Les magiciens d’Égypte dans les fictions antiques : entre révélation et dissimulation

Par Florian Audureau — Magie, sorcellerie et surnaturel en littérature

En tant qu’être doté de pouvoirs surnaturels, le magicien constitue un personnage singulier dans l’économie des récits de fiction : sa puissance le distingue et le rend redoutable, impressionnant ou salutaire ; selon les situations du récit, on le fuit ou on le recherche. Mais en plus de se caractériser par son pouvoir, le magicien peut se caractériser par sa capacité à accéder à l’information et à un savoir hors de la portée des autres personnages. Ce second aspect, volontiers éclipsé dans notre imaginaire par les pouvoirs que nous attribuons au magicien, est particulièrement tangible pour les magi de l’Antiquité1. De fait, dans une société polythéiste, le « magicien » (magus, μάγος) n’est pas toujours différent du devin, du sorcier ou du prêtre2. La différence réside plutôt dans la perspective subjective des locuteurs et dans une volonté polémique visant à discriminer des pratiques réputées nocives ou étrangères3. Leur point commun est d’être en contact avec les dieux, et donc de pouvoir exercer dans la société une autorité particulière par la manipulation des puissances divines ou de l’information. Toutefois, dans les récits de fiction, la spécificité du magus vient de ce qu’il constitue une figure stéréotypée en tant qu’adjuvant des protagonistes ou en tant qu’opposant, véhiculant alors l’imaginaire du θεῖος ἀνήρ (l’homme divin) ou au contraire du γοής (charlatan)4 : dans le premier cas, il est une figure valorisée et respectée, proche des dieux, voire thaumaturge ; dans le second cas, il est méprisé et devient l’incarnation du mensonge et de la tromperie.

Cette capacité exceptionnelle du magicien à connaître la vérité se trouve particulièrement bienvenue pour le narrateur lorsqu’il s’agit de mettre en place une scène de reconnaissance. Celle-ci est en effet le lieu où s’opère le renversement entre des apparences trompeuses et une vérité qui ne peut se révéler que par la médiation d’un objet unique ou d’une parole véridique. Cette parole doit ainsi être assumée par un personnage capable de prouver ses dires, autrement dit par un individu dont l’autorité ne pourra être mise en doute. Or, l’accès privilégié à l’information chez le magicien s’accompagne d’une capacité inverse à masquer et à camoufler la vérité. Plus qu’une figure de révélation, le magicien, par sa faculté de manipuler l’information, peut brouiller les apparences au lieu de les éclaircir.

L’ambivalence du personnage apparaît nettement à la comparaison de trois récits antiques. Dans le Conte de Setné II, le jeune enfant Siousir, petit-fils de Pharaon, est maître d’un récit qui culmine avec la révélation de sa véritable identité5. Au contraire, c’est dès l’incipit qu’est établi dans l’Histoire d’Alexandre un dispositif de dissimulation où le pharaon-magicien Nectanébo camoufle son identité pour devenir le père biologique d’Alexandre le Grand6. Le secret de la naissance constitue également le cœur du récit d’Héliodore d’Éphèse dans les Éthiopiques : Calasiris, un prêtre égyptien, accompagne deux jeunes amants dans leurs mésaventures, car il a su lire dès le départ l’identité royale de Chariclée, fille adoptive d’un prêtre de Delphes7. Dans toutes ces configurations, c’est le couple de l’apparence trompeuse, superficielle, et de la vérité qui se manifeste et que le magicien sert à incarner dans le récit. Par ailleurs, ces trois récits ont en commun l’identité ethnique des magiciens. Ce sont des Égyptiens et les prêtres d’Égypte qui passaient dans l’imaginaire gréco-romain pour des experts rituels qu’on admirait ou dont on se méfiait8 et le paradigme religieux du christianisme a fait de l’Égypte le pays de la magie par excellence, stéréotype qui s’est transmis jusque dans les langues modernes avec l’assimilation des Gitans et Tsiganes aux « Égyptiens » (Gypsies en anglais, γύφτοι en grec moderne). La comparaison des trois récits mentionnés a pour but d’illustrer les variations narratives que développent les textes de la période romaine sur la capacité des magiciens à masquer et à révéler la vérité. Trois figures vont ainsi apparaître : le prêtre magicien aux pouvoirs surnaturels et porteur d’une parole véridique (Siousir), le magicien-charlatan, dont les talents sont mis au service de la tromperie (Nectanébo) et le magicien-philosophe, adoptant momentanément le rôle du magus, mais défendant une représentation du monde dénuée de surnaturel (Calasiris).

La parole performative de Siousir ou la magie de l’homodiégèse

En matière de récit « romanesque9 », la littérature égyptienne a exercé tôt son influence sur les productions grecques et latines d’époque impériale10. La figure du magicien y occupait une place centrale et, sur bien des aspects, on en retrouve les caractéristiques dans les romans classiques11. Alors que dans la religion grecque et romaine le magos est une figure de l’altérité religieuse (il est le rival du prêtre), il incarne, en Égypte, le cœur du savoir sacerdotal (il est identique au prêtre). Il exprime ainsi l’identité religieuse égyptienne et sa conception du monde fondée sur le heka, une puissance d’essence divine issue de la création, à laquelle le monde est perméable, et dont la manipulation permet de maintenir l’existence de l’ordre divin contre les menaces de la destruction12. Il s’agit souvent d’un prêtre-lecteur formé au sein des Maisons de vie (l’école des scribes et des prêtres)13. De plus, contrairement aux typologies modernes, on ne doit pas distinguer, dans l’imaginaire païen antique, la magie et la divination14. Cette représentation du monde, de la société et des dieux va conditionner la fonction du magicien dans le Conte de Setné II.

Le Conte de Setné II appartient à un cycle narratif mettant en scène les exploits de Setné. Prince égyptien renommé à travers les âges, ce fils de Ramsès II (1279-1213) était une figure originale et marquante : il portait l’un des titres sacerdotaux les plus élevés d’Égypte (grand prêtre de Ptah de Memphis) et s’était distingué par son intérêt pour la conservation du patrimoine historique15. Aux yeux des Égyptiens, cet intérêt pour la connaissance le qualifiait pour incarner le rôle du magicien. Dans le Conte de Setné I, il découvre ainsi le Livre de Thot grâce à une apparition et au récit d’une âme défunte qui lui apparaît dans une tombe16.

Dans Setné II, toutefois, c’est son fils qui occupe le rôle principal. Étant donné le caractère fragmentaire du document, le début du récit n’est pas connu. L’histoire commence avec la conception et la naissance de Siousir (chap. 1). Cette naissance tient du miracle, car le couple princier est stérile. Pendant son enfance, Siousir s’avère exceptionnellement doué et rivalise avec les prêtres, ce qui annonce son talent à venir pour la magie. Cet enfant prodige est ainsi capable de deviner la vérité au-delà des apparences. C’est ce qu’illustre l’épisode du jugement des morts (chap. 2) : comme des cortèges funéraires conduisent à la nécropole deux défunts, un homme riche et pleuré par tous et un homme pauvre sans pompe ni faste autour de lui, Setné se réjouit du bonheur du premier et plaint le triste sort du second. Or, Siousir contredit son père ; pour l’éclairer, il le conduit dans l’Au-delà et lui permet d’assister au jugement des morts. Setné découvre alors que le riche est condamné tandis que le pauvre est justifié. Après cet épisode, le lecteur n’est pas surpris d’apprendre que, « quand l’enfant Siousir eut douze ans, il n’y avait personne à Memphis de plus compétent que lui pour lire des écrits de magie17 ». Cette compétence va justement lui permettre de sauver l’Égypte en déchiffrant un texte masqué.

L’action principale se déroule dans les trois chapitres suivants et, comme dans Setné I, elle repose sur le principe des récits emboîtés. Le narrateur omniscient délègue la parole à Siousir pour le récit d’événements survenus plus d’un millénaire auparavant. Dans la suite, deux temps de l’énonciation seront donc distingués, à savoir le temps (présent) où Siousir raconte un conflit entre l’Égypte et la Nubie, dans la salle du palais, et temps du récit, à savoir l’époque (passée) correspondant à ces événements. Cette structure narrative n’est pas simplement dialogique, mais se fonde sur un court-circuit temporel rendu possible par l’identité des personnages. De fait, le magicien permettra d’agir sur la construction temporelle du récit ; comme Siousir s’avère être la réincarnation d’un magicien du passé, il permet de créer une circularité narrative : le passé, raconté dans le temps du récit, va se produire en réalité au présent, dans le temps de l’énonciation.

Après le récit de la naissance et de l’enfance de Siousir, un sorcier inconnu arrive à la cour de Pharaon depuis la Nubie, pays ennemi de l’Égypte réputé pour la qualité de sa magie18. Lors d’une audience royale, cet étranger lance un défi aux Égyptiens : deviner le contenu d’un rouleau scellé qu’il apporte de Nubie, mais sans l’ouvrir. Pharaon demande à son fils Setné de résoudre le problème et c’est Siousir qui intervient (chap. 3). L’enfant rapporte alors une histoire qui s’est produite mille cinq cents ans auparavant (chap. 4). Cette histoire oppose Pharaon et le maître de Nubie par l’intermédiaire de trois sorciers nubiens (Hor fils de la Truie, Hor fils de la Nubienne et Hor fils de la Vierge) et d’un mage égyptien (Hor fils de Pnesh). La mise en abîme de la situation énonciative est patente : le texte raconté met en scène la lutte de l’Égypte et de la Nubie qui se réactualise dans la confrontation entre le sorcier anonyme et le jeune Siousir. L’homonymie entre les personnages fait de l’Égypte et de la Nubie des images inversées dans un jeu de miroir ; elle raffermit la compétition entre les deux nations en recourant au thème de la gémellité rivale comme si l’identité réciproque impliquait la destruction de l’un ou de l’autre19. La lutte racontée dans le récit prend la forme d’attaques nocturnes : le roi du pays de Koush (la Nubie) demande à ses sorciers de transporter magiquement le roi d’Égypte en Nubie, où Pharaon reçoit alors une volée de coups de bâton. Au matin, Pharaon se réveille fourbu dans son lit et appelle son magicien, qui rend la pareille au roi de Nubie. Entre chaque épisode de cette lutte, le narrateur s’interrompt et revient brièvement au temps de l’énonciation, dans la cour du palais royal où Siousir raconte à son audience le conflit entre les deux pays :

– Que le pouvoir de ton dieu Amon retombe sur toi, ennemi de Koush ! Les mots que je prononce, sont-ils ceux(-là mêmes) écrits dans cette lettre ?

Le Koushite parla, la tête tournée vers le sol, en ces termes :

– Poursuis donc ta lecture. Chaque mot que tu prononces est écrit dans cette lettre20.

Peu importe que l’épisode en question soit une victoire nubienne sur l’Égypte dans le temps du récit, le contenu de l’énoncé importe moins ici que l’énonciation elle-même, laquelle signe la défaite du sorcier inconnu dans le temps de l’énonciation. Ce qui apparaît, c’est le caractère performatif de la parole du magicien Siousir : la prise de parole, en tant que narrateur du récit emboîté, signe la victoire égyptienne et le geste de tête du Koushite marque sa défaite et dénote son humiliation. Le pouvoir de raconter constitue ainsi l’enjeu polémique principal en même temps qu’il caractérise la magie dans ce qu’elle a de plus essentiel : avant toute autre chose, le magicien est un conteur. Siousir en effet est le seul en Égypte capable de relever l’impossible défi lancé par l’inconnu : lire un texte scellé et devenir ainsi le narrateur du récit emboîté. Dans le temps de l’énonciation, tout se joue autour de cette question : qui pourra lire le texte, quel que soit son contenu ? Dans le temps du récit, l’énoncé reproduit ce qui est en train d’avoir lieu à la cour du Pharaon : un duel s’achevant sur une victoire égyptienne. Là où toute l’Égypte est réduite au silence par un étranger, Siousir rend donc la parole à son pays et obtient le dernier mot. Entre l’Égypte et la Nubie, le duel est en fait celui de la parole et du silence.

Mais cet usage performatif de la parole pour marquer la victoire se fonde lui-même sur la nature exceptionnelle de Siousir, dont la véritable identité se révèle à la fin du récit enchâssé. À la suite des revanches de Pharaon, le roi de Nubie veut mettre un terme au conflit et envoie Hor fils de la Nubienne en Égypte pour y affronter Hor fils de Pnesh en un combat apocalyptique où les deux magiciens déchaînent le feu et le déluge. L’Égyptien allait l’emporter quand la mère du Nubien intervient et implore le pardon de l’Égypte contre la promesse de ne plus jamais revenir :

– Je n’arrêterai aucun sortilège [dit Hor, le fils de Pnesh] avant que vous n’eussiez effectué ces serments de ne plus jamais revenir en Égypte en aucune occasion.

La Nubienne leva la main (en promettant) de ne jamais plus monter en Égypte pour l’éternité. Hor le fils de la Nubienne prêta serment en disant :

– Je ne monterai pas en Égypte avant mille cinq cents ans21.

Le récit retourne alors au temps de l’énonciation et apporte la révélation finale. Siousir conclut :

Par ton visage, mon grand maître ! Celui-là qui est devant toi, c’est Hor le fils de la Nubienne. Celui dont j’ai raconté les actes et qui ne s’est pas repenti de ce qu’il a fait autrefois, en venant en Égypte au bout de mille cinq cents ans pour y jeter des sorts. Par le grand dieu Osiris auprès de qui je demeure ! Je suis Hor fils de Pnesh en personne qui me tiens (ici) devant Pharaon. Ce que j’ai fait dans l’Occident fut de découvrir que l’ennemi de Koush irait jeter ses sorts sur l’Égypte sans qu’il y eût en ce temps aucun bon scribe ou homme savant qui pût se battre contre lui22.

Cette révélation porte sur l’identité du personnage-narrateur du récit principal (Siousir) avec le personnage qui défend Pharaon dans le récit emboîté (Hor fils de Pnesh). Ce faisant, le narrateur second (Siousir) acquiert soudain un statut homodiégétique alors qu’on y voyait logiquement un narrateur hétérodiégétique. On comprend dès lors d’où provient le pouvoir narratif de Siousir : il raconte des faits auxquels il a lui-même pris part dans une vie antérieure. Il n’y a pas simplement mise en abîme de la situation énonciative, mais répétition des événements et identité des acteurs avec les narrateurs. De même que l’homonymie des personnages reflétait la rivalité historique entre les deux pays23, l’identité transhistorique des protagonistes rend confuses les lignes temporelles et situe alors la clé du récit dans le monde des morts, que Siousir, dans la citation précédente, appelle l’Occident. La linéarité de l’histoire se trouve alors court-circuitée pour introduire l’Au-delà comme lieu d’un savoir qui s’affranchit des distinctions temporelles et offre la possibilité d’une omniscience. C’est l’appartenance de Siousir à cet au-delà qui lui a permis de deviner le sort du pauvre et du riche. L’Occident apparaît comme le lieu de l’éternité : l’avenir y est déjà inscrit. Aussi le personnage de Siousir, en faisant communiquer l’histoire et l’éternité, permet de situer l’opposition politique entre l’Égypte et la Nubie au niveau de l’éternité : dans l’Au-delà, il a pris fait et cause pour l’Égypte. Ce faisant, la victoire de l’Égypte n’est plus simplement historique : elle relève d’un autre niveau de réalité.

Le Conte de Setné II n’implique qu’un univers égyptien. Avec l’Histoire d’Alexandre s’opère la transition d’un imaginaire religieux égyptien à un univers gréco-romain. C’est alors l’autre capacité du magicien égyptien qui est mise à profit : la dissimulation. De fait, la figure hautement valorisée de Siousir est pertinente en contexte égyptien, où la magie est l’apanage des prêtres ; mais l’intérêt du texte suivant est de comprendre comment les capacités prétendues des experts religieux égyptiens en matière de magie sert, d’un point de vue gréco-romain, un tout autre dessein : au lieu de louer la véridicité du magos, on en fustige la duplicité.

Dissimuler pour séduire : la paternité « magique » de Nectanébo

La composition de l’Histoire d’Alexandre s’étend des débuts de l’époque hellénistique (IIIe-IIe siècles avant l’ère commune) au IIIe siècle de notre ère. Il s’agit d’un récit pseudo-historique que l’on rattache à ce qu’on appelle par convention le « roman » grec24. Ce « roman » n’est pas le fruit d’un auteur unique, mais contient plusieurs strates ou influences culturelles dans sa conception (égyptienne, juive, grecque…), et la cosmopolite Alexandrie apparaît comme épicentre de la rédaction, du moins pour une partie importante de l’œuvre25.

Dès les premiers chapitres, le « roman » véhicule un imaginaire du magicien charlatan qui se concentre autour de la figure de Nectanébo, le dernier pharaon égyptien. Ses compétences de magicien (comprises alors comme un pouvoir de manipuler les apparences pour dissimuler la vérité) vont faire de lui le père légendaire d’Alexandre. L’histoire a retenu Nectanébo II (360-343) comme l’ultime souverain égyptien avant la brève conquête perse, puis la domination grecque ; l’Histoire d’Alexandre a fait de ce souverain l’incarnation par excellence du magicien d’Égypte. Le récit multiplie les références à des pratiques rituelles égyptiennes bien réelles26, qu’il transforme au gré d’un imaginaire merveilleux ou de rationalisation dénonçant la supercherie. Ainsi, un rituel de divination authentique (qui permet de prédire une invasion ennemie) est transformé en un rituel magique qui n’a jamais existé (la destruction de l’armée ennemie), sauf dans l’imaginaire gréco-romain du merveilleux.

La rationalisation et la dénonciation de la supercherie apparaissent quant à eux dans l’histoire de la conception d’Alexandre le Grand. Tel est l’enjeu sur lequel s’ouvre l’Histoire d’Alexandre en annonçant un récit de paternité :

La plupart des gens se trompent en disant qu’il est le fils du roi Philippe. Telle n’est point la vérité. Il n’était pas le fils de ce roi, mais, comme le disent les meilleurs sages égyptiens, celui de Nectanébo, lorsqu’il a abandonné la dignité royale. Ce Nectanébo était expert dans l’art magique et c’est en recourant à la puissance de cet art, et parce qu’il surpassait, par sa magie, tous les peuples, qu’il régnait pacifiquement27.

S’ensuit le récit de sa fuite hors d’Égypte après que Nectanébo a prédit sa propre défaite grâce à un rituel divinatoire du type des lécanomancies. La lécanomancie désigne l’utilisation de bols remplis d’eau où on observait la forme des reflets en y ajoutant de l’huile ou des pierres précieuses. Dans l’Histoire d’Alexandre, c’est une armada perse dirigée par les dieux d’Égypte qui apparaît. Comprenant à l’avance que la défaite est inévitable, Nectanébo s’enfuit et se réfugie à Pella, en Macédoine, à la cour de Philippe. C’est sa capacité à connaître l’avenir en déchiffrant les signes qui lui permet d’échapper à la mort. Contrairement à Siousir, toutefois, cette capacité ne provient pas d’une nature exceptionnelle (la réincarnation d’un magicien venu du monde des morts), mais d’un apprentissage savant. La fuite hors d’Égypte a pour effet de rapprocher le pharaon égyptien de la reine macédonienne Olympias.

En l’absence de son mari, Olympias cherche à connaître le fils qui naîtra de son union avec Philippe. Elle demande alors une consultation avec Nectanébo (I, 4), qui s’était acquis dans la région une réputation fameuse en faisant profession « d’astrologue égyptien » (Αἰγύπτιος μαθηματικός, I, 4.3). Sa position sociale était alors celle des magoi, ces experts rituels itinérants colportant leur savoir religieux et se mettant au service d’une clientèle variée. On les consultait pour obtenir des faveurs amoureuses, maudire un adversaire ou demander une révélation à un dieu. Dès leur première rencontre, Nectanébo tombe sous le charme de la reine et conçoit le projet de s’unir à elle. Il élabore alors un stratagème mêlant la magie à la supercherie. Après avoir dressé son thème astral et lui avoir prédit qu’elle s’unirait au dieu Ammon, il lui envoie un songe (I, 5) :

Nectanébo prit des herbes provenant du désert et qu’il savait propres aux songes. Et après les avoir pressées, il en façonna une poupée en forme de femme sur laquelle il inscrivit le nom d’Olympias. Puis après avoir allumé des lampes [et y avoir versé le suc] tiré des plantes, il se mit à invoquer par des serments les génies conçus pour le projet suivant : qu’Olympias fût visitée par des apparitions. Et celle-ci vit le dieu Ammon, cette nuit même, l’enlacer et lui dire en se levant d’auprès d’elle : « Femme, tu portes en ton ventre un enfant mâle qui est ton vengeur »28.

La pratique de l’oneiropompeia, c’est-à-dire la pratique consistant à envoyer des songes, est bien attestée dans la documentation papyrologique sur la magie29. Il s’agit de créer des attaques nocturnes grâce à des démons pour s’en prendre à un ennemi ou à une personne désirée afin de la manipuler et d’en obtenir les faveurs. Plus loin, Nectanébo envoie un oracle en songe à Philippe afin de lui faire accepter la grossesse de sa femme en son absence (I, 8). On se souvient que dans le Conte de Setné II, ce sont également par des attaques nocturnes que s’affrontent la Nubie et l’Égypte ; mais alors que ces attaques magiques laissaient des séquelles bien douloureuses sur les deux rois, ce sera ici la description d’une supercherie qui rendra compte des effets tangibles de l’union. En effet, à la demande d’Olympias qui veut favoriser la venue du dieu, Nectanébo s’installe dans la chambre voisine afin de « purifier » les lieux. En réalité, il lui donne des instructions (se coucher, attendre, ne pas dévisager le dieu qui vient…), puis se déguise et s’introduit dans la chambre royale :

Nectanébo ajusta alors sur son corps une très délicate toison de bélier, avec des cornes sur les tempes, le tout semblant en or. Il prit un sceptre en ébène, un habit blanc et un manteau d’un extrême raffinement, qui imitait la peau de serpent. Et il fait son entrée dans la chambre où reposait Olympias, allongée sur son lit, et entièrement cachée sous les couvertures. Mais elle le regardait du coin de l’œil. Et elle le voit qui entre et elle n’eut point peur, car il semblait bien être le même qu’elle avait vu en songe. Alors Nectanébo, après avoir déposé son sceptre, monte dans son lit et s’unit à elle. Puis il lui dit : « Persévère, femme, tu as dans ton ventre un enfant mâle qui est ton vengeur et le roi de tout l’univers habité, le maître du monde. » Et Nectanébo sortit de la chambre, en reprenant son sceptre, et il va cacher toute sa panoplie d’escroc (πλανικά)30.

Au motif du magicien doté de pouvoirs surnaturels et capable d’envoyer des songes succède ainsi le motif récurrent du magicien menteur, capable de manipuler les apparences et de tromper sa victime pour abuser de sa confiance. Le terme grec souvent associé aux magiciens, γόης, qui signifie « charlatan », n’est pas présent dans les textes les plus anciens, mais on le trouvera dans la version poétique byzantine pour décrire Nectanébo31. Ici, c’est l’adjectif πλανικός qui dénote l’escroquerie du personnage. Le stratagème employé devait lui-même relever d’un motif assez répandu puisqu’on retrouve une histoire semblable chez Flavius Josèphe (Ier siècle de notre ère)32. La représentation du mage ou du prophète égyptien comme comploteur ou adultère constituait également un stéréotype connu par ailleurs à travers le personnage de Tinouphis, un « mage » (μάγος) égyptien entraînant une femme à commettre un adultère33. De même, la figure du mage en mauvais conseiller, enfreignant la loi et provocant l’adultère, apparaît également sous la figure de Paapis dans un roman d’Antonius Diogène du iie siècle dont le résumé nous est conservé par Photius (IXe siècle)34. Comme pour Nectanébo, le narrateur décrit les prodiges dont il est capable et lui inflige une mort violente. Dans le cas du pharaon, c’est son propre fils, Alexandre, qui le précipitera dans un ravin (I, 14). Le père révélera alors à son fils sa véritable ascendance. Cette représentation sociale du magos a toute son importance pour la construction du récit : alors que, dans l’imaginaire égyptien, le magicien Siousir incarne la parole révélatrice et protectrice, Nectanébo, dans l’imaginaire grec, devient la figure de la duplicité et actualise la puissance dissimulatrice de la parole sous la forme du mensonge et de l’arnaque.

Nectanébo disparaît de l’histoire avec sa mort au chapitre 14, mais cette mort elle-même s’accompagne de la révélation que lui seul peut apporter. Alexandre se rend en compagnie de Nectanébo à l’écart de la ville pour y recevoir une leçon d’astronomie. C’est là qu’Alexandre pousse son père au fond du ravin en lui lançant une phrase assassine : alors que Nectanébo lui demande pourquoi il l’a poussé, Alexandre lui répond de se blâmer lui-même « puisque [il] cherche à connaître les phénomènes célestes alors qu’il ne connaît pas ce qu’il y a sur terre35 ». Nectanébo a juste le temps de lui révéler sa véritable identité avant de mourir, ce qui rend Alexandre détenteur d’un secret capital : il est l’héritier légitime de la Haute et de la Basse Égypte.

La filiation égyptienne d’Alexandre a toute son importance quand on se souvient qu’il est le conquérant de l’Égypte placée sous la domination perse. Avant d’intégrer l’Histoire d’Alexandre, le nom du pharaon circulait déjà dans un texte prophétique prédisant la chute de l’Égypte : le « Songe de Nectanébo », qui a servi de prototype au récit de la naissance d’Alexandre dans le Roman36. De fait, cette figure à mi-chemin de l’histoire et du mythe répond à un dessein idéologique et sa fonction narrative, à des nécessités politiques : instituer une forme de continuité dynastique entre l’Égypte pharaonique et l’Égypte hellénistique en réactivant le mythe de la théogamie royale. « Égyptianiser » Alexandre le Macédonien afin d’acclimater le pouvoir hellénistique à la culture pharaonique, telle est la raison d’être de ce personnage37. Le père et le fils accomplissent en effet un parcours inverse : fuite devant les Perses pour l’un, victoire contre le Roi des rois pour l’autre ; exil en Macédoine, retour en Égypte ; chute du pouvoir et chute dans un ravin pour Nectanébo, ascension et conquête universelle pour Alexandre. D’une certaine manière, la personnalité du magicien correspond dans le récit de naissance à la même problématique que dans le Conte de Setné II : comment négocier le pouvoir local et l’identité égyptienne avec les forces extérieures (Nubie, Perse, Macédoine) qui menacent de les détruire ? Le succès magique de Setné, impliquant sa reconnaissance comme réincarnation de Hor, trouve un écho dans la supercherie « magique » de Nectanébo, lui permettant de se substituer à Philippe et de transformer sa mort en une succession dynastique. En effet, le meurtre du pharaon, c’est-à-dire la victoire sur l’Égypte par Alexandre, ne signifie plus la défaite de l’Égypte devant une puissance extérieure, mais la transmission légitime de la royauté et une passation de pouvoir où le fils – l’héritier légitime du trône et non un souverain grec étranger – remplace le père dans ses prérogatives royales. L’épisode constitue ainsi une variation sur le thème apocalyptique du « retour du roi38 ».

Quelle était la réception de ce récit dans l’Antiquité ? Certains n’y voyaient probablement que fictions, voire mensonges. Mais pour d’autres, le programme de lecture établi dans le préambule cité plus haut devait certainement introduire un pacte différent avec le récit : il s’agissait de restituer l’origine authentique d’Alexandre. Au niveau des stratégies narratives et énonciatives, le magicien Nectanébo, par sa capacité à dissimuler, répond alors à un objectif énonciatif partisan : il peut être considéré comme le personnage fondateur du récit et celui qui, en donnant naissance à Alexandre le Grand, redonne à l’Égypte une continuité dynastique et un sens au récit. En effet, sans la dissimulation initiale, le récit de la conquête de l’Égypte n’est qu’un récit de conquête ; doté au contraire d’une ascendance pharaonique, Alexandre rentre chez lui. Autrement dit, du point de vue d’un milieu égyptien, Nectanébo sert à énoncer l’identité pharaonique dans la composition du récit et à exprimer une continuité dans l’histoire. La paternité biologique, que la « magie », ou plutôt la supercherie, permet d’attribuer à Alexandre, a ainsi une répercussion sur la construction du sens historique des événements racontés.

Dans les deux œuvres précédentes, le magicien est celui qui permet d’établir une continuité politique – circulaire dans le cas de Setné (le combat d’hier est le même qu’aujourd’hui), linéaire dans le cas de Nectanébo (l’Égypte se poursuit dans la conquête macédonienne). Au contraire, le récit suivant fait de la magie une pratique dont on cherche à se distancier en substituant au magicien un personnage alternatif : dans les Éthiopiques d’Héliodore, Calasiris est un prêtre égyptien qui participe aux deux mondes que sont la religion égyptienne et la philosophie gréco-romaine. La magie sert alors de repoussoir thématique, tandis que les fonctions de révélation doivent maintenant être assumées par une figure de la clairvoyance dépourvue de surnaturel, mais malgré tout inspirée des magiciens. À la reconnaissance magique des identités du fait de l’homodiégèse (Siousir) et à la thématique de la duplicité et du déguisement, qui permet de dissimuler une identité (Nectanébo), va s’ajouter une troisième stratégie pour permettre la reconnaissance d’une identité oubliée : le prêtre Calasiris réunit dans le récit les compétences et les informations nécessaires pour établir le statut princier d’une jeune femme.

Calasiris : un prêtre qui se fait passer pour un magicien

Dans les Éthiopiques, un « roman » grec daté entre le IIIe siècle et le IVe siècle de notre ère et écrit par un certain Héliodore d’Émèse dont nous ne savons rien, apparaît un personnage de prêtre égyptien du nom de Calasiris. Sa position sociale (prophète, c’est-à-dire prêtre égyptien du plus haut rang) et son origine (Memphis, « capitale » de la magie39) créaient pour le lecteur antique une attente immédiate : c’est un magicien et, comme dans la société antique où la magie intervient souvent dans des contextes amoureux40, il va fournir son aide aux deux amants du récit. Figure majeure de la diégèse, cet anti-Nectanébo fait office de protecteur des protagonistes, Théagène et Chariclée, deux jeunes amoureux incarnant le modèle de la beauté physique alliée à la plus haute vertu morale. Mais l’attente produite chez le lecteur est déjouée, car son action ne se fera pas à travers des procédés magiques (potion, charmes…). Le personnage entretient pourtant avec le contre-modèle du magicien un rapport complexe, si bien qu’on a pu voir en lui le témoignage d’une spiritualisation de la magie à la fin de l’Antiquité41. Pour le récit, ce personnage constitue un enjeu majeur : comment reconduire la fonction de révélation qu’exerce le magicien tout en délaissant les pouvoirs surnaturels qui lui sont attribués ?

Le jeune couple est inexpérimenté et victime de mésaventures multiples leur faisant courir de nombreux dangers : pour Théagène, la mort sans retour ou la convoitise d’une reine, pour Chariclée, le désir des hommes qui s’éprennent d’elle à tour de rôle et veulent l’épouser. Ces péripéties déclenchées par un coup de foudre trouveront leur terme avec la reconnaissance finale de Chariclée comme princesse éthiopienne.

Comment fonctionne le personnage de Calasiris dans cette économie narrative ? Sur les dix livres que compte le roman, sa présence couvre les livres II à VII. Il apparaît d’abord à Cnémon, un personnage secondaire qui vient de quitter Théagène et Chariclée (II, 21), et quitte le récit par une mort paisible à Memphis (VII, 11). Entre ces deux termes, il occupe la fonction de narrateur métadiégétique principal : alors que le récit commence in medias res par une attaque de pirate et la dispersion des protagonistes (c’est le seul « roman » antique à procéder de la sorte), ouvrant ainsi plusieurs pistes narratives éclatées selon que l’on suit l’un ou l’autre des personnages, c’est lui qui va permettre de réunir les deux amants. La figure du lecteur est incarnée par Cnémon. Ce récit rétrospectif se tient dans un cadre propice aux récits, celui de l’hospitalité antique où, à l’image d’Ulysse chez les Phéaciens, les voyageurs racontent à leurs hôtes ou à leurs compagnons le récit de leurs aventures. Ce dispositif narratif met ainsi en abîme la lecture du roman et fait de Calasiris le maître de la parole. Il raconte alors comment il a quitté contre son gré son pays et s’est rendu à Delphes. C’est là que la figure du magicien est à la fois convoquée et subvertie par un habile procédé narratif : dans son récit, Calasiris joue volontairement, aux yeux des Grecs qui l’accueillent, le rôle du magicien qu’on attend de lui, mais, dans sa narration, il confie à son auditeur qu’il n’en est pas un.

Dans la culture antique, l’amour est un des domaines de prédilection de la magie et le magicien officie à la demande de ses clients pour rendre amoureuse la cible de leur désir42. L’Égypte, et en particulier Memphis, apparaît comme le pays de la magie par excellence. La venue de Calasiris à Delphes va le placer au cœur d’une intrigue amoureuse du fait des représentations grecques sur cette terre étrangère. Chariclès, père adoptif de Chariclée, veut marier sa fille à Alcamène, son neveu, mais celle-ci a fait vœu de virginité en se consacrant à Artémis. Le père se tourne donc vers Calasiris pour lui demander un service : « Mets-en œuvre avec ma fille cette sagesse (σοφίαν), ce charme (ἴυγγα) qui sont le propre des Égyptiens. Persuade-la, par paroles et par actions, de connaître sa nature et de se rendre compte qu’elle est femme43 ». Ce qu’attend Chariclès, prêtre d’Apollon à Delphes, c’est que son homologue égyptien recoure ouvertement à des rituels magiques pour enflammer le cœur de sa fille. La iunx (ἴυγξ), traduite par « charme », renvoie explicitement à cet imaginaire, car il s’agit d’un terme propre au champ sémantique de la magie. Quant aux « paroles » et « actions », elles renvoient aux pratiques rituelles : les formules magiques et les offrandes sont conçues ici sur le modèle rhétorique de la « persuasion » plutôt que sur le modèle de la contrainte. Théagène, de son côté, épris en secret de Chariclée, se tourne à son tour vers Calasiris pour la même requête lorsqu’il comprend que son interlocuteur est Égyptien. Au moment où le jeune homme faisait tourner une coupe de vin et prenait comme une offense le refus d’alcool de Calasiris, Chariclès lui explique son identité :

Il est de Memphis […] et prêtre d’Isis. » En apprenant que j’étais Égyptien et prêtre d’Isis, [poursuivit Calasiris], Théagène fut rempli d’une joie soudaine, et comme s’il avait découvert un trésor, il se leva, demanda de l’eau, en but et me dit : « Ô très sage, accepte du moins cette santé que je t’offre en buvant avant toi le breuvage qui t’est le plus agréable. Que cette table consacre notre amitié44.

L’émotion de Théagène et sa soudaine amicalité préludent l’épisode où, pour avoir « appris [sa] qualité d’Égyptien et de prêtre, il [vient le] prier d’aider son amour, victime du préjugé si répandu qui fait de la sagesse des Égyptiens une science unique, toujours la même45 » et que l’on confond avec la magie. Or, dans ce scénario, l’Égyptien occupe le seul point de vue permettant de conjuguer le maximum d’information et, ce faisant, de lire et décoder les signes de l’amour : il a pu remarquer et interpréter le coup de foudre réciproque de Théagène et Chariclée (III, 5) ; il a recueilli les informations du père et a vu l’amour devenir maladie chez Chariclée (III, 7) ; il a su déchiffrer l’oracle de la Pythie concernant les deux amoureux (II, 35-36) ; il a également reçu des songes prémonitoires de la part des dieux (III, 11.5). Quand Théagène se présente à lui, Calasiris est donc maître de l’information. Aussi peut-il manipuler les fils du récit non seulement en tant que narrateur, mais également en tant qu’acteur : il va se constituer un rôle sur mesure lui permettant de réunir les deux amoureux et de les faire quitter la Grèce. Face à un Théagène n’osant avouer ses sentiments, le prêtre joue au voyant :

Je jugeai que c’était le moment de l’épater (τερατεύεσθαι) et de faire le devin (μαντεύεσθαι) sur ce que je savais bel et bien. Je le regardais donc d’un air joyeux : « Si tu hésites à parler, lui dis-je, eh ! bien, notre sagesse (σοφίᾳ) et les dieux savent tout. » Je restai un moment sans rien dire, feignant de compter sur mes doigts, puis, la chevelure déliée et imitant les possédés (τοὺς κατόχους μιμούμενος), je lui dis : « Tu es amoureux, mon enfant. » Il sursauta à cette révélation. « De Chariclée », ajoutai-je. À ce coup, persuadé qu’un dieu parlait par ma bouche, il se serait prosterné à mes pieds si je ne l’en avais empêché46.

De même, devant Chariclée malade d’amour, le prêtre égyptien joue au magicien qu’on s’attend à voir en lui :

Que tout le monde sorte, [dit Calasiris au père de Chariclée]. Que l’on m’apporte seulement un trépied, du laurier, du feu et de l’encens. Que personne ne me dérange, jusqu’à ce que j’appelle. Chariclès fit exécuter mes ordres. Quand je fus tranquille, je me mis à jouer la comédie (ὥσπερ ἐπὶ σκηνῆς τῆς ὑποκρίσεως), faisant brûler de l’encens, marmottant des prières du bout des lèvres, secouant sans arrêt ma branche de laurier sur Chariclée, de la tête aux pieds, bouche bée devant elle comme si je bâillais de sommeil ou plutôt comme une vieille édentée. Je continuai longtemps ce jeu, ridicule pour moi comme pour la jeune fille47.

Héliodore réinvestit le thème de l’abus de confiance, associé aux magi antiques, et s’en sert paradoxalement pour valoriser la figure de Calasiris, le seul capable de lire la vérité (l’amour) au-delà des apparences (la maladie) et d’agir de manière appropriée en adoptant le déguisement que requiert la situation. En se faisant devin et magicien, le prêtre lie les deux amants. Ce faisant, il reste fidèle à sa vocation de serviteur des dieux, en l’occurrence ici Apollon et Artémis, qui lui confient en songe la protection des deux amoureux (III, 11.5). On voit ici à l’œuvre l’inversion du type de magicien qu’incarne Nectanébo : au lieu de l’adultère, c’est l’amour le plus élevé que va servir Calasiris. Ce qui relevait du thème de la duplicité chez Nectanébo s’apparente avec Calasiris à la ruse intelligente, la mêtis qui pour les Grecs était la qualité principale d’Ulysse.

La capacité de Calasiris à réunir les personnages et à les nouer au destin que les dieux ont réservé pour eux provient également de ses connaissances linguistiques : comme il est capable de déchiffrer l’écriture égyptienne, il peut lire à Chariclée une bande relatant les origines royales éthiopiennes de la jeune fille (IV, 11.3). Ce texte avait été déposé avec Chariclée par sa mère, la reine d’Éthiopie, lorsqu’elle avait abandonné sa fille et que Chariclès l’avait récupérée et adoptée. La figure du prêtre-magicien déchiffreur d’un texte évoque Setné, mais rien de magique ne préside à cette lecture qui se fonde sur les savoirs scolaires normaux d’un locuteur égyptien éduqué. Cette transformation du motif de la lecture illustre bien les stratégies mises à l’œuvre pour contourner les attentes du lecteur. En effet, alors que dans le premier cas, la lecture est un acte magique (lire un rouleau scellé), dans le second cas, elle implique simplement l’apprentissage d’une compétence culturel (lire le démotique).

Les compétences de Calasiris portent sur la manipulation des apparences afin de les adapter à la réalité profonde des choses. En cela, il combine paradoxalement la figure du mage égyptien avec celle du philosophe platonicien, capable de dépasser les apparences immédiates pour accéder à la réalité intelligible. Pour comprendre cette dimension du texte, il faut tout d’abord avoir à l’esprit, d’une part, que l’époque où sont rédigées les Éthiopiques (IVe siècle) correspond à la période du néoplatonisme – le Banquet et le Phèdre occupant alors une place prépondérante dans les réflexions philosophiques48–, d’autre part, que le genre du « roman » grec porte toujours sur l’histoire d’amour entre deux nobles amants alliant la plus grande beauté avec la plus constante vertu49. En effet, on trouve plusieurs développements d’inspiration platonicienne. Pour commencer, la description du coup de foudre (III, 5) se déroule lors d’une cérémonie religieuse, ce qui la met sous les auspices du divin (de même, l’amour que décrit la prêtresse Diotime est lui aussi comparé à une initiation à des mystères50). Elle est vécue sous la forme d’un coup de foudre prouvant la parenté de l’âme avec le divin :

Mon cher Cnémon, nous eûmes l’assurance par ce qui se produisit que l’âme est une réalité divine (θεῖον) et qu’elle a dès là-haut (ἄνωθεν) un lien de parenté (συγγενὲς), car les deux jeunes gens se virent ensemble l’un l’autre et tombèrent amoureux, comme si leur âme, à leur première rencontre, avait reconnu son semblable et s’était précipité vers ce qui méritait d’être son propre (τὸ κατ’ἀξίαν οἰκεῖον)51.

L’expression τὸ κατ’ἀξίαν οἰκεῖον (littéralement : « le propre dans l’ordre des valeurs ») est difficile à rendre, car οἰκεῖον, formé sur οἶκος (maison), désigne dans le langage philosophique ce qui appartient en propre à un être, sa nature particulière, une sorte de propriété intime et κατ’ἀξίαν définit la modalité sous laquelle on envisage ce lien. Ici, l’expression renvoie à l’origine divine de l’âme, origine qui fait l’objet d’une reconnaissance mutuelle. À la manière d’une Diotime, Calasiris décrit et interprète la scène du coup de foudre en lui donnant une portée métaphysique. À cet égard, l’adverbe là-haut (ἄνωθεν) est peut-être à lire en comparaison avec la pensée de Plotin, qui utilise régulièrement ce genre d’adverbes spatiaux pour désigner l’Un ou l’Intellect. À l’idée d’une parenté divine reconnue (θεῖον) dans l’amour de la beauté, il mêle toutefois la thématique de la parenté (συγγενὲς, littéralement : qui est né avec) qui ne vient pas de Diotime, mais du mythe des androgynes d’Aristophane52. En parallèle à la référence platonicienne, le coup de foudre est également interprété plus loin selon un schéma naturaliste (III, 5-8) : le coup de foudre serait le produit du mauvais œil (ὀφθαλμός βάσκανος), mais la théorie proposée du mauvais œil implique que le désir amoureux d’une personne émane de ses yeux, modifie la qualité de l’air et produise des « souffles » (πνεύματα) qui à leur tour peuvent affecter la personne désirée. Un tel schéma naturaliste est également présent dans la tradition platonicienne53. Ce recours à la philosophie permet de supprimer le surnaturel pour expliquer les phénomènes.

Qui plus est, Calasiris offre un commentaire des pratiques religieuses « égyptiennes » en distinguant les pratiques terrestres de la magie, à savoir les charmes érotiques et la nécromancie, des connaissances célestes de la sagesse :

Il y a une science vulgaire, qui rampe pour ainsi dire terre à terre ; toute au service des idoles elle roule autour des cadavres, se consume sur des herbes, s’adonne à des incantations. Elle ne tend à aucune fin utile et ne procure aucun bien à ceux qui en usent. Le plus souvent elle manque à ses promesses et échoue ; si par hasard, elle réussit, ses effets sont misérables et mesquins : par exemple elle fait prendre fantasmagories pour des réalités, nous frustre de nos espérances, habile à inventer des crimes et à seconder la débauche. L’autre science (…), la vraie sagesse, dont la première a usurpé le nom et n’est qu’une bâtarde, celle que nous cultivons, nous prêtres et prophètes, regarde en haut vers le ciel ; compagne des dieux, elle participe de leur puissance surnaturelle, étudie le mouvement des astres et par là acquiert la prescience de l’avenir. Bien loin de s’attacher à tout le mal qui règne sur terre, elle ne recherche jamais que la vertu et l’intérêt des hommes54.

Il y a fort à parier qu’un lecteur antique devait aussitôt songer à un intertexte fameux : la distinction platonicienne entre monde intelligible et monde des illusions dans la ligne du savoir et le mythe de la caverne que cette ligne servait à introduire55. Le couple d’antonymes opinion/savoir de la ligne platonicienne est ici remplacé par la paire « science vulgaire »/« vraie sagesse », mais la description et la valorisation de ces termes restent analogues à celle que faisait Platon : d’un côté, la science vulgaire fonctionne comme l’opinion changeante (δόξα) ; de l’autre, la vraie science permet d’atteindre la vérité. Héliodore joue sur la polysémie de sophia en grec, qui veut dire à la fois « sagesse » et « savoir », et distingue les « savoirs » vains des rituels magiques, dont l’efficacité paraît au mieux illusoire, au pire dangereuse, de la « sagesse » philosophique. Cette antinomie sera illustrée par l’épisode de la nécromancie (VI, 14-15) au cours duquel une vieille sorcière égyptienne interroge le cadavre de son fils : la séance entraînera la pauvre mère à sa perte et vaudra à Calasiris un bref commentaire sur l’impiété de ces pratiques.

Par ses aptitudes à déchiffrer les signes sous toutes leurs formes – linguistiques avec la lecture de l’égyptien, naturelles et métaphysiques avec la reconnaissance immédiate du coup de foudre, religieuses par les visions qu’il a en songe et sa capacité à interpréter l’oracle de la Pythie –, Calasiris est celui qui permet la reconnaissance progressive d’abord de l’amour véritable, ensuite du statut princier de Chariclée. Le prêtre-philosophe détient alors les clés du récit et est en mesure d’apporter un déchiffrement des apparences. Il s’agit ainsi d’un rôle pivot dans le processus de reconnaissance des personnages à la fois comme amants naturels d’un point de vue religieux (coup de foudre) et comme amants légitimes du point de vue des conventions sociales (noblesse).

Conclusion

Le thème de la reconnaissance constitue le dénominateur commun principal des trois récits. C’est à partir de ce nœud que l’on peut réunir entre elles les différentes combinaisons fictionnelles. Chaque fois se retrouve le motif de l’enfant abandonné ou de l’enfant miraculeux dont l’identité doit être révélée (Siousir, Alexandre, Chariclée). Le magicien suppose dans tous ces récits une opposition entre apparence et vérité et il est celui qui peut passer de l’un à l’autre. Ce sont les modalités et la position du magicien dans le schéma actanciel qui changent de récit en récit : passage surnaturel de l’au-delà à l’ici-bas et du passé au présent avec Setné, sauveur de l’Égypte ; manigances mensongères d’un déguisement pour Nectanébo au moment de fuir son royaume, puis au moment de concevoir un enfant ; reconnaissance de l’amour légitime et de l’identité véritable de Chariclée pour Calasiris.

Chez Héliodore, où un secret de naissance doit être exposé et une filiation royale corroborée pour que s’achève le récit, l’identité de Chariclée est dissimulée par son abandon et illisible pour tout autre qu’un prophète de Memphis comme Calasiris, capable de déchiffrer les signes de l’écriture égyptienne (la lettre), les signes des dieux (les songes) et les phénomènes divins et naturels (le coup de foudre). La magie n’est qu’un jeu de rôle pour répondre aux attentes de ses interlocuteurs, mais ce jeu est essentiel pour que le prêtre soit en mesure d’accéder aux informations.

Dans l’Histoire d’Alexandre, l’enjeu du camouflage que met en place Nectanébo avec son déguisement n’a de sens que pour autant qu’il s’accompagne d’une révélation sur l’ascendance égyptienne du roi : la dissimulation « magique » appelle une reconnaissance qui rompe avec les apparences. Sans quoi la véritable conception d’Alexandre ne peut avoir d’effet dans le cours de l’histoire. Cette dissimulation initiale est pensée sur le modèle de l’escroquerie, mais n’est pas incompatible avec des talents de magiciens bien réels. Comme Calasiris, Nectanébo joue un rôle, mais, au contraire de Calasiris, il n’y a aucune mise à distance de la magie.

L’indissociable appariement de la dissimulation et de la reconnaissance apparaît encore plus clairement avec Setné : il prend soin de préserver sa véritable identité et la révèle lui-même pour marquer sa victoire. Comme Calasiris, Siousir est un narrateur homodiégétique : le premier raconte à Cnémon comment il a permis la reconnaissance et la réunion des deux amants ; le second, comment il a vaincu un magicien nubien dans une vie antérieure. Mais au contraire de Calasiris, dont le récit est purement informatif et didactique et permet donc uniquement de comprendre les événements, la parole de Siousir est performative : plus la narration avance, plus est complète la victoire égyptienne dans le temps de l’énonciation.

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  • YOYOTTE, Jean, « La parole et l’objet, et vice-versa », dans Michel Tardieu, Anna Van den Kerchove, Michela Zago, (dirs.). Noms barbares. I. Formes et contextes d’une pratique magique, Turnhout, Belgique, Brepols, 2013, p. 37‑49.

Notes de bas de page

  1. Emilio Suárez de la Torre, « Divination et magie. Remarques sur les papyrus grecs de l’Égypte gréco-romaine », Kernos, 2013, p. 157‑172. L’auteur rappelle que les pratiques « magiques » que nous conservons aujourd’hui sont majoritairement composées de rituels divinatoires. Voir aussi Korshi Dosoo, Rituals of Apparition in the Theban Magical Library, Thèse de doctorat, Macquarie University, 2014 ; Marcello Carastro, « Quand Tirésias devint un mágos. Divination et magie en Grèce ancienne (Ve-IVe siècle av. n. è.) », RHR 224/2, 2007, p. 211‑230.
  2. Avec les apports de l’anthropologie, la différence entre religion et magie fait débat depuis plus de trente ans chez les historiens de l’Antiquité. Voir notamment le colloque organisé par Dirk Obbink et Christopher A. Faraone [dir.], Magika hiera : ancient Greek magic and religion, Oxford University Press, 1991. La tendance actuelle consiste à ne pas opérer de distinction essentialiste entre magie et religion. Contra Hendrik S. Versnel, « Some reflexions on the relationship magic/religion », Numen, vol. 38 / 2, 1991, p. 177‑197. Pour une mise au point théorique, voir Bernd-Christian Otto, « Towards Historicizing “Magic” in Antiquity », Numen, vol. 60, 2013, p. 308‑347 ; Marcello Carastro, « La fabrique de la notion moderne de magie : pratiques du comparatisme chez Frazer, Hubert et Mauss », Revista de historia, ediçao especial, 2010, p. 231‑248.
  3. John G. Gager, Curse tablets and binding spells from the ancient world, New York, Oxford University Press, 1992 : « the sentence, “X is/was a magician!” tells us nothing about the beliefs and practices of X; the only solid information that can be derived from it concerns the speaker’s attitude toward X and their relative social relationship – that X is viewed by the speaker as powerful, peripheral, and dangerous. Thus the only justifiable (answerable) historical question about magic is not “What are the characteristics of, for example, Greek magic?” but rather “Under what conditions, by whom, and of whom does the term ‘magic’ come to be used? », p. 25.
  4. Fritz Graf, La magie dans l’Antiquité gréco-romaine, Paris, Les Belles Lettres, 1994, p. 31-73 ; p. 112-114.
  5. Papyrus British Museum 604 = Héros, magiciens et sages oubliés de l’Égypte ancienne :  une anthologie de la littérature en égyptien démotique, éds. Damien Agut-Labordère et Michel Chauveau, Paris, les Belles lettres, 2011, p. 41-65 (abrégé ci-après en Héros, magiciens et sages oubliés). Ce texte nous est conservé en démotique, au dos de deux registres fonciers écrits sous le règne de Claude (41-54).
  6. Pour le texte original, W. Kroll, Historia Alexandri Magni, vol. 1, Berlin : Weidmann, 1926. Pour une traduction, Pseudo-Callisthène, Le roman d’Alexandre : la vie et les hauts faits d’Alexandre de Macédoine, éds. Gilles Bounoure et Blandine Serret, Paris, les Belles lettres, 1992, p. 3-9.
  7. Texte et traduction dans Héliodore, Les Éthiopiques : Théagène et Chariclée, 3 vols., trad. Jean Maillon, éds. Robert Mantle Rattenbury et Thomas Wallace Lumb, Paris, France, Les Belles Lettres, 19602 (1935-19381).
  8. Fulvio De Salvia, « La figura del mago egizio nella tradizione letteraria greco-romana », dans Alessandro Roccati, Alberto Siliotti [dirs.], La Magia in Egitto ai tempi dei faraoni: atti, convegno internazionale di studi, Milano, 29-31 ottobre 1985, Vérone (Italie), Italie, Rassegna internazionale di cinematografia archeologica : Arte e natura libri, 1987, p. 343‑365.
  9. L’appellation « roman » est employée de manière conventionnelle pour désigner des récits de fiction en prose qui circulent durant la période romaine en langue grecque et latine et ne doit pas être confondue avec le genre romanesque moderne proprement dit.
  10. Ian Rutherford, « Kalasiris and Setne Khamwas : A Greek Novel and Some Egyptian Models », Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, vol. 117, 1997, p. 203‑209. On trouvera dans María Paz López Martínez, Fragmentos papiráceos de novela griega, Alicante, Universidad de Alicante, 1998 et Ancient greek novels :  the fragments, éds. Susan A. Stephens et John J. Winkler, Princeton, Princeton university press, 1995, des fragments romanesques dont certains ont certainement une archéologie égyptienne. Relevons également le Mythe de l’Œil du Soleil dont nous conservons une version originale démotique et une traduction grecque : Françoise de Cenival, Le Mythe de l’oeil du soleil, Sommerhausen, G. Zauzich, 1988 ; Stephanie West, « The Greek Version of the Legend of Tefnut », Journal of Egyptian Archaeology 55, 1969, p. 161‑183 ; Monica Signoretti, « A Tale of Two Tongues ? The Myth of the Sun’s Eye and its Greek Translation », dans Traianos Gagos et Adam Hyatt [dirs.] Proceedings of the Twenty-Fifth International Congress of Papyrology, Ann Arbor 2007, 2010, p. 725‑732.
  11. Fulvio De Salvia, art. cit.
  12. Sur le caractère magique de la religion égyptienne et sur le héka, la bibliographie scientifique est maintenant abondante ; je signale ici quelques références utiles : Alessandro Roccati, « Qu’est-ce que le texte magique dans l’Égypte ancienne ? En quête d’une définition », dans Yvan Koenig [dir.], La magie en Égypte : à la recherche d’une définition. Actes du colloque les 29 et 30 septembre 2000, Paris, Documentation Française, 2002, p. 69‑79 ; Joachim Friedrich Quack, « La magie au temple », dans La magie en Égypte…, p. 41‑68 ; Robert K. Ritner, « Egyptian Magical Practice under the Roman Empire: the Demotic Spells and their Religious Context », Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II.18.5, 1995, p. 3333‑3379 ; Robert K. Ritner, The mechanics of ancient Egyptian magical practice, Chicago, États-Unis, Oriental Institute of the University of Chicago, 1993 ; Yvan Koenig, « La magie égyptienne : de l’image à la ressemblance », dans Michel Tardieu, Anna Van den Kerchove, Michela Zago [dirs.], Noms barbares I. Formes et contextes d’une pratique magique, Turnhout, Belgique, Brepols, 2013, p. 177‑189 ; Jean Yoyotte, « La parole et l’objet, et vice-versa », dans Noms barbares…, p. 37‑49 ; Robert K. Ritner, « The Religious, Social, and Legal Parameters of Traditional Egyptian Magic », dans Marvin W. Meyer, Paul Allan Mirecki [dirs.], Ancient magic and ritual power, Boston, Brill, 2001, p. 43‑60.
  13. Sur les prêtres et les magiciens égyptiens, voir les références classiques de Serge Sauneron, « Le monde du magicien égyptien », dans Le monde du sorcier, Paris, Seuil, 1966, p. 27‑65 et Les prêtres de l’ancienne Égypte, Paris, France, Éditions du Seuil, 1957.
  14. Emilio Suárez de la Torre, art. cit.
  15. Héros, magiciens et sages oubliés, opcit., p. 17-18.
  16. Ibid. p. 19-39.
  17. Ibid. p. 49.
  18. Yvan Koenig, « La Nubie dans les textes magiques. L’inquiétante étrangeté », Revue d’Égyptologie, vol. 38, 1987, p. 105‑110.
  19. Cf. l’affrontement entre l’apôtre (Simon) Pierre et Simon le mage, dans Actes des Apôtres VIII, 9-24 ; pseudo-Clément d’Alexandrie, Homélies III.
  20. Héros, magiciens et sages oubliés, p. 55.
  21. Ibid., p. 63.
  22. Ibid., p. 63-64.
  23. Pour la rivalité et la parenté entre royaume nubien et Égypte pharaonique, voir Damien Agut-Labordère et Juan Carlos Moreno García, L’Égypte des pharaons : de Narmer à Dioclétien, 3150 av. J.-C.-284 apr. J.-C., Paris, Belin, 2016, p. 529-575.
  24. Voir n. 9.
  25. Pseudo-Callisthène, Le roman d’Alexandre : la vie et les hauts faits d’Alexandre de Macédoine, éds. Gilles Bounoure et Blandine Serret, Paris, les Belles lettres, 1992, p. 3-9.
  26. Sydney H. Aufrère, « Quelques aspects du dernier Nectanébo et les échos de la magie égyptienne dans « le roman d’Alexandre » », dans Alain Moreau et Jean-Claude Turpin [dirs.], La magie : actes du colloque international de Montpellier, 25-27 mars 1999, Tome 1, Montpellier, Université Paul-Valéry, 2000, p. 95‑118.
  27. Histoire d’Alexandre I, 1.3-4 : ἀπατῶνται γὰρ οἱ πολλοὶ λέγοντες αὐτὸν εἶναι τοῦ βασιλέως Φιλίππου υἱόν. οὐκ ἀληθὲς δὲ τοῦτο. οὐ γὰρ ἐκείνου ἦν παῖς, ἀλλὰ τοῦ Νεκτεναβῶ λέγουσι τοῦτον εἶναι οἱ σοφώτατοι τῶν Αἰγυπτίων, ὅτε τῆς βασιλικῆς τιμῆς ἐξέπεσεν. οὗτος ὁ Νεκτεναβὼ τῇ μαγικῇ τέχνῃ ἔμπειρος ἦν, καὶ τῇ δυνάμει ταύτῃ χρώμενος πάντων τῶν ἐθνῶν τῇ μαγείᾳ περιγενόμενος εἰρηνικῶς διῆγεν (trad. G. Bounoure-B. Serret d’après la recensio β).
  28. Histoire d’Alexandre I, 5 : λαμβάνει βοτάνας ἀπὸ τῆς ἐρήμου ἃς ἠπίστατο πρὸς ὀνειροπολίαν. καὶ ταύτας χυλώσας ἔπλασε κηρίον θηλυκόσωμον καὶ ἐπέγραψεν ἐν αὐτῷ τὸ ὄνομα τῆς Ὀλυμπιάδος. καὶ ἅψας λύχνους <…> ἀπὸ τῶν βοτάνων ἐπεκαλεῖτο ὅρκοις τοὺς πρὸς τοῦτο πεποιημένους δαίμονας, ὥστε φαντασιοῦσθαι τὴν Ὀλυμπιάδα. καὶ θεωρεῖ περιπεπλεγμένον αὐτῇ τὸν θεὸν Ἄμμωνα ἐν τῇ νυκτὶ ἐκείνῃ καὶ ἀναστάντα ἀπ’ αὐτῆς εἰπόντα αὐτῇ· “γύναι, κατὰ γαστρὸς ἔχεις ἄρρεν, τὸν ἔκδικόν σου γενόμενον.” (Trad. Bounoure-Serret légèrement modifiée).
  29. Notre principale source d’information sur les pratiques magiques provient du corpus des Papyrus Grecs Magiques, un recueil de textes provenant de l’Égypte romaine et contenant des consignes pour mettre en pratiques des rituels ; la divination y occupe une part importante, mais on y trouve aussi des « recettes » pour envoyer des songes. Voir Samson Eitrem, « Dreams and Divination in Magical Ritual », dans Christopher A. Farone, Dirk Obbink, (dirs.). Magika Hiera. Ancient Greek Magic and Religion, Oxford University Press, 1991, p. 175‑187 ; Joachim Friedrich Quack, « Remarks on Egyptian Rituals of Dream-Sending », dans P. Kousoulis [dir.], Ancient Egyptian demonology: studies on the boundaries between the demonic and the divine in Egyptian magic, Leuven ; Walpole, Mass, Uitgeverij Peeters en Departement Oosterse Studies, 2011, p. 129‑150.
  30. Histoire d’Alexandre I, 7.1-3 : Ὁ δὲ Νεκτεναβὼ ἡτοίμασεν ἑαυτῷ πόκον κριοῦ ἁπαλωτάτου σὺν τοῖς κέρασι τῶν κροτάφων αὐτοῦ, καὶ ταῦτα χρυσῷ παραπλήσια, καὶ σκῆπτρον ἐβέλινον καὶ ἱμάτιον λευκὸν καὶ τρίβωνα καθαρώτατον δρακοντιοῦντα· καὶ εἰσέρχεται εἰς τὸν κοιτῶνα, ἔνθα ἦν ἐπὶ κλίνης ἡ Ὀλυμπιὰς κατεσκεπασμένη. ἄκρῳ δὲ τῷ ὀφθαλμῷ ἔβλεπεν. καὶ ὁρᾷ αὐτὸν εἰσερχόμενον καὶ οὐκ ἐδειλίασεν. αὐτὸν γὰρ προσεδόκα καθὼς καὶ ἐν ὀνείρῳ εἶδεν. οἱ δὲ λύχνοι ἥπτασιν, καὶ συνεκάλυψεν ἡ Ὀλυμπιὰς τὸ πρόσωπον ἑαυτῆς. ὁ δὲ Νεκτεναβὼ ἀποθέμενος τὸ σκῆπτρον ἀναβαίνει ἐπὶ τὴν κλίνην αὐτῆς καὶ συγγίνεται αὐτῇ. καί φησι πρὸς αὐτήν· “διάμεινον, γύναι· κατὰ γαστρὸς ἔχεις ἄρρενα παῖδα ἔκδικόν σου γενόμενον καὶ πάσης οἰκουμένης κοσμοκράτορα βασιλέα.” καὶ ἐξῆλθεν ἀπὸ τοῦ κοιτῶνος Νεκτεναβὼ ἄρας τὸ σκῆπτρον καὶ ἀποκρύβει πάντα ἃ εἶχε πλανικά. (Trad. Bounoure-Serret légèrement modifiée).
  31. Das byzantinische Alexandergedicht nach dem codex Marcianus 408 herausgegeben, éd. S. Reichmann, Meisenheim am Glan, Hain (Beiträge zur klassischen Philologie 13), 1963, v. 77 (ὁ γόης ὁ Νεκτεναβὼ), passim.
  32. Flavius Josèphe, Antiquités Juives XVIII, 3.4 (65-80) : un chevalier romain, Mundus, obtient les faveurs d’une noble romaine, Paulina, en se faisant passer pour Anubis dans le temple d’Isis à Rome. Voir aussi Fragmentos papiráceos de novela griega, éd. María Paz López Martínez, Alicante, Universidad de Alicante, 1998, p. 302-317.
  33. P. Turner 8 (= S. Stephens and J. Winkler, Ancient Greek novels: the fragments, Princeton, Princeton University Press, 1995, p. 400-408) ; María Paz López Martínez, « Observaciones sobre el PLeid. U (“El sueño de Nectanebo”) y el PTurner 8 (“Tinufis”) », Lucentum : anales de la Universidad de Alicante: prehistoria, arqueología e historia antigua, 19‑20, 2000-2001, p. 237‑243.
  34. Photius, Bibl. cod. 166 p. 109a-112a (Bekker) (= S. Stephens and J. Winkler, Ancient Greek novels: the fragments, Princeton, Princeton University Press, 1995, p. 121-129).
  35. Histoire d’Alexandre, I, 14.5 : Ὅτι τὰ ἐπὶ γῆς μὴ ἐπιστάμενος τὰ τοῦ οὐρανοῦ ζητεῖς εἰδέναι.
  36. Pour une édition du texte grec et une traduction espagnole, voir María Paz López Martínez, Fragmentos papiráceos de novela griega, Alicante, Universidad de Alicante, 1998, p. 20-30 ; Kim Ryholt, « A Demotic version of Nectanebos’ Dream : (P. Carlsberg 562) », Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 122, 1998, p. 197‑200 relève un proto-texte démotique. Voir aussi Kim Ryholt, « Nectanebo’s dream or the prophecy of Petesis », dans A. Blasius et B. U. Schipper [dirs.], Apokalyptik und Ägypten. Eine kristische Analyse der relevanten Texte aus dem Griechish-Römischen Ägypten, Louvain-Paris-Sterling, Peeters, 2002, p. 221-246 ; Philippe Matthey, « Récits grecs et égyptiens à propos de Nectanébo II : une réflexion sur l’historiographie égyptienne », in L’oiseau et le poisson, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2011, p. 303‑328.
  37. Kim Ryholt, « Nectanebo’s dream or the prophecy of Petesis », in A. Blasius et B. U. Schipper [dirs.], Apokalyptik und Ägypten. Eine kristische Analyse der relevanten Texte aus dem Griechish-Römischen Ägypten, Louvain-Paris-Sterling, Peeters, 2002, p. 221‑246 ; Alan B. Lloyd, « Nationalist propaganda in Ptolemaic Egypt », Historia 31, 1982, p. 33‑55 ; B. J. B. Berg, « An early source of the Alexander Romance », Greek, Roman and Byzantine Studies 14, 1973, p. 381‑387.
  38. Philippe Matthey, « Le retour du roi. Littérature “apocalyptique” égyptienne et construction du Roman d’Alexandre », dans Sydney H Aufrère et Frédéric Möri (dirs.), Alexandrie la divine. Sagesses barbares. Échanges et réappropriations dans l’espace culturel gréco-romain, Genève, Suisse, La Baconnière, 2016, p. 145‑190. On a pu parler autrefois d’une « propagande nationaliste » (Alan B. Lloyd, « Nationalist propaganda in Ptolemaic Egypt », Historia : Zeitschrift für Alte Geschichte 31, 1982, p. 33‑55), mais cette grille de lecture n’est plus d’actualité aujourd’hui, car ces deux concepts rendent mal compte des interactions sociales de l’Égypte hellénistique, voir Matthey, art. cit., p. 147-148. Voir aussi Gaëlle Tallet, « In or out ? L’insaisissable frontière entre Grecs et Égyptiens dans la société de l’Égypte lagide », Classement, déclassement, reclassement de l’Antiquité à nos jours, éd. Chabaud Gilles, Limoges, France, 2009, p. 15‑38 et Bernard Legras, « Les experts égyptiens à la cour des Ptolémées », Revue Historique, vol. 304 / 4 (624), 2002, p. 963‑991.
  39. Par métonymie pour l’Égypte entière, Memphis est régulièrement associée à la magie dans les textes anciens. Voir par exemple, Lucien, Philopseudès 34 ; Lucain, Pharsale VI, 448 ; Jérôme, In Isaiam V, 19.11.
  40. Christopher A. Faraone, Ancient Greek love magic, Cambridge, London, Harvard University Press, 1999.
  41. Giulia Sfameni Gasparro, « Il mago e i suoi clienti : rivelazione di saperi, epifania divina e arte magica », in Emilio Suárez, Miriam Blanco, Eleni Chronopoulou et Isabel Canzobre [dirs.], Magikè téchne. Formación y consideracion social del mago en el Mundo Antiguo, Madrid, Dykinson, 2017, p. 47‑64.
  42. Faraone, op. cit.
  43. Héliodore, Éthiop. II, 33.6 : Σοφίαν τινὰ καὶ ἴυγγα κίνησον ἐπ´ αὐτὴν Αἰγυπτίαν· πεῖσον ἢ λόγοις ἢ ἔργοις γνωρίσαι τὴν ἑαυτῆς φύσιν καὶ ὅτι γυνὴ γέγονεν εἰδέναι. (Trad. J. Maillon).
  44. Ibid., III, 11.2-3 : « Μεμφίτης ἐστὶν, εἶπεν, Αἰγύπτιος καὶ προφήτης τῆς Ἴσιδος. » Ὁ δὴ Θεαγένης ὡς τὸν Αἰγύπτιον καὶ τὸν προφήτην ἤκουσεν, ἡδονῆς τε ἀθρόον ἐνεπλήσθη καὶ ὥσπερ οἱ θησαυρῷ τινι προστυχόντες ὀρθώσας ἑαυτὸν ὕδωρ τε αἰτήσας καὶ πιὼν « ὦ σοφώτατε, εἶπεν, ἀλλὰ σύ γε ταύτην δέχου τὴν φιλοτησίαν ἣν ἀπὸ τῶν ἡδίστων σοι προέπιον, καὶ φιλίαν ἡμῖν ἥδε ἡ τράπεζα σπενδέσθω. » (Trad. J. Maillon).
  45. Ibid., III, 16.2 : Αἰγύπτιον καὶ προφήτην ἀκηκοὼς ἥκει συνεργὸν πρὸς τὸν ἔρωτα ληψόμενος, πάσχων οἶμαι τὸ τῶν πολλῶν πάθος οἳ τὴν Αἰγυπτίων σοφίαν μίαν καὶ τὴν αὐτὴν ἠπάτηνται κακῶς εἰδότες. (Trad. J. Maillon).
  46. Ibid., III, 17.1-2 : Ἔγνων οὖν καιρὸν εἶναι τερατεύεσθαι πρὸς αὐτὸν καὶ μαντεύεσθαι δῆθεν ἅπερ ἐγίνωσκον. Ἱλαρώτερον οὖν αὐτῷ προσβλέψας »εἰ καὶ αὐτὸς λέγειν ὀκνεῖς« ἔφην »ἀλλὰ τῇ γε ἡμετέρᾳ σοφίᾳ καὶ θεοῖς οὐδὲν ἄγνωστον.« Καὶ ἐπιστήσας ὀλίγον καὶ ψήφους τινὰς οὐδὲν καταριθμούσας ἐπὶ δακτύλων συντιθεὶς τήν τε κόμην διασείσας καὶ τοὺς κατόχους μιμούμενος »ἐρᾷς« εἶπον »ὦ τέκνον.« Ἀνήλατο πρὸς τὴν μαντείαν, ὡς δὲ ὅτι »καὶ Χαρικλείας« προσέθηκα, τοῦτ´ ἐκεῖνο θεοκλυτεῖν με νομίσας μικροῦ μὲν καὶ προσεκύνει πεσών. (Trad. J. Maillon modifiée).
  47. Ibid., IV, 5.2-3 : « Ἀνίστω, ἔφην, καὶ οἱ λοιποὶ πάντες ἔξιτε· τρίποδά τις καὶ δάφνην καὶ πῦρ καὶ λιβανωτὸν παραθέσθω μόνον, ὀχλείτω δὲ μηδὲ εἷς ἕως ἂν προσκαλέσωμαι. » Προσέταττε ταῦτα ὁ Χαρικλῆς καὶ ἐγένετο. Κἀπειδὴ σχολῆς ἐλαβόμην, ἠρχόμην ὥσπερ ἐπὶ σκηνῆς τῆς ὑποκρίσεως καὶ τόν τε λιβανωτὸν ἐθυμίων καί τινα δῆθεν ψιθύροις τοῖς χείλεσι κατευξάμενος τὴν δάφνην ἐκ κεφαλῆς εἰς πόδας ἄνω καὶ κάτω πυκνὰ τῆς Χαρικλείας ἐπεσόβουν καὶ ὑπνῶδές τι μᾶλλον δὲ γραῶδες ἐπιχασμώμενος ὀψὲ καὶ βραδέως ἐπαυσάμην, πολύν τινα λῆρον ἐμαυτοῦ τε καὶ τῆς κόρης καταχέας. (Trad. J. Maillon).
  48. Voir par exemple, Plotin 20 (I, 3), qui reprend la figure de l’amoureux pour en faire, avec le musicien et le philosophe, une des trois figures du retour vers l’Un.
  49. Cf. Achille Tatius, Leucippé et Clitophon ; Chariton d’Aphrodise, Chéréas et Callirhoé ; Longus, Daphnis et Chloé ; Xénophon d’Éphèse, Les Éphésiaques.
  50. Platon, Banquet 208c-212a (210a pour la comparaison aux mystères).
  51. Héliodore, Éthiop. III, 5.4 : φίλε Κνήμων, καὶ ὅτι θεῖον ἡ ψυχὴ καὶ συγγενὲς ἄνωθεν τοῖς ἔργοις ἐπιστούμεθα· ὁμοῦ τε γὰρ ἀλλήλους ἑώρων οἱ νέοι καὶ ἤρων, ὥσπερ τῆς ψυχῆς ἐκ πρώτης ἐντεύξεως τὸ ὅμοιον ἐπιγνούσης καὶ πρὸς τὸ κατ’ἀξίαν οἰκεῖον προσδραμούσης.
  52. Platon, Banquet 189a-193d.
  53. Cf. Plutarque, Questions conviviales 680c-683b.
  54. Héliodore, Éthiop. III, 16.3-4 : Ἡ μὲν γάρ τις ἐστὶ δημώδης καὶ ὡς ἄν τις εἴποι χαμαὶ ἐρχομένη, εἰδώλων θεράπαινα καὶ περὶ σώματα νεκρῶν εἰλουμένη, βοτάναις προστετηκυῖα καὶ ἐπῳδαῖς ἐπανέχουσα, πρὸς οὐδὲν ἀγαθὸν τέλος οὔτε αὐτὴ προϊοῦσα οὔτε τοὺς χρωμένους φέρουσα, ἀλλ’ αὐτὴ περὶ αὑτὴν τὰ πολλὰ πταίουσα λυπρὰ δέ τινα καὶ γλίσχρα ἔστιν ὅτε κατορθοῦσα, φαντασίας τῶν μὴ ὄντων ὡς ὄντων καὶ ἀποτυχίας τῶν ἐλπιζομένων, πράξεων ἀθεμίτων εὑρέτις καὶ ἡδονῶν ἀκολάστων ὑπηρέτις. Ἡ δὲ ἑτέρα, τέκνον, ἡ ἀληθῶς σοφία, ἧς αὕτη παρωνύμως ἐνοθεύθη, ἣν ἱερεῖς καὶ προφητικὸν γένος ἐκ νέων ἀσκοῦμεν, ἄνω πρὸς τὰ οὐράνια βλέπει, θεῶν συνόμιλος καὶ φύσεως κρειττόνων μέτοχος, ἄστρων κίνησιν ἐρευνῶσα καὶ μελλόντων πρόγνωσιν κερδαίνουσα, τῶν μὲν γηΐνων τούτων κακῶν ἀποστατοῦσα πάντα δὲ πρὸς τὸ καλὸν καὶ ὅτι ἀνθρώποις ὠφέλιμον ἐπιτηδεύουσα.
  55. Platon, République 509c-511e.