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Livrer, se livrer

 

Appel 15

©Thomas Arteau, 2022

Pour son quinzième numéro, la revue d’études littéraires Chameaux propose un titre évoquant une thématique à la fois profondément actuelle, intemporelle et universelle : Livrer, se livrer. La pandémie de la COVID nous a fait repenser notre rapport au monde, à autrui. Prisonniers entre des murs au cœur du confinement, ce sont parfois les livreurs, facteurs, coursiers qui ont fait le pont entre l’extérieur et notre cocon, faisant revivre un lien avec l’extérieur alors brisé. Livrer un objet, c’est faire passer quelque chose de soi à l’autre ; c’est, d’une certaine manière, se livrer. Outre ces considérations sociales et matérielles, un domaine nous a permis de rester connectés à la vie : la culture. Les artistes ont assuré le passage, par leurs œuvres et leurs enseignements, entre eux-mêmes et nous. Nous avons voulu jouer avec les mots : livrer autant un objet qu’une part de soi-même, que ce soit par la course ou par le passage d’un savoir, d’un ouvrage. Livrer, se livrer, c’est se faire passeur. Le présent numéro se propose d’interroger cette notion de passage, d’un être à un autre, en s’intéressant à des axes très divers et en prônant, comme à chacun des numéros composant cette revue, l’interdisciplinarité.

Nous l’avons écrit, au cœur de la catastrophe pandémique qui a déréglé le temps et la vie, les livreurs, postiers, facteurs assuraient le passage des objets, le lien entre soi et le monde. Plusieurs œuvres de cette dernière décennie ont mis en scène ces livreurs comme les derniers passeurs d’une humanité déclinante. Dans The Whispering Star, le réalisateur japonais Sono Sion dépeint un futur post-apocalyptique dans lequel l’humanité se serait condamnée à cause du nucléaire. De planète en planète, une androïde livre des colis aux derniers humains ; des souvenirs, des objets les rappelant à leur condition, à leur mémoire. La livreuse est la passeuse d’une civilisation révolue, grande archiviste de l’humanité entre les cartons qui jalonnent l’intérieur de son vaisseau. Pour sauver les liens qui unissent les hommes entre eux, le personnage principal du jeu vidéo Death Stranding, et donc, le joueur, livre également des objets à travers une Amérique détruite. Il est intéressant de constater l’importance du livreur et de l’objet livré au cœur de l’adversité, du chaos. Nous pourrions tout à fait ici dresser un lien avec la circulation des lettres durant les grandes guerres du siècle dernier, notamment. Pensons aux lettres des poilus, qui forment un corpus aussi riche littérairement qu’historiquement, et qui nous montrent à quel point le passage de l’expérience, mais aussi de l’objet, était primordial, même (surtout ?) sur le front.

Nous traitons ici d’un passage matériel : livrer un objet, une lettre, un colis à un autre individu. Dans la diégèse des œuvres, le fait de livrer matériellement quelque chose pourra modifier le destin d’un personnage, dicter les futurs enjeux de sa quête. Prenons l’exemple du roman médiéval de Robert le Diable, dans lequel Dieu, pour dicter les règles de sa repentance à Robert, lui fait passer par miracle une lettre dans laquelle se trouvent les pénitences qu’il va devoir honorer afin d’obtenir le salut de son âme. Ici, la lettre a comme but de faire avancer l’intrigue, de guider la destinée du personnage. Pensons aussi à Harry Potter : n’est-ce pas une lettre qui va sceller son destin en l’invitant à rejoindre Poudlard, la prestigieuse école de magie ? Ainsi, la lettre et le fait de livrer l’objet deviennent un procédé narratif intradiégétique en littérature.

Le passage peut aussi être d’ordre immatériel. De fait, la littérature intime permet de faire part de certaines passions, de souvenirs et de pensées profondes qui revêtent une importance singulière. Montaigne, dans ses Essais, dit se montrer « sans étude et artifice[1] » et ainsi se livrer véritablement à son lecteur. Les Confessions de Rousseau ne sont pas étrangères à ce mode de transmission du soi, qu’on retrouve aussi notamment dans le genre poétique. Il y a là encore un jeu, résidant dans la possibilité de créer une persona, masque que l’auteur peut former pour se livrer à demi, pour donner l’impression de se livrer ou bien pour développer une complicité avec le lecteur (procédé que l’on retrouve entre autres chez Sappho et Properce).

Dans les œuvres de fiction, certains personnages peuvent jouer le rôle du transmetteur. Parmi tous les types de « passeurs » étudiés par la critique, mentionnons seulement le vanishing mediator, qui ne sert que d’intermédiaire, de livreur, si bien qu’il disparaît. Les médiateurs peuvent passer divers types de savoirs ; ainsi en est-il dans la Divine Comédie de Dante, où Virgile, Béatrice et saint Bernard de Clairvaux accompagnent le protagoniste dans sa quête. Le concept semble donc très bien s’accorder avec de nombreux schémas narratifs.

La livraison immatérielle est aussi le thème de nombreuses œuvres qui abordent des enjeux liés à l’éducation, à la mémoire et à la tradition. Les récits de Fred Pellerin, par exemple, en passant des légendes, proposent une réflexion sur la manière par laquelle les légendes se créent, se transforment et se transmettent.

Notons qu’en plus de toucher le « fond » de l’œuvre, la forme d’un texte peut aussi être le sujet de nombreux passages. Les relais narratifs analysés par Genette forment l’un des procédés où un transfert de la parole advient. On retrouve cela notamment chez Platon qui, dans le Banquet, met en scène le discours de la savante Diotime, rapporté par Socrate, dont les propos ont eux-mêmes été rapportés par Aristodème, qui les a partagés à Apollodore qui, enfin, en fait part à ses amis. Un autre type de « livraison du récit » a lieu dans le roman Du bon usage des étoiles, qui présente des extraits de journaux de bord au même titre que des morceaux de narration plus omnisciente, ainsi que, entre autres, des instructions destinées à un personnage et un poème.

Comment ne pas voir en tous ces éléments une figure, une illustration du fait même de l’écriture qui, bien que certains auteurs disent en faire une activité purement personnelle, est de fait généralement destinée à un public, récepteur du colis qu’est le livre ? Les perceptions sur la destination du livre ont varié à travers le temps et selon les auteurs. Mentionnons, à titre d’exemples, Thucydide voyant en son œuvre « un trésor pour toujours[2] » et Sartre faisant état de l’auteur qui par le choix de son sujet « décide du lecteur[3] », qui peut parfois être un groupe très précis, situé historiquement. Cela offre une vaste carrière à qui souhaite examiner la manière dont les auteurs conçoivent leurs propres œuvres et comment ce qu’elles contiennent doit ou peut parvenir au lecteur. À l’inverse, les théories de la réception font état du procédé de dévoilement, de « concrétisation[4] » ou de création d’informations contenues (ou non) dans le texte au moyen de la lecture. À cela peut s’ajouter le point de vue du sociologue de la littérature qui, entre autres, examine comment s’opère le transfert d’une œuvre et comment les diverses structures et dynamiques sociales peuvent le favoriser, le freiner ou l’orienter.

Chameaux vous invite donc à explorer les différentes formes que peuvent revêtir ces diverses thématiques. Les propositions d’articles peuvent porter sur l’un ou plusieurs des thèmes évoqués précédemment. Voici une liste non exhaustive des sujets que Chameaux aimerait intégrer à son prochain numéro : 

  • Les livreurs et les livraisons matérielles en littérature et dans les autres arts
  • Les quêtes dites « Fedex » dans le jeu vidéo
  • L’usage de la lettre et de l’objet passé dans la narration
  • La littérature intime : quand l’auteur se livre à son lecteur
  • Le personnage de passeur, de transmetteur dans la fiction
  • La mémoire, la tradition, l’éducation
  • Le passage d’œuvres et de savoir dans un but éducatif
  • La narration
  • De la création à la réception : rapport entre l’artiste et son lecteur ou son public
  • Passage d’une langue à l’autre : livrer un texte par la traduction 

 

Informations pratiques

La revue Chameaux encourage les approches pluridisciplinaires et comparatives portant sur la littérature, la philosophie, le théâtre, le cinéma, l’histoire, l’histoire de l’art, la peinture, la sculpture, les jeux vidéo, la musique, la sociologie, l’anthropologie, les études médiatiques, les sciences politiques, etc., à la condition que la proposition ait au moins une composante liée aux principaux domaines abordés par la revue (littérature, théâtre et cinéma).

Nous vous demandons de bien vouloir consulter notre Protocole éditorial se trouvant dans la section Publication de notre site internet, afin de vous assurer que votre article respecte les normes de rédaction de la revue : tout article ne respectant pas ces critères pourra se voir renvoyé à l’auteur avant la lecture ou refusé.

Pour soumettre un article, veuillez nous faire parvenir votre texte entier à l’adresse chameaux@lit.ulaval.ca. Les textes doivent compter entre 5 000 et 10 000 mots environ, mais il est possible que votre article soit légèrement plus court ou plus long, si votre analyse le requiert. Merci de joindre une courte biobibliographie qui contiendra votre université d’attache, votre niveau d’études ainsi que vos champs de recherche. Nous privilégions les contributions des jeunes chercheurs et chercheuses, du baccalauréat aux premières années postdoctorales.

La date limite pour l’envoi d’un article est le 5 janvier 2023. La publication du numéro se fera en avril 2023.

À ce propos, les jeunes chercheurs pour qui il s’agirait d’une des premières expériences d’écriture d’un article universitaire et qui seraient impressionnés par la démarche peuvent tout à fait nous contacter à l’adresse chameaux@lit.ulaval.ca afin de solliciter notre aide et de nous poser leurs questions.

Notez que tout article de qualité portant sur les disciplines susmentionnées et ayant un lien avec la littérature, le théâtre ou le cinéma, mais ne correspondant pas aux critères de cet appel de textes, peut également nous être transmis avant l’échéance, car il pourrait être publié dans la section Hors dossier du numéro.

Direction du numéro

Ambroise Bernier et Corentin Le Corre

Notes

[1] Michel Eyquem de Montaigne, « Au Lecteur », dans Les Essais, Paris, Librairie Générale Française (La Pochothèque), 2001 [1595], p. 53.

[2] I, 22. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, Paris, Robert Laffont (Bouquins), 1990, p. 184.

[3] Jean-Paul Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?, Paris, Gallimard (Folio Essais), 2008 [1948], p. 79.

[4] Wolfgang Iser, L’acte de lecture. Théorie de l’effet esthétique, Bruxelles, Mardaga (Philosophie et Langage), 1985 [1976], p. 48.

Appel de textes – numéro thématique : L’incertaine réalité : Rêves, illusions et hallucinations

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Pour son treizième numéro, la revue d’études littéraires Chameaux a décidé de se tourner vers les déformations de la réalité, celles qui sèment le flou l’espace d’une vision étrange, d’un songe troublant ou d’une image créée par la psyché. Les rêves, les illusions et les hallucinations altèrent ponctuellement notre perception du réel, nous font parfois côtoyer un ailleurs mettant en doute le monde qui nous entoure ou modifiant notre façon d’appréhender ce dernier. La plupart du temps, il s’agit de notre esprit qui nous joue des tours, nos sens, mais également, parfois, nos propres désirs. Le présent numéro se propose d’explorer ces thématiques et les motifs leur étant liés au fil des différentes expressions littéraires et artistiques, dans une visée interdisciplinaire.

C’est probablement la littérature fantastique du XIXe siècle qui est la plus caractérisée par l’incertitude quant à la réalité. Le nom du genre porte en lui l’idée d’illusion, le mot « fantastique » provenant du bas latin fantasticus, lui-même trouvant son étymologie dans le mot grec phantastikos, qui signifie « qui imagine des choses vaines, se crée des illusions[1]. » Les romans et les nouvelles fantastiques vont injecter dans un cadre réaliste des éléments propres à l’incroyable, l’extraordinaire, faisant douter de ce qui est surnaturel et naturel, comme l’a théorisé Tzvetan Todorov dans son essai Introduction à la littérature fantastique[2]. Ces éléments s’expriment le plus souvent par des événements étranges, des apparitions déstabilisantes, des cauchemars ou des hallucinations, parfois propres à la folie.

D’autres genres proches du fantastique, comme le roman gothique européen ou américain, ou encore son sous-genre, le southern gothic, donnant la part belle aux apparitions grotesques et à l’onirisme dans un cadre a priori réaliste, ainsi qu’une grande partie de la littérature horrifique, vont également brouiller les frontières entre réel et irréel. C’est notamment le cas de H.P. Lovecraft, ce dernier ayant, dans la majeure partie de ses œuvres, mêlé le monde terrestre à des territoires inconnus ou cosmiques, ces autres réalités s’exprimant chez les personnages par le biais de visions, d’hallucinations ou de rêves. Si les protagonistes doutent de leur propre expérience, c’est également le cas pour le lectorat, qui ne sait pas si ce qu’il a lu relève du délire ou d’un véritable danger venu d’ailleurs.

Dans ses récits, H.P. Lovecraft fait intervenir le songe comme catalyseur de nouvelles réalités, en le rendant souvent prémonitoire d’un danger apocalyptique, c’est par exemple le cas dans L’Appel de Cthulhu[3]. Cet entremêlement du réel et du rêve, passant par la prémonition ou la prophétie, ou tout simplement par le récit onirique, remonte au berceau de la littérature. Nous pouvons citer de nombreux textes antiques ayant usé du rêve pour le mettre en relation avec la réalité, comme Hécube[4], d’Euripide, dans lequel la reine fait un cauchemar annonçant le meurtre de ses enfants. Plus tard, la littérature médiévale va également faire intervenir les songes et les visions, par exemple dans la chanson de geste ou dans le roman arthurien. Citons, entre autres,  La Chanson de Roland[5], dans laquelle Charlemagne voit en rêve la traîtrise de Ganelon, ou encore La Mort le roi Artu[6], dans lequel Arthur rêve du spectre de Gauvain. Ce motif du songe prémonitoire semble s’exprimer abondamment dans tous les genres littéraires, toutes les époques, mais aussi tous les domaines artistiques. Ainsi, dans la série Twin Peaks[7], le personnage de Dale Cooper est visité, durant son sommeil, par des esprits venus d’ailleurs, ces derniers lui fournissant des indices afin de résoudre l’enquête du meurtre de Laura Palmer.

Le rêve a donc souvent un impact sur la réalité des personnages, leur donnant des clés de compréhension du monde qui les entoure ou les avertissant d’un danger imminent. Ainsi, il se mêle au réel en s’imbriquant dans ce dernier. Dans de nombreuses œuvres, le passage de la réalité aux territoires rêvés est si ténu que l’on ne saurait discerner le vrai du faux comme dans Mulholland Drive[8], de David Lynch, ou plus récemment dans Inception[9], de Christopher Nolan, deux films jouant sur la place de la réalité par rapport au rêve, et vice versa.

La confusion entre irréalité et réalité n’est pas exclusivement liée à l’onirisme, elle est parfois le fait des personnages eux-mêmes, certaines œuvres nous mettant face aux errances illusoires et délirantes de protagonistes n’étant plus en phase avec l’ordre du monde. C’est ainsi que Alfonso Quichano, héros du roman Don Quichotte[10], obsédé par la littérature médiévale, se met à prendre des moulins à vent pour des géants à occire. Le protagoniste « fantasque », comme le décrira Günter Grass[11], tourne le dos au réel pour se vouer à un idéal de chevalerie n’ayant plus sa place dans la société espagnole de la fin du XVIe siècle. Dans le même ordre d’idée, nous pouvons penser que c’est l’amour que porte Ofelia à la littérature ainsi que la dureté du contexte historique de l’Espagne franquiste qui la feront basculer dans l’irréalité, dans le film Le Labyrinthe de Pan[12], de Guillermo Del Toro. Dans le cas d’Ofelia, il s’agit donc de perdre pied dans le réel pour lui échapper. Nous pouvons retrouver le même phénomène dans le jeu vidéo Silent Hill 2[13], le personnage de James étant plongé dans son propre inconscient car il refuse d’assumer ses actes passés.

Dans d’autres cas, ce que nous pensons être la réalité est en fait totalement illusoire. C’est l’idée qu’exprime Platon dans la République[14] lorsqu’il expose le mythe de la caverne, mettant en scène des hommes enchaînés sous la terre et prenant des ombres pour leur réalité. Cette allégorie fut reprise dans de nombreuses œuvres, notamment cinématographiques, comme Matrix[15] ou Dark City[16]. Ces deux dernières productions appartiennent au genre de la science-fiction et force est de constater que ce dernier est particulièrement fourni quant aux réalités feintes ou illusoires. Nous pensons notamment à l’œuvre de Philip K. Dick, Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?[17], qui interroge sur la réalité même de l’humanité. Les nouvelles technologies ainsi que les nouvelles formes de média nous poussent à reconsidérer notre rapport au réel. C’est ce dont traitent des œuvres comme Existenz[18], de David Cronenberg, dans laquelle le cinéaste floute les frontières entre réalité objective et réalité virtuelle.

Enfin, si les illusions, les rêves et les hallucinations sont des thématiques abordées par les œuvres, ils peuvent également être des mécaniques esthétiques. Nous pouvons penser aux expérimentations des surréalistes, ou encore des artistes de la Beat Generation. Cette esthétique va parfois opacifier la frontière entre réalité et irréalité, comme dans le film Only God Forgives[19], de Nicolas Winding Refn. Certaines œuvres picturales vont, comme celles de Francis Bacon, faire immerger l’irréel cauchemardesque dans le réel. Aussi, certains genres cinématographiques tels que l’expressionnisme allemand se prêtent parfaitement à ce brouillage du réel. Mécaniques esthétiques, donc, mais aussi mécaniques de jeu lorsqu’il s’agit de jeux vidéo. C’est le cas par exemple dans Eternal Darkness[20] ou Bloodborne[21].

La revue Chameaux encourage les approches pluridisciplinaires et comparatives portant sur la littérature, la philosophie, le théâtre, le cinéma, l’histoire, l’histoire de l’art, la peinture, la sculpture, les jeux vidéo, la musique, la sociologie, l’anthropologie, les études médiatiques, les sciences politiques, à la condition que la proposition ait au moins une composante liée aux principaux domaines abordés par la revue (littérature, théâtre et cinéma).

Notez que les contributions peuvent prendre la forme d’articles critiques ou d’essais. Les propositions de contribution (300 mots maximum) sont attendues pour le 29 juin 2020. Veuillez nous les faire parvenir à l’adresse suivante : chameaux@lit.ulaval.ca. N’hésitez pas à nous écrire à cette adresse ou à visiter notre site internet, http://revuechameaux.org/, si vous souhaitez obtenir plus d’informations.

Dates importantes :

  • Date limite de l’envoi des propositions : 29 juin 2020
  • Avis d’acceptation : 6 juillet 2020
  • Soumission des articles : 5 octobre 2020
  • Parution du numéro : décembre 2020

Membre du comité organisateur :

Corentin Le Corre

Bibliographie indicative

BACH, Valérie, Les Clefs des songes médiévales (XIII-XVe siècles), Strasbourg, Presses de l’Université de Strasbourg, 2007, 336 p.
BRETON, André, Manifestes du surréalisme, Paris, Folio (coll. Folio. Essais), 1985, 173 p.
DESCARTES, René, Méditations métaphysiques, Paris, Flammarion (coll. GF bilingue), 2011, 578 p.
FREUD, Sigmund, Sur le Rêve, trad. Jean-Pierre Lefebvre, Paris, Points (coll. Point essais), 2011, 160 p.
FREUD, Sigmund, L’Inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Gallimard (coll. Folio. Essais), 1988, 352 p.
JÜNGER, Ernst, Approches, drogues et ivresse, trad. Henri Plard, Paris, Folio (coll. Folio. Essais), 1991, 576 p.
LEDOUX, Aurélie, L’Ombre d’un doute : Le cinéma américain contemporain et ses trompes-l’œil, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, 237 p.
MILNER, Max, La Fantasmagorie, Paris, Presses Universitaires de France (coll. Écriture), 1982, 264 p.
PESENTI CAMPAGNONI, Donata et Paolo TORTONESE [dir.], Les Arts de l’hallucination, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle (coll. Page ouverte), 1981, 177 p.
ROBERGE, Martine, L’Art de faire peur : des récits légendaires aux films d’horreur, Québec, Presses de l’Université Laval, 2005, 248 p.
ROSSET, Clément, Le Réel et son double : Essai sur l’illusion,  Paris, Folio (coll. Folio. Essais), 1993, 129 p.
SCHEEL, Charles W., Réalisme magique et réalisme merveilleux : Des théories aux poétiques, Paris, Éditions L’Harmattan, 2005, 258 p.
TODOROV, Tzvetan, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Points (coll. Point essais), 2015, 192 p.

Notes :

[1]« Fantastique », Le Robert, Dictionnaire historique de la langue Française,  Paris, Dictionnaires Le Robert, Tome 2, 1998 [1992].

[2]Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil (Points Essais), 1976.

[3]H.P. Lovecraft, L’Appel de Cthulhu, dans Le mythe de Cthulhu, trad. Jacques Papy, Paris, J’ai lu (Science-Fiction), 2002.

[4]Euripide, Hécube, trad. Nicole Loraux et François Rey, Paris, Les Belles Lettres (Classiques en poche), 2002 [1999].

[5]La Chanson de Roland, trad. Jean Dufournet, Paris, Flammarion (Garnier), 2004. Nous attribuons souvent La Chanson de Roland au clerc Turold mais ne pouvons pas en être certains.

[6]La Mort le roi Artu, éd. Jean Frappier, Paris/Genève, Droz/Minard, 1964.

[7]David Lynch et Mark Frost, Twin Peaks, États-Unis, 1990, couleur, deux saisons.

[8]David Lynch, Mulholland Drive, États-Unis, 2001, couleur, 146 minutes.

[9]Christopher Nolan, Inception, États-Unis/Royaume-Unis, 2010, couleur, 148 minutes.

[10]Miguel de Cervantes, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, Tome 1, trad. Alince Schulman, Paris, Seuil (Points), 1997.

[11]Interview dans le film de Daniel Serra et Jaume Serra, Cervantes y la leyenda de don Quijote, Espagne, 2004. Programmé en France sous le titre Cervantès et la légende de Don Quichotte (Arte, 4 mars 2005).

[12]Guillermo Del Toro, Le Labyrinthe de Pan, Espagne/Mexique, 2006, couleur, 118 minutes.

[13]Konami CE Tokyo, Silent Hill 2, Japon, Konami, 2001. [version Playstation 2]

[14]Platon, La République, Livre VII, trad. Georges Leroux, Paris, Flammarion (GF), 2016.

[15]Lana Wachowski et Lilly Wachowski, Matrix, États-Unis/Australie, 1999, couleur, 130 minutes.

[16]Alex Proyas, Dark City, États-Unis/Australie, 1998, couleur, 96 minutes.

[17]Philip K. Dick, Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, trad. Sébastien Guillot, Paris, J’ai lu (Science-fiction), 2014.

[18]David Cronenberg, ExistenZ, États-Unis/Canada/France, 1999, couleur, 96 minutes.

[19]Nicolas Winding Refn, Only God Forgives, Danemark/France/Suède/Thaïlande/États-Unis 2013, couleur, 90 minutes.

[20]Silicon Knights, Eternal Darkness : Sanity’s Requiem, Canada, Nintendo, 2002. [version Gamecube]

[21]From Software/Japan studio, Bloodborne, Japon, Sony, 2015. [version Playstation 4]

Appel de textes – numéro thématique : Guerre et terrorisme


À l’instar de la forte montée en puissance des tensions commerciales, monétaires, et géostratégiques, d’une logique de reprise de la course aux armements, d’une accélération de la prolifération nucléaire, la montée en puissance du nationalisme, du populisme, et de repli identitaire, dans un contexte d’affaiblissement des institutions républicaines et des piliers démocratiques, les arts et la littérature sont tendancieusement confrontés à l’horreur de la guerre et aux violences terroristes. Par leurs constructions même, ils dévoileraient une subversion et une résistance qui ne seraient, in fine, qu’une forme retournée de cette violence.

Qu’elle soit mondiale, froide, civile ou de conquête, la guerre est de toutes les époques. L’art et les lettres y réagissent parfois pour l’héroïser, souvent pour la dénoncer, mettre en lumière sa face cachée et ses implications, tenter de l’exorciser, en montrer ce que ne peut dire « la parole étouffée » (Thiéblemont : 359 et Barbusse : 468) de ceux qui en reviennent. Nombreuses sont les œuvres qui tentent de donner du sens à la mort des civils, à l’absurdité des destructions. D’offrir une image du courage, de la résilience ou à l’inverse de la peur et du désespoir. D’autres encore brossent un tableau des grandes figures historiques ou des visages anonymes des victimes.

La guerre, en tant que phénomène humain cristallisant des conflits et des tensions de toutes natures, a souvent été un thème porteur des arts et de la littérature. De l’Illiade d’Homère aux Bienveillantes (2006) de Jonathan Littell, en passant par Une femme à Berlin (1954) de Marta Hillers et Allah n’est pas obligé (2000) d’Ahmadou Kourouma, la guerre choque, blesse, fascine, ne laisse pas indifférent nombre d’écrivain’e’s. D’Alexandre Nevski (1938) de Sergueï Eisenstein, en passant par Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola, jusqu’au récent Dunkirk (2017) de Christopher Nolan, on ne compte plus les films qui la mettent en scène. Des gravures d’Urs Graf et de Jacques Callot en passant par celles de Francisco de Goya jusqu’à celles d’Otto Dix, les représentations picturales de la guerre sont innombrables. Et que dire des nombreux clichés photographiques célèbres qui en exposent un pan? Que penser du traitement qu’on lui accorde dans les médias, hier comme aujourd’hui?

Violence de l’Histoire, mais aussi violence dans l’histoire racontée, devenue une célébration stipendiée de la terreur, de la haine, de l’intolérance et du dogmatisme, comme si l’accomplissement diégétique de ces thèmes est désormais la signature d’un accomplissement esthétique. L’en atteste la glose philosophico-politique déployée sur les reliques de l’Occident défiguré, qui s’est subsumée en une épistémologie décadente, et la création d’un imaginaire chaotique et terrifiant, emphatisé par les médias et exalté par la littérature. Que l’on pense à Soumission (2015) de Michel Houellebecq, à Neige (2005) d’Orhan Pamuk, aux Mille Maisons du rêve et de la terreur (2002) de l’écrivain franco-afghan Atiq Rahimi, ou à l’œuvre pamphlétaire de Salim Bachi, Tuez-les tous (2007) : éperons ou émergence violente d’un dehors, le terrorisme comme histoire vécue, ou comme un objet de parole, de discours, c’est le morbide esthétisée et la cruauté lettrée, qui forment désormais un langage voué à un extrémisme verbal.

Comment la guerre et le terrorisme s’imposent-ils sur la scène littéraire et artistique ? Comment les événements historiques, en nourrissant son tracé, ont-ils changé l’acception que la littérature nous donne à voir de ces derniers ? Dans ce climat assombri par la violence, la parole de l’écrivain et le geste de l’artiste peuvent-ils être cet en-deçà des rivalités idéologiques et politiques ? Haine de soi et condamnation de l’autre, humanisme et terreur, que peuvent la littérature et les arts face au pouvoir implacable de la peur, de l’horreur et de la violence des conflits et des attaques aveugles? Comment certains récits de fiction, certaines représentations, en mettant au jour des histoires de guerres, de crimes, de violence, de terreur, ont-ils modifié ce que nous croyons savoir de la vérité en histoire?

Ce numéro pluridisciplinaire vise à analyser les différentes dynamiques scripturales, iconographiques et cinématographiques dans l’illustration et la mise en narrativité de la guerre et du terrorisme. La revue Chameaux invite ainsi les jeunes chercheuses et les jeunes chercheurs à démonter la mécanique des représentations de ces deux éléments et à explorer leurs nombreux visages. La littérature et les arts pourraient être interrogés à travers le dédoublement du réel par la fiction. Il pourrait s’agir de montrer comment, en situation de conflits, peut jaillir la créativité; quelles sont les représentations culturelles de la violence, de la guerre, du terrorisme. Comment les arts et la littérature peuvent être une réponse à la violence, parfois par une autre forme de violence, parfois en faisant la promotion de la paix ? L’imaginaire des guerres, des attentats, des prises d’otages pourrait être exploré, de même que celui de la mort, de la dépossession, de l’exil qui sont bien souvent associés à ce type d’événements.

La revue Chameaux encourage les approches pluridisciplinaires et comparatives portant sur la littérature, la philosophie, le théâtre, le cinéma, l’histoire, l’histoire de l’art, la peinture, la sculpture, les jeux vidéo, la musique, la sociologie, l’anthropologie, les études médiatiques, les sciences politiques, à la condition que la proposition ait au moins une composante liée aux principaux domaines abordés par la revue (littérature, théâtre et cinéma). N’hésitez pas à plonger vos regards dans les zones troubles de l’humain et des sociétés, dans leurs cris et leurs silences.

Notez que les contributions peuvent prendre la forme d’articles critiques ou d’essais. Les propositions de contribution (300 mots maximum) sont attendues pour le samedi 15 juin 2019, avant 18 h. Veuillez nous les faire parvenir à l’adresse suivante : chameaux@lit.ulaval.ca. N’hésitez pas à nous écrire à cette adresse si vous souhaitez obtenir plus d’informations.

Dates importantes :

  • Date limite de l’envoi des propositions : 15 juin 2019
  • Avis d’acceptation : 21 juin 2019
  • Soumission des articles : 5 août 2019
  • Parution du numéro : novembre 2019

Numéro sous la direction de :

Ariane Lefebvre et Frédérick Bertrand

Membres du comité organisateur de l’appel :

Abir Homri et Frédérick Bertrand

Bibliographie :

BAQUÉ, Dominique, L’effroi du présent — Figurer la violence, Paris, Flammarion, 2009.
BARBUSSE, Henri, Le feu, Paris, Gallimard, 2013 [1916].
BLANCHOT, Maurice, L’Écriture du désastre, Paris, Gallimard, 1980.
COMPAGNON, Antoine, La Grande Guerre des écrivains – D’Apollinaire à Zweig, Paris, Gallimard, 2014.
COTTA, Sergio, Pourquoi la violence ? Une interprétation philosophique, Québec, Presses Université Laval, 2002.
DANCHEV, Alex, On Art and War and Terror, Édinbourg, Edinburgh Universtity Press, 2011.
DERRIDA, Jacques, Donner La Mort, Paris, Galilée, 1999.
JABLONKA, Ivan, L’histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales, Paris, Points, 2017.
KLEIST, Jürgen et Bruce A. BUTTERFIELD (dir.), War and Ist Uses – Conflict and Creativity, New York, Peter Lang, 1999.
KRISTEVA, Julia, Pouvoir de l’horreur, Paris, Points, 1983 [1980].
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