La terreur et son kiosque - II

Par Méryl Marchetti — La presse et l’invention littéraire

Fondamentalement, dans tous les modèles de presse-citron, on exerce une pression sur le fruit, afin que les membranes retenant le jus dans le fruit éclatent et que le jus s’écoule. Le presse-citron doit résister à cette pression, et les matériaux mous, facilement déformables ne sont pas adaptés.

En 1890, Louis-Emile Dudif passait en procès pour avoir, l’année précédente, publié dans le quotidien Le Siècle la photographie d’un décapité – surtout la tête, décapitée – accompagnée d’un article décrivant les qualités de composition de celle-ci (contraste, angle de vue, cadrage…). Au juge qui le rappelle à la mission pédagogique, de transmission des valeurs et de sélection de l’information du journaliste, Dudif répond : « Vous aurez beau penser pour eux, ils en pensent toujours plus que vous. »

De toute façon, en gros, moins tu prends ton lecteur pour un con, plus tu peux aller loin dans ton écriture.

La version ultime de la motorisation est l’utilisation de la centrifugeuse électrique. Cet appareil peut extraire du jus de tout fruit ou aliment. Le fruit est introduit par un orifice qui débouche sur un disque tranchant à rotation rapide, d’où il est pulvérisé sur les parois du panier.

Stars de la chanson, du cinéma, sportifs, jeunes, vieux, sans distinction de classe, tout le monde – ou presque – lit maintenant son journal sur sa peau. Il y a peu encore, nous hésitions : papier ou écran ? Aujourd’hui, même la dernière des poupées Lillie – Daylie – arbore fièrement un écran dermique sur lequel défilent les offres d’abonnement aux magazines jeunesse.

Il faut avouer : le phénomène est séduisant… En fait, dès que l’on s’effleure de l’index, la peau prend une profondeur virtuelle où l’on tourne sur son axe, pour en laisser les faces monter tour à tour et plonger aussitôt, l’actualité. Cette eau va nous boire. Chaque vidéo, à mesure que l’on descend le curseur, se sépare à regret de la surface qu’elle a atteinte et est absorbée par l’écran, pendant que d’autres naissent à tout instant de nos doigts, prenant la place de leurs aînées éteintes. Un sursaut, une palpitation encore, parfois nous trouble ; surtout un buzz continu, une simple oscillation externe gonfle puis déprime la nappe d’eau intérieure, où se dilatent les fenêtres, avec la régularité d’une respiration. Mais un ajustement technologique retroussera le coefficient des marées afin d’égaliser la souplesse de la peau à l’immobilité exigée d’un écran.

Car, n’en doutons pas, là où l’habit affirmait l’appartenance à une caste, le tatouage marquait le passage d’une initiation, un bijou réalisait une transgression ou un vœu religieux, ces piercings en hologramme et à l’update fatidique traduisent eux aussi la nécessité de compléter un corps insuffisant à l’identité personnelle.

« On change de presse pour changer de vie, analyse Guy-Lou Forester. Dans les sociétés où l’information est reine, tout article visible au regard devient un signe d’identité, que ce soit une image de guerre, une stat politique, un résultat sportif ou une critique d’album… La presse corporelle est comme une signature de soi. Elle permet de surinformer sa programmation au monde, tel un style ou une présence. »

Si la dimension informative a pris le pas sur une quelconque revendication esthétique, l’aspect psychologique dans cette volonté d’immatriculer son corps au compteur de l’actualité n’est pas à minimiser, au contraire.

Être bien dans son écran implique une actualisation.