle qui sont donnees/D’Amour, par Foy enluminees,/Et ainsy comprendrez ce livre/Qui d’Amour fait l’Ame vivre26. » Par ces conditions, Marguerite Porete suggère au lecteur de mettre de côté le savoir scientifique, d’oublier la Raison, pour se laisser entièrement guider par l’Amour. C’est que le miroir, dans la littérature médiévale, est souvent est utilisé comme titre, notamment pour les encyclopédies et les bestiaires, sources de connaissances et de raison. Notons par exemple le Speculum Majus de Vincent Beauvais vers 1258. Cette œuvre, à nature encyclopédique, rassemble le Miroir de la nature (Speculum naturale), un traité sur les connaissances d’histoire naturelle, le Miroir de la Doctrine (Speculum Doctrinale) qui recouvre plusieurs domaines scientifiques, dont la scolastique, et le Miroir de l’Histoire (Speculum Historiale), qui relate plusieurs récits historiques. Le propre de l’encyclopédie étant de rassembler et de synthétiser la connaissance, « le miroir » devient donc un titre de choix, précisément parce qu’il agit de la même manière lorsqu’il reflète une image27. On retrouve par ailleurs plusieurs miroirs dans la littérature encyclopédique médiévale qui ont pour objectifs de proposer une ligne de conduite à son public. Les plus connus sont généralement les nombreux miroirs aux princes28 ou miroirs aux dames29 qui suggèrent à ces derniers des comportements positifs à maintenir. Cette forme de miroir existe certainement depuis l’époque carolingienne, alors que les moines et autres clercs produisaient un nombre assez important d’ouvrages de moralisations qui visaient différents groupes sociaux, les exhortant au bien par le bannissement du mal. On note donc dans cette catégorie les hagiographies, les sermons et les conciliaires, textes qui regroupent les décisions prises lors d’un concile30. Cependant, nous pouvons parler de réel miroir aux princes qu’à partir du XIIIe siècle, moment où se créer une véritable scission entre les caractéristiques propres au prince et celles des autres laïcs31.

Dans ce même ordre d’idée, l’œuvre de Marguerite Porete se présente sous cette forme de miroir encyclopédique qui vise à présenter un mode de conduite pour l’obtention du Salut, et pour l’anéantissement de l’âme en Dieu. Cependant, ces divers commandements ne s’adressent pas qu’à un seul groupe social, mais bien plutôt à la population chrétienne de manière générale32. Le miroir de Marguerite agit donc en symétrie avec les différentes œuvres du même genre dans la littérature médiévale33. Il faut noter par contre qu’elle s’en dissocie également et rompt avec la « norme » didactique d’un miroir. Comme il a été mentionné dans le cas du Mirouer, on assiste à un détournement de la fonction encyclopédique du miroir, alors que Marguerite Porete suggère plutôt d’anéantir la connaissance scientifique et de s’attarder uniquement à l’Amour divin : « Humiliez dont voz sciences / Qui sont de Raison fondees, / Et mettez toutes vos fiances / En celles qui sont donnees / D’Amour, par Foy enluminees, / Et ainsy comprendrez ce livre / Qui d’Amour fait l’Ame vivre34 ».

Ainsi, chez Marguerite Porete, le miroir supporte un savoir, une connaissance profonde, mais qui ne relève pas de la raison comme le font les autres miroirs encyclopédiques. Ce refus du modèle théologique se manifeste également dans sa dimension linguistique : l’auteure écrit en français à une époque où c’est pourtant encore le latin qui s’impose comme langue de transmission du discours religieux et divin. Néanmoins, elle s’approprie aussi la fin’amor et l’amour courtois des poètes vernaculaires, tout en empruntant des techniques de langages littéraires, comme l’allégorie, la métaphore et le langage par image, déjà présents tant dans la littérature théologique que dans la littérature d’expression vernaculaire.

Le miroir métaphorique

Le miroir est un objet herméneutique qui fonctionne comme une métaphore du texte littéraire lui-même, exigeant le passage de la lettre au sens. Il n’est donc pas étonnant que le livre s’ouvre, dans le prologue, sur une anecdote courtoise en évoquant l’aventure d’Alexandre et de la reine Candace. Le prologue ne livre pas directement ce qu’il souhaite véhiculer comme message, prenant pour exemple ces personnages qui représentent d’abord une métaphore de la relation entre l’Âme (Candace) et Dieu (Alexandre), puis une métaphore du livre lui-même, miroir d’une peinture d’Alexandre commandée par Candace. Les jeux allégoriques auxquels s’adonne le miroir permettent en outre de fonder un modèle d’amendement et de Salut en restaurant la ressemblance entre le regardant et le regardé (Dieu). Il offre donc un modèle, un emblème de contemplation morale ou spirituelle en proposant une recherche du rapport à l’image divine, comme le suggère Marguerite Porete dans son Mirouer. En effet, elle fait de son ouvrage un miroir de Dieu, un moyen de le contempler, de le connaître, d’être « en paradis » :

[…] aultre chose n’est paradis, que Dieu tant seulement veoir […] Et celuy y est en verité, toutes et quantes foiz qu’il est descombrez de luy mesme; non mye glorieusement car le corps est trop gros a telle creature; mais il y est divinement, car le dedans est parfaictement delivré de toutes creatures, et pource vit il, sans moyen, de vie de gloire, et est en paradis, sans estre35.

Marguerite Porete annonce alors ce que sont Dieu et le paradis, elle donne des pistes pour les atteindre, mais elle n’en révèle jamais les moyens exacts. Selon le texte, l’âme doit être désencombrée d’elle-même pour être « en paradis », et c’est en évoluant à travers les sept états exprimés au chapitre 118 qu’elle y parviendra, néanmoins sans solution toute faite. Le miroir agit donc comme un voile métaphorique et suggère une avenue, celle de l’anéantissement, sans imposer la route à prendre pour s’y rendre.

Cette image du « miroir », qui guide la réflexion sur l’œuvre de Marguerite Porete, s’incarne à plusieurs les niveaux. En ce qui a trait à la structure du livre, « d’un point de vue formel, Le Mirouer se compose de cent quarante chapitres qui renvoient les uns aux autres, créant entre eux de multiples réfractions, comme autant de petits miroirs36 ». Pour expliquer ces réfractions, nous pouvons prendre pour exemple les chapitres 14 et 15, qui trouvent leur complémentarité dans le chapitre 85. Dans les deux premiers, Marguerite reprend les termes du concile de Latran IV (1215)37 concernant la Sainte Trinité, dans un développement théologique des plus classique, en expliquant comment Dieu « […]a fait l’œuvre de l’incarnation, et le Filz aussi, et le Saint Esperit aussi; ainsi que Dieu le Pere a joinct nature humaine a la personne de Dieu le Filz, et la personne de Dieu le Filz l’a joincte a la perosnne de luy mesme, et Dieu le Saint Esperit l’a joincte a la personne de Dieu le Filz38 » dans une seule et même nature, « c’est assavoir nature divine39 ». Dans le chapitre 85, elle reprend cette idée pour l’appliquer cette fois à l’âme, qui s’anéantit en Dieu dans une sorte d’opération trinitaire, pensée hérétique qui montre toute la distance qui se retrouve entre la démarche de la mystique et le dogme officiel, prescrit par le concile de Latran IV, alors que l’âme, imprégnée de la substance divine, ne fait qu’un avec la divine nature :

Ceste, qui telle est [l’âme qui est anéantie, et ne fait qu’un avec Dieu], ne quiert plus Dieu par penitance ne par sacrement nul de Saincte Eglise, ne par pensees ne par paroles ne par œuvres, ne par creature d’ycy bas ne par creature de lassus, ne par justice ne par misericorde ne par gloire de gloire, ne par divine cognoissance ne par divine amour ne par divine louenge40.

Enfin, on assiste à certains égards à une forme de mise en abyme partielle du livre. En effet, il n’est fait référence que trois fois au miroir dans sa vision catoptrique41 : soit aux chapitres treize, soixante-trois et cent neuf, une fois pour rappeler le titre du livre et deux fois en référence au Christ, comme une métaphore qui souligne que sa vie et sa mort doivent servir d’exemple42. De fait, les références réflexives ne sont observables qu’à travers un enchevêtrement de symboles et de métaphores qui se traduisent par le champ lexical du regard (vue, regard, lumière, reflet, image et représentation). Ainsi, nous pouvons voir au chapitre cent dix-huit divers éléments qui raccordent le propos au miroir comme objet et aux sens qui y sont associés43 : « Le quint estat est que l’Ame regarde que Dieu est, qui est dont toute chose est, et elle n’est mie, si n’est dont toute chose est. Et ces deux regars luy donnent une merveilleuse esbahyssance, et voit qu’il est toute bonté, qui a mis franche voulenté en elle qui n’est mie, sinon en toute mauvaistié44 ». Dans cette première citation, on observe les différents mots regarde, regars et voit, sans compter l’utilisation d’un lexique moins évident, mais toutefois présent, notamment par le mot esbahyssance qui renvoie au fait de regarder et d’en être ébahi. Marguerite Porete poursuit:

Et pource espant la divine Bonté par devant ung espandement ravissable du mouvement de divine Lumiere. Lequel mouvement de divine Lumiere, qui est dedans l’Ame espandu par lumiere, monstre au Vouloir […] du lieu la ou il est, ou il ne doit pas estre, pour remectre la ou il n’est, dont il vint, la ou il doit estre45.

Dans cet extrait, il s’agit toujours d’un lexique qui rappelle la vue ou le miroir, c’est-à-dire la lumière ou encore le reflet. Enfin, Marguerite Porete termine en présentant ce même lexique, mais en y ajoutant quelques explications :

Le siziesme estat est, que l’Ame ne se voit point, pour quelconque abysme d’umilité que elle ait en elle ; ne Dieu, pour quelconque haultiesme bonté qu’il ait. Mais Dieu se voit en elle de sa majesté divine, qui clarifie de luy ceste Ame, que que elle ne voit nul soit, fors Dieu mesmes, qui est, dont toute chose est ; et ce qui est, c’est Dieu mesmes ; et pource ne voit elle sinon elle mesmes ; car qui voit ce qui est, il ne voit fors Dieu mesmes, qui se voit en ceste Ame mesmes, de sa majesté divine46.

Le Mirouer est donc une grande métaphore qui se sert des caractéristiques physiques du miroir pour jouer sur le sens des mots et la senefiance. En effet, par son caractère déformant, par son aspect métallique et flou, le miroir révèle une partie du regardant tout en lui présentant quelque chose qu’il n’est pas. Le miroir devient donc un instrument de curiosité qui laisse envisager une nouvelle réalité, voire un univers complémentaire. Ici, Marguerite Porete insiste sur le reflet que propose le miroir en envisageant la possibilité que ce qu’on y voit n’est pas soi-même, mais un reflet de Dieu à travers soi. Ce n’est plus l’âme qui se regarde puisqu’elle ne voit rien, c’est Dieu qui regarde l’âme puisqu’Il voit tout. Le prisme du miroir est donc brisé, la glace est anéantie, le voile est levé. L’âme fait dorénavant partie de Dieu, à la manière où Narcisse, plusieurs siècles plus tôt, avait fusionné avec son propre reflet entrainant de ce fait sa mort.

Conclusion

Le miroir s’inscrit donc dans la dimension du savoir, mais aussi de l’être et de la création. C’est un objet de l’entre-deux, de la relation et de la médiation. Fondamentalement ambigu, il oscille entre la duplication et la duplicité, la vérité et l’illusion, la perfection et la déformation, la contemplation et l’action. C’est en cela qu’il s’avère particulièrement fécond, à la fois comme modèle de pensée et outil de la création et de la représentation littéraires47.

Selon Marguerite Porete, l’âme perd sa pureté et sa capacité à refléter le divin au moment du péché originel. Ce n’est que par un long processus d’élévation spirituelle qu’elle parviendra à se purifier. Le « Miroir de l’âme » est ainsi employé comme métaphore de la connaissance de Dieu et de soi. Lire le Mirouer de Marguerite Porete suggère donc la contemplation de l’âme, qui est à la fois le miroir du lecteur et le reflet de Dieu48, une vision indirecte de l’au-delà, mais également la promesse de la contemplation véritable par l’anéantissement49. En survolant ces caractéristiques du miroir, nous avons tenté de dresser un tableau général du travail allégorique qui sous-tend le texte littéraire de Marguerite Porete. Néanmoins, cette courte analyse du Mirouer ne représente qu’une infime partie des notions qui composent l’ouvrage, et il semble qu’un grand nombre d’éléments pourraient être convoqués encore pour d’appuyer ces propos et dégager l’ensemble des mécanismes allégoriques présents dans l’œuvre.

Bibliographie

Sources
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  • VALETTE, Jean-René, « Marguerite Porete et le discours courtois », dans Sean L. FIELD, Robert E. LERNER et Sylvain PIRON [dir.], Marguerite Porete et le Miroir des simples âmes. Perspectives historiques, philosophiques et littéraires, Paris, Vrin, 2013, p. 169-196.
  • _____, « Marguerite Porete et la confrontation des discours : le prologue du Mirouer des Simples Ames », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 23 (2012), p. 273-289.
  • _____, « Continuum lyrique et révélation dans le Miroir des âmes simples et anéanties de Marguerite Porete », dans Catherine CROIZY-NAQUET [dir.], Littérature et révélation au Moyen Âge, II. Écrire en vers, écrire en prose : une poétique de la révélation, Littérales, 41 (2007), p. 119-133.

Notes de bas de page

  1. L’allégorie est un concept qui ne connaît pas, au Moyen Âge, de définition spécifique. Les rhétoriciens médiévaux nous en donnent par ailleurs des interprétations variées. Pour la critique moderne, elle se définit comme un procédé littéraire complexe qui vise à représenter une idée abstraite par une composante concrète, notamment par le biais de la personnification. Cependant, cette définition englobante ne peut être parfaitement superposée à l’allégorie médiévale. En effet, comme le démontre Gabriella Parussa (« Allégorie », dans Paul Aron [dir.], Dictionnaire du littéraire, Paris, Presses Universitaires de France, 2010, p. 10), l’allégorie médiévale, c’est parler d’une chose en parlant d’autre chose. Autrement dit, il s’agit de cacher le sens (la senefiance) d’un propos en utilisant d’autres mots pour le décrire. L’allégorie, c’est donc dire autre chose que ce que l’on dit, à la fois méthode d’écriture (voiler la senefiance) et mode de lecture (extraire la senefiance à partir d’une œuvre allégorique). À ce sujet, voir la terminologie développée par Armand Strubel (« Grant senefiance a » : Allégorie et littérature au Moyen Âge, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 41-42 et 78-94), où « allégorèse » correspond à l’acte de lecture des textes allégoriques, et « allégorie » celui d’écriture allégorique.
  2. Armand Strubel, « Grant senefiance a », op. cit., p. 7
  3. Le concept d’anéantissement de l’âme chez Marguerite Porete se réalise en sept étapes, qui visent à éliminer entièrement la volonté de l’âme, dont le seul désir est celui de Dieu lui-même. Il s’agit de ne faire qu’un avec Dieu, de disparaître à son profit. Marguerite Porete fait la description résumée de l’ensemble de ces étapes dans un long chapitre (118) où elle décrit chaque changement effectué dans la pensée et le cœur de l’Âme.
  4. La personnification Amour est généralement associée au discours littéraire. Il s’agit d’un caractère que l’on retrouve notamment dans plusieurs œuvres courtoises, comme Le Roman de la Rose.
  5. Sylvain Piron, « Marguerite Porete, entre les béguines et les maîtres », dans Sean L. Field, Robert E. Lerner et Sylvain Piron [dir.], Marguerite Porete et le Miroir des simples âmes, perspectives historiographiques, philosophiques et littéraires, Paris, Vrin, 2013, p. 80.
  6. Sean L. Field et al., « Marguerite Porete et son Miroir : perspectives historiographiques », dans Sean L. Field, Robert E. Lerner et Sylvain Piron, Marguerite Porete et le Miroir des simples âmes, perspectives historiographiques, philosophiques et littéraires, opcit., p. 19.
  7. À cet égard, voir l’ouvrage de Sabine Melchior-Bonnet, Histoire du miroir, Paris, Hachette, 1998.
  8. Ibid., p. 11.
  9. Évrard de Conty, Le livre des eschez amoureux moralisés, éd. Bruno Roy et Françoise Guichard-Tesson, Montréal, CERES, Bibliothèque du Moyen Français, 1993, p. 700-707. Références prises dans Fabienne Pomel, « Présentation : réflexions sur le miroir », dans F. Pomel [dir.], Miroir et jeux de miroir dans la littérature médiévale, Rennes, PUR, 2003, p. 17.
  10. Ibid., p. 22.
  11. Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. et trad. Armand. Strubel, Paris, Livre de Poche, 1992, v. 18157-18176.
  12. Fabienne Pomel, Miroir et jeux de miroir, op. cit, p. 18.
  13. Ibid.
  14. Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, op. cit, v. 1550-1591.
  15. Fabienne Pomel, Miroir et jeux de miroir, opcit.,  p. 18
  16. Ibid., p. 18.
  17. À ce sujet, voir ibid. Le miroir se présente comme un objet réflexif qui reflète les images extérieures et permet une meilleure compréhension de ce qui nous entoure.
  18. À ce sujet, voir le Roman d’Alexandre et l’épisode de la reine Candace (Alexandre de Paris, Le Roman d’Alexandre, éd. Edward Cooke Armstrong et al., trad. Laurence Harf-Lancner, Paris, Le Livre de Poche, 1994, p. 1, 39-40). Marguerite Porete trouve beaucoup de ses référents dans la littérature médiévale courtoise, et elle s’en inspire largement, surtout dans son prologue.
  19. Marguerite Porete, Le Mirouer des simples ames/Speculum simplicium animarum, éd. par Romana Guarnieri et Paul Verdeyen S. J., Turnhout, Brepols (Corpus Christianorum – Continuatio Medievalis lxix), 1986, p. 8.
  20. Ibid.
  21. Se poursuit ainsi sur 10 pages. Voir ibid., p. 52-62.
  22. Fabienne Pomel, Miroir et jeux de miroir, op. cit. p. 23.
  23. Ibid.
  24. Marguerite Porete, Le Mirouer, op. cit., p. 330.
  25. Ibid.
  26. Ibid., p. 8
  27. Concernant le titre, voir l’article de Chantal Connochie-Bourgne, « Miroir ou image… Le choix d’un titre pour un texte didactique », dans Fabienne Pomel [dir.], Miroir et jeux de miroir, opcit.,  p. 29-38.
  28. Plusieurs titres peuvent être cités : le De Regimine Principum, probablement réalisé autour de 1277 et 1282 à l’intention de Philippe le Bel, la Via Regia de Smaragde de Saint-Mihiel composée autour de 816 pour Louis le Pieux ou encore le Policraticus de Jean de Salisbury qui contient l’Institutio Trajani.
  29. Dès le XIIIe siècle, notons le Speculum dominarum de Durand de Champagne qui connaît une traduction en prose nommée Le Miroir des dames (autour du début du XIVe siècle). Nous conservons pour le xive siècle Le Mireoir as dames de Watriquet de Couvin dont nous possédons une copie de 1324. Pour le XVe siècle, citons Le Mirouer aux dames de Philippe Bouton et Le Miroir des dames et des demoiselles de Jean Castel fils. Il existe également une version anonyme d’un Miroir aux dames, réalisée au XVe siècle, qui avait été à tort attribuée à Alain Chartier, et enfin, la traduction d’Ysamberd de Saint-Léger du Miroir des dames, offerte à Marguerite de Navarre et datée entre 1492-1544. À ce sujet, voir Laurent Brun, « Miroir des dames », Arlima, Site des Archives de littérature du Moyen Âge, [en ligne] https://www.arlima.net/mp/miroir_des_dames.html [consulté le 14 juillet 2018].
  30. Rachel Stone, « Kings are different: Carolingian mirrors for princes and lay morality », dans Frédérique Lachaud et Lydwine Scordia [dir.], Le prince au miroir de la littérature politique de l’Antiquité aux Lumières, Monts, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2007, p. 69.
  31. Dominique Boutet, « Le prince au miroir de la littérature narrative (XIIe-XIIIe siècle) », dans Frédérique Lachaud et Lydwine Scordia [dir.], Le prince au miroir de la littérature politique de l’Antiquité aux Lumières, opcit., p. 143.
  32. Le public de Marguerite Porete demeure inconnu. Néanmoins, son œuvre, bien qu’il ne puisse être lu par tous, tel qu’en témoignent les nombreuses références allégoriques du livre, est possiblement destiné à un large public chrétien.
  33. Nous parlons ici de symétrie parce que le miroir reflète une image des autres œuvres médiévales qui l’ont inspiré, tout en s’en dissociant. À ce sujet, voir les travaux de Jean-René Valette, sur l’intertextualité entre le Mirouer et d’autres œuvres courtoises : « Marguerite Porete et le discours courtois », dans Sean L. Field, Robert E. Lerner et Sylvain Piron [dir.], Marguerite Porete et le Miroir des simples âmes. Perspectives historiques, philosophiques et littéraires, Paris, Vrin, 2013, p. 169-196 ; « Marguerite Porete et la confrontation des discours : le prologue du Mirouer des Simples Ames », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 23 (2012), p. 273-289 ; « Continuum lyrique et révélation dans le Miroir des âmes simples et anéanties de Marguerite Porete », dans Catherine Croizy-Naquet [dir.], Littérature et révélation au Moyen Âge, II. Écrire en vers, écrire en prose : une poétique de la révélation, Littérales, 41 (2007), p. 119-133.
  34. Marguerite Porete, Le Mirouer, op. cit., p. 8.
  35. Ibid., p. 268
  36. Catherine M. Müller, Marguerite Porete et Marguerite d’Oingt de l’autre côté du miroir, New York, Peter Lang (Currents in Comparative Romance Languages and Literatures), 1999, p. 32.
  37. Le concile de Latran IV, qui réunit un nombre important de prélats, représente une importante réunion conciliaire qui redéfini les principaux dogmes et le principe de transsubstanciation, et prend des mesures contre différents enjeux, notamment les hérésies cathares et vaudoises et la cinquième croisade. À ce sujet, voir Bernard Dupuy, « Concile », Encyclopaedia Universalis, [en ligne] https://www.universalis.fr/encyclopedie/concile/#i_18681, [page consultée le 11 novembre 2018].
  38. Marguerite Porete, Le Mirouer, op. cit., p. 60.
  39. Ibid.
  40. Ibid., p. 242.
  41. [1] De katoptricos (grec ancien), qui renvoie au miroir. Aujourd’hui en optique, ce terme désigne la réflexion de la lumière. Cette courte définition est intéressante dans le contexte de cette étude. En effet, Marguerite Porete se prête à un jeu de miroir dans une visée réflexive du monde, mais également dans cette optique de réflexion de la lumière divine depuis l’âme ou de réflexion de Dieu.
  42. Catherine M. Müller, Marguerite Porete et Marguerite d’Oingt de l’autre côté du miroir, op. cit., p. 32.
  43. Pour les deux citations du chapitre 118, nous avons souligné en italique les mots qui trouvaient une appartenance au champs lexical du miroir et/ou de la vue.
  44. Marguerite Porete, Le Mirouer, op. cit., p. 324.
  45. Ibid.
  46. Ibid., p. 330.
  47. Fabienne Pomel, Miroir et jeux de miroir, op. cit., p. 23.
  48. Catherine M. Müller, Marguerite Porete et Marguerite d’Oingt de l’autre côté du miroir, op. cit., p. 32.
  49. Ibid., p. 13.