Et dans cet événement singulier, dans ce film catastrophe de Manhattan se conjuguent au plus haut point les deux éléments de fascination de masse du XXe siècle : la magie blanche du cinéma, et la magie noire du terrorisme. La lumière blanche de l’image, et la lumière noire du terrorisme.
Jean Baudrillard[1]
La puissance de sidération que provoquent les attentats lorsqu’ils touchent les grandes villes occidentales s’inscrit en grande partie dans une étrange dialectique de la représentation. Nous sommes profondément impressionnés par ces images d’explosions ou de tueries alors même que la répétition de leurs visions au sein des œuvres cinématographiques, vidéoludiques, mais aussi des chaînes d’« infotainment », auraient dû limiter leur effet. La fiction semble jouer ici, de façon inattendue, un rôle d’intensification. Loin de diminuer l’impact de l’événement, l’imaginaire tissé par le cinéma ou par les jeux vidéo semble au contraire pouvoir l’aviver. Il est nécessaire d’interroger un tel processus pour envisager jusqu’où se joue une telle influence, car il est tentant de voir dans la prolifération de ces images de l’imaginaire vers le réel la possibilité d’un principe d’engendrement.
Plus radicalement encore, il y a peut-être une affinité profonde entre le terrorisme et un certain cinéma populaire au sein de leur logique de diffusion dans la mesure où ils cherchent tous deux d’une façon ou d’une autre à frapper puis à capter l’imaginaire. Il est d’ailleurs courant que la société se retourne contre une culture pop, qui tend — selon elle — à banaliser voire à glamouriser la violence[2], en l’accusant d’être une des sources possibles du mal qui la ronge. Ainsi, on peut tenter de lire la mise en œuvre de l’activité terroriste comme une appropriation du spectaculaire. L’issue du combat étant dans la réalité plus qu’incertaine, il s’agit de le gagner dans l’imaginaire et d’engendrer, à la façon d’une ombre projetée, une peur bien plus grande qu’elle ne devrait l’être, car totalement infondée et parfaitement irrationnelle. On est donc dans une stratégie de la fascination qui recoupe totalement les logiques des blockbusters. Dans les deux cas, il s’agit d’émouvoir et de susciter un imaginaire. Bien évidemment, les fins diffèrent mais il semblerait que les mécaniques mises en œuvre ne soient pas totalement étrangères. Nous voudrions ainsi suggérer que le terrorisme peut se comprendre comme une stratégie du visible. Il s’agit ainsi de dépasser la définition traditionnelle qui, en le comprenant comme une méthode de combat qui instrumentalise la violence au service d’une idéologie[3], ne met pas assez en avant l’idée qu’il est avant tout une façon de rendre visible cette idéologie, de lui donner une teneur même si elle est négative via l’inspiration d’un sentiment de terreur. L’entreprise terroriste est une volonté de capter l’attention en se déplaçant de la marge vers le centre. Elle accapare l’attention médiatique en suscitant ce qu’elle redoute le plus tout en ne pouvant s’empêcher de l’exhiber : la destruction et la mort violente.
Cette similitude dans la manipulation des imaginaires amène à s’interroger sur les liens que les nouvelles formes de terrorisme et la culture populaire entretiennent, et à se demander comment elles peuvent se nourrir l’une l’autre. En partageant la destruction comme médium pour s’introduire dans l’imaginaire, elles doivent d’une façon ou d’une autre s’entretenir mutuellement ou tisser entre elles des liens à dénouer pour comprendre à quels niveaux ils jouent.
Un imaginaire explosif au service d’une logique de la dispersion
On peut tout d’abord détecter une certaine visée commune qui unit au sein de leurs structures les blockbusters cinématographiques (voire vidéoludiques) et l’action terroriste. Comme le rappelle même son nom, la vocation du blockbuster est d’exploser. Le mot signifie en effet littéralement « exploser un pâté de maison ». Originellement attribué à une bombe anglaise utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale, le terme a fini par désigner un produit cinématographique à visée commerciale qui nécessite un énorme investissement. Cette dimension économique est centrale, car elle détermine le film à tous les niveaux. Un film ne devient pas un blockbuster, il est façonné comme tel[4]. Le premier conçu consciemment ainsi est Jaws[5] (Spielberg, Les Dents de la mer, 1975) dont le succès est en partie lié à la réalisation, mais aussi à un nouveau système de distribution massive qui ne pouvait laisser finalement que peu de place au hasard.
Laura Odello fait très justement remarquer dans « Exploser les images, saboter l’écran[6] » que les blockbusters développent une stratégie de dissémination. Le film correspond à un point d’impact, mais il démultiplie son effet à travers toute une série de produits dérivés et merchandising publicitaire qui le rend omniprésent. Ainsi, l’exploitation en salle ne constitue finalement qu’à peine plus de 15 % des revenus générés par de telles productions[7]. Nous verrons que cette logique de la dissémination est aussi à l’œuvre dans l’attentat terroriste qui ne vaut pas tant par son action que par ses retombées ultérieures qui s’évaluent alors sur un plan médiatique et qui préparent ainsi la possibilité d’une relève. L’action terroriste pulvérise ainsi son idéologie que ce soit de façon négative ou positive (pour ses sympathisants présents et futurs).
C’est donc la propagation qui est au cœur des préoccupations de tout blockbuster. Or, pour s’assurer de celle-ci, il devient nécessaire de faciliter la diffusion de ces superproductions pour les rendre compatibles au plus grand public possible, c’est-à-dire désormais à l’échelle planétaire. Cette caractéristique nécessaire va rendre totalement fluide l’imaginaire qu’il développe. Ce cinéma ne peut pas développer une grammaire complexe des images et se doit d’adopter un langage universel pour se propager par-delà les frontières de l’industrie qui l’a vu naître. C’est un cinéma populaire, car il se veut consciemment populaire au sens le plus large possible.
Une plasticité véritable : le cas Avatar
Loin de proposer des idées nouvelles ou des schémas inédits de narration, le blockbuster reproduit le plus souvent des trames usées, mais efficaces. Cette réplication est tellement au cœur de ces productions qu’elle en vient à constituer une part importante du plaisir du spectateur qui se joue alors sur un effet de reconnaissance comme peut en témoigner le succès des suites, mais aussi, depuis une dizaine d’années, les reboots incessants d’anciens succès populaires. Pour saisir l’extrême perméabilité de l’imaginaire hollywoodien, mais aussi ses interactions avec le réel, il suffit de voir comment un seul blockbuster peut se livrer à des interprétations multiples et donner un sens pour chaque spectateur.trice à une situation qui pourtant lui est propre.
On sait que, dans l’imaginaire djihadiste, la cause palestinienne joue un rôle prépondérant[8]. En France, il est fréquent de constater que des jeunes transposent aisément leur situation à celle des Palestinien.ne.s et rejouent l’opposition à Israël dans des échauffourées avec des forces de l’ordre. On assiste alors à une forme d’intensification du sentiment d’humiliation par un processus de procuration qui amène un.e jeune des quartiers à intérioriser la souffrance qui touche la totalité du monde musulman. Il est intéressant d’interroger alors sur quel mode imaginaire les Palestinien.ne.s eux-mêmes vivent une situation qui est pourtant bien réelle. À quel niveau peut bien se jouer pour eux un tel transfert ? Or, tout comme le signe de ralliement des étudiant.e.s thaïlandais.es en 2014 était emprunté à la saga Hunger Games, c’est le film Avatar[9] (2009) de James Cameron qui a pu sembler incarner au mieux pour les jeunes Palestinien.ne.s la logique de leur situation[10]. Ainsi, près du mur de séparation, peu de temps après la sortie du film, des manifestant’e’s se sont déguisé’e’s en Na’vis pour signifier aux yeux du monde ce qu’ils sont vraiment : une population autochtone menacée par un gigantesque complexe militaro-scientifico-financier qui a des intérêts dans la région et qui se moque bien de la relation première et sacrée qu’ils ont avec leur terre. Éludant complètement le processus de diffusion de ce spectacle (sa force de frappe économique notamment), ces jeunes retrouvent à même le scénario une situation qui éclaire en la magnifiant l’oppression qu’ils vivent au quotidien. Le film met en forme une angoisse tout en suscitant un espoir : ils révèlent d’une certaine façon leur supériorité morale (ils sont bien les victimes d’un système injuste) tout en avivant encore plus en eux le souhait d’une révolte qui devient clairement légitime.
Loin d’être isolé, Avatar souligne simplement à nouveau à quel point l’imaginaire de la révolution fait désormais complètement corps avec tout un corpus cinématographique qui en propose une figuration claire, comme le souligne bien le masque de Guy Fawkes de V pour Vendetta (James McTeigue, 2006) qui est devenu, assez ironiquement, une sorte de label de la contestation. Mais, surtout, cet exemple montre comment une histoire, dont les critiques ont pu moquer dans un premier temps la simplicité[11], devient un terrain privilégié de différentes incarnations identitaires de la part de populations aux cultures très différentes. Il est en effet tout aussi loisible, comme le fait Antoine de Baecque[12], de lire dans Avatar un des premiers films de reprise véritable de la catastrophe du 11 septembre 2001 : la chute de l’arbre maison du film rejouant de façon cathartique l’effondrement des deux tours. L’œuvre de Cameron devient alors le révélateur d’une histoire de l’Amérique qui expose sans fard ses contradictions. Avatar peut ainsi être perçu, si l’on cherche à rejoindre le point de vue palestinien, comme un 11 septembre à l’envers puisque c’est l’Amérique elle-même qui précipite l’effondrement d’un symbole sacré et travaille à sa propre chute marquant ainsi la fin inévitable de son impérialisme.
Le MacGuffin idéal : l’islam
Cette standardisation de l’imaginaire est un élément clef pour appréhender les motifs réels qui déterminent les actions terroristes. L’analyse du phénomène de la radicalisation insiste bien sur la nécessité de trouver un médium hautement conducteur et malléable que ne peut en aucun cas fournir à ses débuts une pratique poussée de l’Islam. La radicalisation, si l’on suit la définition liminaire de Farhad Khosrokhavar, « désigne le processus par lequel un individu ou un groupe adopte une forme violente d’action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux qui conteste l’ordre établi sur le plan politique, social ou culturel[13] ». Ce passage à la violence ne se fait que sur le fond d’un imaginaire et contre un autre imaginaire. Ainsi, derrière la brutalité de l’acte, il ne faut pas manquer la dimension symbolique propre à un tel processus. La radicalisation constitue en quelque sorte le versant subjectif — entendu du point de vue des acteurs — du terrorisme.
Or, dès que l’on quitte le point de vue uniquement sécuritaire pour embrasser une vision plus globale, on se rend compte qu’un tel phénomène se joue principalement au sein d’une dimension symbolique qui est liée à un arrière-fond économique, politique et culturel. La radicalisation, qui est un phénomène largement minoritaire malgré son écho incessant dans les médias[14], suppose, avant même de se fixer autour d’un objet (dans notre cas, l’islam), de multiples formes de rejet ou d’exclusion vécues au sein d’une société qui devient de plus en plus étrangère voire hostile pour celui qui les subit. C’est alors que se joue une forme de retrait et la volonté de trouver un refuge dans des communautés imaginaires. Cette acculturation symbolique qui fonctionne comme un rejet du rejet trouve de puissants relais sur internet ou dans des groupes clos[15].
La nouveauté propre à notre époque qui semble faciliter un passage vers un islam radical est en grande partie liée à la circonstance historique majeure que constitue la chute du mur de Berlin en 1989 qui signe, en même temps que la fin d’un monde bipolaire, celle de corpus idéologiques extérieurs parfaitement identifiés (comme le communisme qui a longtemps fourni une identité sociale claire et dont on pouvait être fier) qui avaient pu en leur temps cristalliser ces phénomènes de rejet en leur donnant une forme concrète au sein de la société. Sans ces repères objectifs, la dimension purement subjective de la radicalisation prend une plus grande importance et laisse ainsi place à un imaginaire personnel beaucoup plus instable et donc moins repérable ou contrôlable[16].
C’est au sein d’un tel repli vers une subjectivité anarchique qu’une certaine image fantasmatique de l’islam va prendre un rôle démesuré jouant ainsi la fonction d’un véritable MacGuffin[17], c’est-à-dire un simple prétexte au développement non pas d’un scénario fictif, mais d’une trajectoire personnelle dont la fin se doit d’être une mort glorieuse au sein d’une action terroriste.
L’influence réelle de motifs religieux devient totalement secondaire, et fonctionne comme une raison de fortune qui constitue un cadre à une action qui a besoin de se penser dans l’horizon d’un sens qui dépasse les prémisses réelles de sa motivation. La finalité apologétique comprise comme un retour du religieux sous une forme extrême — donc nécessairement violente — apparaît in fine bien lointaine du point de vue du réel. C’est sur un plan purement symbolique que la religion va retrouver un rôle idéologique moteur et fournir un cadre de justification à l’opposition puis, dans un second temps, à l’action, à travers deux motifs principaux le plus souvent : l’oumma (la communauté des musulmans) et le djihad[18]. Les membres de ces groupes fantasment un islam des origines fort éloigné d’une lecture fidèle et informée du Coran. Cette néo-oumma permet ainsi de construire une utopie antimoderne qui rejette les acquis des Lumières et remet Dieu au cœur de la vie des hommes[19]. Cette dimension symbolique qui se développe en arrière-fond de ces entreprises terroristes explique pourquoi ces attentats sont perçus comme plus menaçants[20] par les populations par rapport aux mouvements indépendantistes régionaux, de la deep ecology ou des groupes pro-life[21]. Le cinéma et la télévision auront leur rôle à jouer dans une telle amplification en construisant la nouvelle figure de l’ennemi de l’intérieur qui constitue une menace, mais aussi et surtout une trahison vis-à-vis du pays qui l’a accueilli. L’islam devient alors de ce côté-ci aussi instrumentalisé à travers une réduction simplificatrice à un choc des civilisations dont la simplicité cache mal la complexité des enjeux.
Il est donc essentiel de comprendre que, pour les acteurs terroristes comme pour leurs spectateurs.trices/victimes, l’islam occupe une fonction purement symbolique qui, dans les deux cas, confine au simple fantasme. Cela explique que les études des prisonniers ou repentis montrent toutes que la religion n’a pas vraiment de place au début du processus de radicalisation[22]. Elle commence à agir comme une forme d’occasion et endosse à la fin le rôle de justification. Ainsi, il ne faut pas avoir une grande connaissance des dogmes pour initier un processus de radicalisation, bien au contraire. Comme le souligne Farhad Khosrokhavar : « La plupart du temps c’est après la radicalisation que l’adepte est pris du désir d’approfondir l’islam dans sa version djihadiste. (…) Ce n’est donc pas une connaissance préalable profonde de l’islam qui induit la radicalisation religieuse dans les banlieues, mais bien au contraire une inculture profonde qui provoque un effet de crédulité accentuée[23] ». Là encore, c’est une histoire de malléabilité qui est au fondement d’un transfert possible : des frustrations qui ne sont pas de nature religieuse peuvent aisément être retranscrites au sein d’une religion qui donnera à celles-ci une tournure sacrée et beaucoup moins personnelle. Or, c’est précisément ce support idéologique qui va permettre à cette haine diffuse de se radicaliser et de passer une étape qui est bien au-delà de la simple agressivité ou de la délinquance.
La puissance cinématographique du « born-again »
C’est dans la construction fantasmatique d’une alternative à la société qui les rejette que va commencer à se jouer en amont l’influence de l’imaginaire pop développé par les blockbusters cinématographiques. Nous avons vu à quel point leur succès reposait sur une culture uniformisée qui devait se limiter à développer des lignes de scénarios archétypales. La composition de cet imaginaire est parfaitement mise au jour par Joseph Campbell qui tend d’ailleurs à le théoriser en ayant recours à l’idée extrêmement fédératrice pour Hollywood de « monomythe[24] ». Richard Mémeteau n’hésite pas à souligner avec humour sa force plastique : « Si vous êtes un producteur hollywoodien, vos yeux se changent en dollars, car vous tenez entre vos mains le scénario ultime, capable de s’exporter partout sur le globe, dans n’importe quelle aire civilisationnelle, et dans chaque microvillage[25] ». C’est tout particulièrement la notion de « voyage du héros » (hero’s journey), thématisée par Campbell dans la première partie de l’ouvrage Le Héros aux mille et un visages[26], qui retient l’attention des studios qui cherchent précisément à se focaliser sur les ressorts narratifs liés à la trajectoire et à la transformation du personnage principal. Le fondement de cet archétype de l’imaginaire est simple : ce n’est pas tant le monde que lui-même que le héros doit chercher à transformer dans un premier temps. Or, cette logique est précisément celle qui est à l’œuvre dans le processus de radicalisation où un individu qui se sent isolé et rejeté par la société se transforme pour devenir à ses yeux le messager, voire le bras armé de Dieu sur terre, faisant partie des seuls élus capables de faire advenir la nouvelle oumma. Ainsi, les trois grandes étapes du héros campbellien rejoignent le parcours intérieur lié à la radicalisation : (1) le héros est appelé par l’aventure (« le départ »), puis (2) il est transformé par son voyage (« I’initiation ») et enfin (3) il revient vers le monde pour lui faire subir les changements bienfaiteurs qu’il a lui-même éprouvés (« le retour »). On le voit, le héros est « celui qui est destiné à se donner entièrement à sa communauté[27] ». Le premier opus de la saga Star Wars inaugure consciemment ce schéma[28] avec succès dès 1977 en contant l’évolution d’un jeune fermier qui finira par sauver la galaxie d’un oppresseur. Ce dernier — l’Empire — ressemble d’ailleurs aux structures de pouvoir des sociétés occidentales en tant que celles-ci sont perçues comme soumises à un système économique et policier qui a perdu tout sens des valeurs et a oublié que la véritable force n’est pas physique, mais spirituelle. Le Guide du scénariste[29], publié par Christopher Vogler, va dans le même sens et popularise encore plus les idées de Campbell, les imposant de la sorte durablement au sein d’Hollywood qui y voit la principale recette des blockbusters[30].
Ainsi, s’ils ne trouvent aucune place dans les sociétés mercantiles de l’Occident, les radicalisés adhèrent totalement à leurs productions et vivent à même les grands écrans des multiplex un drame qui reflète ce qu’ils croient être leur propre mutation intérieure. Au départ, le radicalisé est un individu à la fois humilié et victimisé, il entreprend alors une sorte de reprise en main qui l’amène à faire un pas vers une nouvelle communauté qui est elle-même une communauté en devenir en tant qu’elle est le plus souvent comprise au début comme un groupe agressé. Au-delà de la dimension socio-économique, il ne faut pas mettre de côté la perspective psychologique que met bien en avant le psychanalyste Fethi Benslama dans Un furieux désir de sacrifice, le surmusulman[31]. La ruse des recruteurs est d’arriver à amener leur interlocuteur au sentiment d’achever un processus de renaissance : le fameux thème du Born again[32]. C’est au sein d’un tel devenir que l’internet djihadiste joue son rôle à plein régime : l’individu isolé pourra, grâce à la toile, activer cette mutation identitaire et s’installer au sein d’une communauté. Il surmonte alors sa stigmatisation en étant doté d’une nouvelle identité qui se traduit concrètement par un changement de nom[33]. Il reste, certes, un ennemi de la société dans laquelle il a grandi, mais désormais il devient en même temps un héros de l’islam qu’il a fantasmé. Le réel et la fiction ne cessent de s’entrecroiser jusqu’à devenir parfaitement indistincts[34]. Le cas de Mohamed Merah est exemplaire d’un tel cheminement. Le jeune homme construit sa dimension héroïque à partir d’un fantasme cinématographique[35] et la concrétise par la suite à travers la saisie médiatique de ses actions. L’image fictive et fantasmée finit donc bien par déborder sur le réel et à l’habiter, emportant avec elle des attitudes voire des scénarios complets. La captation des actes terroristes ne sert pas uniquement une quelconque revendication, mais s’ancre dans l’imaginaire qui a rendu possible aux yeux de ceux qui vont les commettre de telles actions. Il n’est donc pas anodin que Mohamed Merah porte autour du cou une caméra pour filmer ses actes, que l’assassinat du prêtre à Saint-Étienne-du-Rouvray (juillet 2016) soit filmé ou, plus récemment, que l’attentat de Christchurch (mars 2019) en Australie soit retransmis en direct sur les réseaux sociaux. Une action qui n’est pas médiatisée est une action qui perd toute valeur symbolique et qui ne possède plus aucun intérêt pour son auteur. C’est ce que souligne sans détour Brian Jenkins : le terroriste « ne veut pas que beaucoup de gens meurent, mais que beaucoup de gens regardent[36] ». La dimension spectaculaire est donc avant tout une dimension fondatrice.
Vers une nouvelle grammaire visuelle de la terreur : le 11 septembre
Ce rôle déterminant de la médiatisation, aussi bien dans le processus d’appropriation identitaire que dans l’action même de l’attentat, s’origine au sein d’un événement majeur, lui-même médiatique, qui ne peut devenir que la matrice de tous les autres : l’attentat contre le World Trade Center le 11 septembre 2001.
Comme a pu nous le montrer la multiplication des lectures autour d’Avatar, cet imaginaire mondialisé est aussi possible, car des situations réelles ont pris elles aussi une dimension quasi universelle[37]. Les attaques concertées du 11 septembre constituent cette tragédie totale qui déborde du réel au point de contaminer la fiction. Il devient pour l’esprit de l’Occident comme pour ceux et celles qui le contestent, un point de repère, voire un nouveau point de départ. Or, l’analyse de sa structure permet de voir à quel point, au-delà des effets géopolitiques d’une telle action, il est un événement conçu comme un pur spectacle.
Tout d’abord, il est difficile de ne pas appréhender la séquence que constituent les différents attentats qui ont eu lieu ce jour-là sous la forme d’une véritable narration. Cette attaque est en grande partie spectaculaire, car elle a su suivre la logique du spectacle, ménageant les temps morts et multipliant les péripéties. Ces dernières se succèdent en effet presque toutes les trente minutes, le temps d’une séquence cinématographique d’à peu près 90 minutes. À 8 h 46 la première tour est en flammes, frappée de plein fouet par un Boeing 767 ; 18 minutes plus tard, un second avion vient s’écraser sur la tour sud. C’est cet épisode-là qui entame véritablement la dramaturgie, tout en confirmant l’hypothèse terroriste. 30 minutes après, c’est le Pentagone qui est touché. À 10 h 5 la première tour s’effondre ; les spectateurs apprennent presque en même temps qu’un autre avion visant la Maison Blanche s’est écrasé en Pennsylvanie. Enfin, à 10 h 28, soit une heure trente après le début des attentats, il ne reste plus rien de ces tours qui ont pu symboliser la puissance économique américaine.
Le premier élément qui rend spécifique et spectaculaire une telle action, c’est la transformation même de la nature de l’action terroriste. L’attentat n’est plus figé en une image, comme cela avait pu être le cas avec l’attentat à la voiture piégée de l’ambassade d’Irak à Beyrouth le 15 décembre 1981, il prend désormais une dimension cinétique et s’installe comme un événement qui se décompose en différentes péripéties. L’événement ne s’aperçoit pas seulement, il se raconte.
Ainsi, par sa structure même, cet attentat réinterroge la ligne de partage entre la réalité et la fiction. Une grande partie du malaise, mais aussi de la fascination entourant ce drame est liée au sentiment de déjà-vu que les analystes n’ont pas manqué de souligner en renvoyant ces images à celles des films catastrophes. Slavoj Žižek démontre, dans Bienvenue dans le désert du réel[38], que tout cela prend place au sein d’un « arrière-plan fantasmatique » qui nous amène avec effroi à constater l’irruption de la fiction au sein du réel. Cette contagion fictionnelle est parfaitement soulignée par un court métrage saisissant de Michal Kosakowski : Just Like the Movies (2006). Composé exclusivement de scènes de films commerciaux, ce film (au titre évocateur) restitue complètement l’attentat du World Trade Center. Dick Tomasovic dans « Les images catastrophes du cinéma américain avant et après le 11 septembre 2001[39] » montre comment une telle idée donne bien corps au sentiment de déjà-vu éprouvé face à un événement pourtant totalement inédit du point de vue du réel. Michal Kosakowski interroge aussi l’homogénéité fantastique des blockbusters qui deviennent parfaitement interchangeables et remontables à souhait[40]. Ils sont tous constitués sur un même plan qui peut se bouturer à l’infini pour donner corps à toute une série d’épisodes, même s’ils n’ont pas encore été explicitement tournés. On trouve ici encore une preuve de la plasticité d’un tel imaginaire et on saisit alors pourquoi le cinéma peut donner l’impression d’avoir une emprise sur le réel. Nous sommes comme façonnés en amont par des codes de représentation ancrés dans une mémoire cinématographique qui n’est constituée la plupart du temps que par les images des blockbusters[41].
Pourtant, avec le recul, deux éléments semblent éloigner les images du 11 septembre du standard classique de la représentation cinématographique commerciale : l’absence de son et la disparition des corps. Ces carences fondamentales vont conférer en réalité un puissant effet de réel et permettre la répétition — et le remontage — de ces images qui deviendront alors, au sens propre comme au sens figuré, des clichés. C’est ici le court-métrage d’Alejandro González Iñárritu 11’09″01 – September 11 (2002) qui permet de parfaitement saisir cela devant la puissance émotive de la réversibilité du processus. S’opposant méthodiquement à ce que nous livrent les images traditionnelles du 11 septembre, Iñárritu cherche à retrouver l’émotion pure suscitée par cette catastrophe en s’appuyant presque exclusivement sur le son. C’est donc face à un écran noir que se retrouve le spectateur, forcé par là d’entendre cet événement (journalistes, explosions, derniers appels téléphoniques des victimes…), ce black-out est cependant interrompu par moments par l’apparition de corps tombant en chute libre des tours jumelles. Cette interrogation en miroir par rapport aux images du drame fait donc apparaître négativement leur statut d’icônes[42] montrant de ce fait qu’elles ne peuvent pas être lues comme des faits bruts ou comme un morceau de réel capté par la vidéo, mais en tant que nouvelle matrice de tout un imaginaire qui va se construire à partir d’elles et produire des effets opposés selon la façon dont on les aborde. En laissant voir les images que la version canonique des médias a volontairement censurées, le court-métrage met en avant le caractère artificiel de ce bouleversement médiatique et nous amène à faire retour sur la réalité même en interrogeant plus nos affects que ce qui a été donné à voir. Il dévoile alors à quel point ces images ont été comme forcées pour entrer dans un processus de narration censé donner un sens à ce qui nous avait, au moment même du direct, abasourdis.
Une matrice symbolique et politique
En pointant l’interpénétration entre le « 11 septembre » et l’imaginaire cinématographique des blockbusters — une liaison si puissante qu’elle a pu être la source devant certaines images d’une réelle hésitation — l’idée est de montrer que le problème n’est plus de penser les deux selon un principe d’engendrement qui suivrait une causalité bien établie, ou, au contraire, de penser après coup le cinéma comme une forme d’exorcisme de la violence, mais de se rendre compte qu’il y a bien une forme de fusion entre les deux qui rend désormais impossible de déterminer une cause première. Or il se trouve que c’est peut-être avec l’avènement du 11 septembre que le brouillage devient maximal. L’événement réel vient se bouturer avec l’imaginaire fictionnel pour créer une forme de continuum dont la compréhension ne peut plus être objective, mais est avant tout symbolique, voire à certains moments mythologique. En effet, la lecture des événements présents — notre situation contemporaine où le danger terroriste est devenu une des menaces majeures — montre que cet épisode fonctionne comme une forme d’origine.
Les images du 11 septembre deviennent alors à la fois polarisantes et séminales. Elles sont polarisantes, car, dans un monde qui a perdu la tension inhérente à ses grands repères idéologiques (communisme versus le « monde libre »), l’événement qu’elles représentent va réussir à recréer à l’intérieur de l’unité fantasmée de la mondialisation des pôles de tension. Même si la première réaction a pu être de percevoir dans un tel désastre une attaque extérieure justifiant ainsi les différentes ripostes militaires, en fait celui-ci a contribué en réalité à réactiver une figure singulière du mal : l’ennemi de l’intérieur[43]. Reprenant la fonction classique du traître, ce nouveau « personnage » est un excellent facteur de suspens que reprennent très vite à leur compte les fictions audiovisuelles comme le montre Olivia Brender dans « Fiction et événement : le 11 septembre dans les séries télévisées américaines, 2001-2003[44] ». Elle ne dénombre pas moins de trois séries qui mettent en avant dès 2002 cette menace[45]. Mais surtout un tel ennemi explique en partie la peur démesurée que ressent le public face à ce type de menace. Farhad Khosrokhavar montre comment les terroristes islamistes « de l’intérieur » paraissent encore plus inquiétants en tant qu’ils « incarnent non seulement une menace, mais aussi une trahison vis-à-vis de l’identité européenne[46] ». Cette trahison s’explique par le fait que la scission n’est plus vraiment géographique avec des blocs bien identifiés, elle se fait de l’intérieur. L’ennemi est moins radicalement l’autre que le faux semblable. Cette polarisation va alors s’exprimer dans les lectures différentes qui vont être faites de ces images. Sous l’angle de notre monde libéral, elles sont perçues comme une catastrophe et annoncent le renouveau d’une menace crédible. Ces images signent la fin d’une période de sécurité amorcée en 1989 par la chute du mur de Berlin. On peut même aller plus loin et affirmer que la charge symbolique de cette dramaturgie n’a comme équivalent récent que Pearl Harbor. En effet, cette attaque (elle aussi suicide) peut également être perçue comme un événement mondialisé, puisque c’est à sa suite que les États-Unis entrent en guerre, donnant alors une vraie dimension mondiale au conflit.
Mais il y a aussi toute une dimension séminale du 11 septembre qu’il ne faut pas négliger si l’on cherche à bien comprendre ce qui se joue au présent. Cet attentat constitue une sorte de « scène primitive » pour l’Occident en général comme pour ceux qui plus tard deviendront ou s’incarneront dans les « terroristes ». Plus radicalement, nous pouvons faire l’hypothèse que les terroristes qui frappent actuellement ont été engendrés par ce drame. Ce dernier a pu fonctionner en effet à la façon d’une « inception » révélant que l’hégémonie absolue d’un pouvoir mondialisé et libéral est en réalité un géant aux pieds d’argile qui peut s’effondrer comme ces deux tours qui en étaient le symbole.
On le comprend, les images du 11 septembre fonctionnent comme un fantasme. Il n’y a pas de réalité objective à capter derrière elles, car elles sont toujours déjà lues à travers notre appartenance. Il est probable que, tel qu’expliqué plus haut, ce soit dans la communauté fictive que se construisent les terroristes — cette néo-Oumma qu’ils croient édifier par leur croisade — et que cet épisode soit alors une forme de point zéro. Il est ce qui rend possible tout espoir de la même façon que, dans l’univers de Star Wars, la destruction de l’étoile de la mort constituait elle aussi, comme le suggère le titre du film, « un nouvel espoir ». Cet événement n’est plus perçu alors comme événement, mais comme point de départ de cette nouvelle « réalité » que les terroristes tentent de faire advenir. Celle-ci n’est plus à penser par rapport à un référent objectif qui serait le monde réel, mais plutôt comme une « représentation personnelle » de ce monde qui n’est qu’une base de départ fantasmatique où est seulement perçu ce qui confirme ou infirme violemment leur vision des choses. Si tout le monde adopte vis-à-vis du réel une représentation personnelle[47], il reste que dans ce cas précis le rôle de la fiction devient central, car cette représentation fantasmée rejoint la structure des fictions mises à disposition dans ce que l’on peut appeler un peu vaguement le domaine de la pop culture. De la radicalisation à travers le phénomène du « Born Again » jusqu’au mode opératoire des attaques, la perméabilité est totale avec les représentations générées par la culture populaire. Le futur terroriste prend possession d’un rôle comme on s’identifie à un héros de cinéma. Tout le problème — on le devine — émerge de la confrontation de cet imaginaire avec la complexité du réel qui ne peut mener qu’à une forme de décompensation. Ce mouvement régressif conduit alors inévitablement à un niveau de violence complètement inédit dans le monde réel, mais courant dans les fictions.
Conclusion : une explosion esthétique
Si la guerre, et de façon générale la violence, ont toujours entretenu avec les différents arts une affinité profonde et cathartique, il semblerait que, dans le cas du terrorisme, la liaison soit moins univoque et que l’on assiste à un croisement surprenant entre le réel et l’imaginaire qui ne manque pas de donner lieu à d’étonnantes logiques d’engendrements aussi bien du côté de l’action que de la création. Cette hybridation est tellement importante que, dans un tel contexte, la connaissance de la culture populaire devient tout aussi significative que celle d’un islam fantasmé si l’on cherche à comprendre les motivations profondes qui président à de tels comportements.
La référence aux différentes fictions populaires est décisive, car elle semble se situer en amont et accompagne tout le processus de radicalisation en l’incarnant dans une figure héroïque, alors que le rapport à l’islam, lui, est secondaire et fait souvent office de prétexte[48], c’est-à-dire endosse le rôle de ce que nous avons appelé d’après Hitchcock un MacGuffin. Cette situation s’explique en grande partie par la domination, chez les candidats européens au djihad, d’une culture purement audiovisuelle et non textuelle, alors même que cette dernière devrait pourtant constituer la condition d’un rapport authentique au religieux. Le processus de radicalisation se fait à travers des vidéos sur le net et absolument pas dans un rapport direct aux livres sacrés[49]. L’image est donc bien le point de départ de la conversion et constitue aussi dans les cas les plus funestes ce qu’il en restera à la fin si le projet terroriste aboutit. La spécificité de la forme terroriste dite djihadiste est donc liée à ce rapport — consubstantiel — aux médias. Il suffit de se tourner vers les anarchistes du XIXe ou les actions menées par des groupes pro-life pour se rendre compte que c’est tout autre chose qui est engagé à travers leurs actions. Il y a bien une nouvelle dimension symbolique qui est en jeu dans cette forme de terrorisme et celle-ci paraît fructifier avant tout sur un univers fictionnel que les futurs djihadistes se constituent à partir de ce qu’ils connaissent pour finir par l’amalgamer avec une vague représentation liée à l’Islam.
En prenant ce rapport au phénomène médiatique comme point de départ et d’arrivée du parcours de ces nouveaux terroristes, il devient un peu plus évident encore que, comme le souligne Laurent de Sutter, « [le] kamikaze est un être esthétique[50] ». C’est au sein de l’économie des apparences que son action prend principalement sens. Un tel acte ne vise pas tant la destruction que la captation totale de l’événement. L’attentat en lui-même n’est donc pas la fin, mais bien simplement un moyen pour tenter de ramener vers soi, en le captivant, l’œil des médias. La dissémination (de l’explosion, mais aussi de l’acte même par l’adhésion qu’il peut susciter chez ses partisans) et la fascination que recherche cet acte le rapprochent encore une fois du blockbuster qui apparaît, suivant notre analyse, comme se situant à la fois au début du processus de radicalisation, en entretenant l’imaginaire du futur héros djihadiste, mais aussi à la fin à travers une certaine communauté des buts recherchés. Il est donc crucial de penser ce danger en le replaçant sans cesse dans la perspective symbolique qu’il recherche. Ainsi, nous aurons certainement une chance de mieux le connaître, mais aussi peut-être de l’affaiblir en ne voulant pas le contrer uniquement sur un plan physique par la riposte violente, mais en le combattant sur un plan plus médiatique en l’incriminant au sein même de la fiction. Il y a fort à parier qu’une présentation sous l’angle de la frustration et de l’impuissance affaiblisse considérablement la figure du terroriste et donc en même temps la possibilité d’une adhésion à un tel modèle et rende ainsi plus difficile l’attraction des candidats les plus jeunes. À une époque où l’idéologie est devenue finalement bien secondaire, il devient plus que jamais nécessaire d’investir sur l’imaginaire et ses productions.
Bibliographie
Badiou, Alain, Notre mal vient de plus loin, Paris, Fayard (Ouvertures), 2016.
Benslama, Fethi, Un furieux désir de sacrifice, le surmusulman, Paris, Le Seuil (Débats), 2016.
Brender, Olivia, « Fiction et événement : le 11 septembre dans les séries télévisées américaines, 2001-2003 » in Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, (N° 26), 2007/2.
Campbell, Joseph, Le Héros aux mille et un visages, Paris, J’ai lu, 2013.
de Baecque, Antoine, « James Cameron et la catastrophe des temps », Le Débat (n° 165), 2011/3.
Dayan, Daniel [dir.], La Terreur spectacle, Louvain-la-Neuve, De Boeck, 2006.
De Sutter, Laurent, Théorie du kamikaze, Paris, PUF, 2016.
Huyghe François-Bernard, Le Terrorisme : violence et propagande, Paris, Gallimard (« Découvertes histoire »), 2011.
Jenkins, Brian, “International Terrorism A New Kind of Warfare”, Santa Monica, Rand Corporation, 1974.
Khosrokhavar, Farhad, Radicalisation, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2014.
Le Corff, Isabelle, Nedjma Moussai, Martin Barnier [dir.], Penser les émotions, Paris, L’Harmattan, 2016.
L’Heuillet, Hélène, Aux sources du terrorisme, Paris, Fayard, 2009.
Memeteau, Richard, Pop Culture, Paris, La Découverte, Poches essais, 2019.
Monod, Guillaume, En prison, paroles de djihadistes, Paris, Gallimard, Témoins, 2018.
Odello, Laura, Blockbuster, Philosophie & cinéma, Paris, Les Prairies ordinaires, 2013.
Raflik, Jenny, Terrorisme et mondialisation, Paris, Gallimard (Bibliothèque des sciences humaines), 2016.
Tomasovic, Dick, « Les images catastrophes du cinéma américain avant et après le 11 septembre 2001 » in Join-Lambert, A ; Goriely, S ; Fevry S, L’imaginaire de l’Apocalypse au cinéma, Paris, L’Harmattan, 2012.
Vogler, Christopher, Le Guide du scénariste, Paris, Dixit, 2013.
Žižek, Slavoj, Bienvenue dans le désert du réel, Paris, Flammarion, Champs Essais, 2009.
Notes
[1] Jean Baudrillard, « L’esprit du terrorisme », Le Monde (3 novembre 2001), [en ligne]. https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2007/03/06/l-esprit-du-terrorisme-par-jean-baudrillard_879920_3382.html [Site consulté le 27 juin 2019].
[2] Ainsi dès 1994 le film Tueurs nés d’Oliver Stone se retrouve sur le banc des accusés. L’écrivain John Grisham n’hésite pas, par exemple, à demander que le réalisateur soit « tenu pour responsable des conséquences criminelles de son film ». On peut se reporter sur cette question à l’article d’Antoine de Baecque « Tueurs nés » attaqué en justice » paru dans Libération le 5 juin 2002 [en ligne]. https://www.liberation.fr/societe/2002/06/05/tueurs-nes-attaque-en-justice_405822 [Site consulté le 27 juin 2019].
[3] Pour une généalogie stricte de la notion on peut se reporter à Jenny Raflik, Terrorisme et mondialisation, Paris, Gallimard, 2016, p. 11-41 et à la synthèse rapide qu’en propose François-Bernard Huyghe dans le chapitre un de Le Terrorisme : violence et propagande, Paris, Gallimard, « Découvertes histoire », 2011.
[4] Laura Odello, « Exploser les images, saboter l’écran », dans Laura Odello [dir.], Blockbuster, Philosophie & cinéma, Paris, Les Prairies ordinaires, 2013, p. 8.
[5] Ibid.
[6] Laura Odello, « Exploser les images, saboter l’écran », dans Laura Odello [dir.], Blockbuster, Philosophie & cinéma, Paris, Les Prairies ordinaires, 2013.
[7] Ibid., p. 9.
[8] Nous nous rapportons le plus souvent pour ces analyses d’ordres sociologique et géopolitique à l’ouvrage de Farhad Khosrokhavar, Radicalisation paru à la « Maison des Sciences de l’Homme » (coll. « Interventions ») en 2014. Cf. ici p. 29.
[9] Situé sur une planète en proie à de fortes tensions liées à l’exploitation d’un minerai capable de résoudre la crise énergétique sur Terre, le film raconte l’histoire d’un militaire qui s’infiltre chez un peuple autochtone, les Na’vis, en prenant possession du corps de l’un d’entre eux. Il découvre alors — à travers leurs yeux — toute l’ampleur de l’oppression du système qu’il a servi jusqu’ici.
[10] Cf. Nahla Chahal, « Avatar symbolise la situation des Palestiniens et des Irakiens » paru dans Courrier international le 11 octobre 2010 [en ligne]. https://www.courrierinternational.com/article/2010/03/05/avatar-symbolise-la-situation-des-palestiniens-et-des-irakiens [Site consulté le 27 juin 2019].
[11] Cf. Thomas Sentinel, « Avatar : Sur Pandora, tout est extraordinaire, sauf les histoires », Le Monde (15/12/2009) [en ligne]. https://www.lemonde.fr/cinema/article/2009/12/15/avatar-sur-pandora-tout-est-extraordinaire-sauf-les-histoires_1280904_3476.html [Site consulté le 27 juin 2019].
[12] Antoine de Baecque, « James Cameron et la catastrophe des temps », Le Débat (n° 165), 2011/3, p. 196-205.
[13] Farhad Khosrokhavar, op. cit., p. 8.
[14] Ibid., p. 10 : « La radicalisation est un phénomène minoritaire, voire ultra-minoritaire, dans les sociétés occidentales et même islamiques. »
[15] Ibid., p. 30-32.
[16] Ibid., p. 16.
[17] Hitchcock utilise ce terme pour désigner ce qui semble être l’élément moteur de l’histoire, mais dont finalement on ne se soucie pas en dehors du fait qu’il ait lancé l’action. Ainsi, dans Psychose (Hitchcock, 1960), il s’agit de la somme d’argent volée au début du film.
[18] Farhad Khosrokhavar, op. cit., p. 27.
[19] Ibid., p. 26-32.
[20] Il y a eu, par exemple, un fort écart de réception entre l’attentat commis en juillet 2011 par Anders Behring Breivik sur l’île d’Utøya en Norvège qui a fait 77 morts et celui de Mohamed Merah qui en France a amené à déplorer 7 victimes. Pour les données chiffrées, Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Attentats_d%27Oslo_et_d%27Utøya & https://fr.wikipedia.org/wiki/Mohammed_Merah [Sites consultés le 26 septembre 2019].
[21] Farhad Khosrokhavar, op. cit., p. 21-22.
[22] On peut se reporter sur cette question à l’ensemble du travail de Farhad Khosrokhavar, mais aussi aux entretiens que mène, d’un point de vue plus psychologique, le psychanalyste Fethi Benslama dont le livre Un furieux désir de sacrifice constitue une synthèse complète. De manière plus générale sur cette question des prisonniers ou repentis, il peut être utile de se reporter au rapport du député Sébastien Pietrasanta auprès du ministre de l’intérieur accessible à cette adresse : https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/154000455.pdf [Site consulté le 03 septembre 2019].
[23] Farhad Khosrokhavar, op. cit., p. 91.
[24] Joseph Campbell, Puissance du mythe, Escalquens, Oxus, 2009, p. 167.
[25] Richard Mémeteau, Pop culture, Paris, Zones, 2014, p. 91.
[26] Joseph Campbell, Le Héros aux mille et un visages, Paris, J’ai lu, 2013.
[27] Ibid., p. 93.
[28] L’emprunt de Georges Lucas à Campbell est tout à fait conscient et est affirmé par lui-même dans le documentaire de Pamela Mason Wagner, The Mythology of Star Wars (2000). Ils se rencontreront d’ailleurs en 1983.
[29] Christopher Vogler, Le guide du scénariste : Concevoir des histoires universelles qui toucheront tous les publics, Paris, Dixit, 2013.
[30] Ibid., p. 5. On peut aussi se reporter au mémo qu’il rédige en 1985 au profit de grands studios comme Disney : https://livingspirit.typepad.com/files/chris-vogler-memo-1.pdf [Site consulté le 03 septembre 2019].
[31] Fethi Benslama, Un furieux désir de sacrifice, le surmusulman, Paris, Le Seuil (Débats), 2016.
[32] Ibid., p. 52
[33] Ainsi par exemple Bilal Hadfi, un des jeunes kamikazes du stade de France lors des attentats de 2015, se fait appeler « Billy du Hood ».
[34] Ibid., p. 55-56.
[35] Mohamed Merah était fasciné par le film de George Tillman Jr Faster (2010) selon son frère Abdelghani Merah. Cf. Farhad Khosrokhavar, op. cit., p. 108.
[36] Brian Jenkins, “International Terrorism A New Kind of Warfare”, Santa Monica, Rand Corporation, 1974, p. 89.
[37] Plusieurs articles interrogent la façon dont cet événement a pu se disséminer au sein de différents imaginaires : Jean Baudrillard dans « L’Esprit du terrorisme » (Le Monde, 3 novembre 2001) évoque un « événement symbolique d’envergure mondiale » ; Cf. aussi Charles Tesson, « Retour à l’envoyeur », in Cahiers du Cinéma, n° 561, octobre 2001 ; Jean-Michel Frodon, « À Manhattan, la puissance abstraite des images », in Le Monde, 13 octobre 2001 ; Jean-Marc Vernier « L’ »image-absolue » du 11 septembre 2001 : une image télévisuelle pas comme les autres » in Quaderni, n° 48, Automne 2002, pp. 53-61.
[38] Slavoj Žižek, Bienvenue dans le désert du réel, Paris, Flammarion (Champs Essais), 2009.
[39] Dick Tomasovic, « Les images catastrophes du cinéma américain avant et après le 11 septembre 2001 », dans Sébastien Févry et Serge Goriely [dir.], L’imaginaire de l’apocalypse au cinéma, Paris, L’Harmattan (Structures et pouvoirs des imaginaires), 2012.
[40] Vincent Souladié dans le « Le 11 septembre 2001 dans le cinéma expérimental, l’émotion non domestiquée » souligne bien comment dans ce film « le montage se réapproprie l’analogie entre réalité et cinéma à grand spectacle en substituant aux images télévisées de pseudo-équivalents fictionnels ». Cf. Isabelle Le Corff, Nedjma Moussai, Martin Barnier [dir.], Penser les émotions, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 274-278.
[41] Ibid., « [dans ce film] le montage se réapproprie l’analogie entre réalité et cinéma à grand spectacle en substituant aux images télévisées de pseudo-équivalents fictionnels. »
[42] Ces images n’atteignent pas toutes un statut iconique comme nous le démontrent bien les clichés du Pentagone ou de l’avion écrasé visant la Maison Blanche.
[43] Cette figure s’incarne parfaitement dans la médiatisation de l’affaire Colleen Larose surnommée « Jihad Jane ». Cette citoyenne américaine, convertie à l’islam, a participé à une tentative d’assassinat contre un caricaturiste suédois en 2008. Pour une analyse complète de la notion et de ses implications d’un point de vue historique : Mathieu Rigouste, L’ennemi intérieur, Paris, La Découverte (Poches essais), 2011.
[44] Olivia Brender, « Fiction et événement : le 11 septembre dans les séries télévisées américaines, 2001-2003 », Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, N° 26, 2007/2.
[45] Elle évoque 24 heures chrono (24), New-York Section criminelle (Law & Order Criminal Intent) avec l’épisode « The Pilgrim » et New-York District (Law & Order) et tout particulièrement l’épisode « American Jihad ».
[46] Farhad Khosrokhavar, op. cit., p. 13.
[47] Serge Tisseron, « Réalité ou fiction : comment faisons-nous la différence ? » in D. Dayan [dir.], La Terreur spectacle, De Boeck, 2006, p. 49
[48] Guillaume Monod, « Les candidats au djihad sont loin de la religion », Le Monde (19 juillet 2016) : « La quasi-totalité des mineurs et jeunes majeurs que je rencontre en détention ont une méconnaissance complète de l’islam, et, s’ils ont choisi de faire le djihad, c’est parce que leur adhésion n’est pas d’ordre théologique ou politique, mais mythologique. (…) Ils ne connaissent de l’islam que les produits dérivés et frelatés diffusés par les vidéos de propagande, et sont fascinés par Mahomet et les salaf salih comme un jeune chrétien idolâtrant les chevaliers de la Table ronde et leur quête du Graal. » https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/07/19/djihad-l-adhesion-n-est-pas-d-ordre-theologique-ou-politique-mais-mythologique_4971532_3232.html [Site consulté le 30 juin 2019], Cf. aussi Guillaume Monod, En prison, paroles de djihadistes, Paris, Gallimard, Témoins, 2018. Sur cette notion de prétexte on peut se reporter avec profit à : Farhad Khosrokhavar, op. cit., p. 89-91, p. 119-128 et Fethi Benslama, op. cit., p. 51-53.
[49] Sur ce point que l’on retrouve dans de nombreux récits de personnes en voie de déradicalisaton, on peut aussi se reporter à l’analyse du procès de la filière djihadiste de Strasbourg faite par Ariane Jossin dans « Juger d’anciens djihadistes », La Vie des idées, 18 juillet 2016. https://laviedesidees.fr/Juger-d-anciens-djihadistes.html [Site consulté le 30 juin 2019].
[50] Laurent de Sutter, Théorie du kamikaze, Paris, PUF, 2016, §4.