La terreur et son kiosque - I

Par Méryl Marchetti — La presse et l’invention littéraire

Le Ürbö est décrit comme une créature tabloïde (parfois à couverture plastifiée, parfois en papier recyclé) et de petite taille – il ne mesure pas plus de 40 centimètres – le plus souvent distribué à l’entrée des bouches de métro. Il possède un titre énorme et disproportionné pourvu d’un large zoom qu’il peut ouvrir démesurément. Ses pages et ses articles sont également dotés, comme les tentacules d’une pieuvre, de photos people.

On dit qu’il habite nos villes depuis des temps immémoriaux, en tout cas bien avant que les premiers humains n’y arrivent. Le Ürbö attend qu’un imprudent descende prendre le métro, il se laisse alors distribuer comme un tract ou un coupon de réduction et, surprenant ainsi sa victime, lui suce le sang à l’aide des photos people dont ses membres sont pourvus. Il ne vide jamais entièrement sa proie de son sang, mais juste assez pour l’affaiblir et la faire s’évanouir sur les marches de la station.

Le Ürbö ouvre alors son énorme pleine-page et gobe entièrement sa victime. Si celle-ci a du mal à passer, il peut se mettre debout et exécuter une danse caractéristique, dans laquelle il compulse ses pages en tous sens pour aider le corps de l’humain à descendre. Après quelques temps, le Ürbö recrache sa proie qui, quoique badigeonnée de pubs, est toujours vivante et en un seul morceau. La régurgitation s’étant passée, le Ürbö s’endort ou s’éloigne, pour revenir avaler sa victime un peu plus tard.

Le Ürbö va ainsi dévorer puis régurgiter sa malheureuse victime à de nombreuses reprises ; à chaque fois qu’il la recrache, sa proie a les hanches plus fines, ses lèvres deviennent sans cesse plus rouges et ses seins plus gros… jusqu’à ce que l’humain ait été finalement transformé en bimbo.